Reportage

Intensification prévue des initiatives pour la réduction des risques en Ukraine

11 avril 2007

Natalia, jeune Ukrainienne, consomme des drogues injectables depuis cinq ans. En Ukraine, la consommation de drogues injectables constitue un problème préoccupant, aggravé par le niveau élevé de prévalence du VIH parmi les consommateurs. Le Ministère de la Santé a estimé qu’en 2006, par exemple, 49 % des consommateurs de drogues injectables vivant dans la capitale, Kiev, étaient aussi infectés par le VIH.

Natalia compte pourtant parmi ceux qui ont de la chance. Elle est l’une des 110 000 personnes qui ont eu accès aux services de réduction des risques en Ukraine en 2006 et elle participe à un programme de traitement de substitution qui l’aide à retrouver une vie normale.

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Participants à la 2ème Conférence sur la réduction des risques
qui s’est tenue à Kiev du 21 au 24 mars 2007.

Natalia a été l’une des oratrices invitées à la deuxième Conférence nationale sur la réduction des risques qui s’est tenue à Kiev du 21 au 24 mars 2007. Elle a parlé devant près de 400 participants de ses expériences et de l’importance des programmes de réduction des risques dans le pays. Les différents partenaires de la riposte de l’Ukraine au sida faisaient partie de son auditoire, à savoir responsables gouvernementaux, prestataires de soins de santé et travailleurs sociaux, communautés de consommateurs de drogues injectables, organismes chargés de faire respecter la loi, établissements pénitentiaires et médias. Dans son discours, elle a déclaré : « Avec l’aide d’une thérapie de substitution médicamenteuse, je peux maintenant à nouveau mener une vie normale. Cela fait six mois que j’ai entrepris cette thérapie et je suis déjà rentrée chez moi, j’aide à élever ma nièce et j’ai un travail que j’aime. Rien de cela n’aurait été possible si les programmes de réduction des risques n’existaient pas dans ce pays ».

L’histoire de Natalia n’a rien d’exceptionnel en Ukraine. Elle met en évidence l’importance des programmes de réduction des risques dans les pays qui sont confrontés à des épidémies de VIH dues principalement à la consommation de drogues injectables dans de mauvaises conditions d’hygiène. Les statistiques parlent d’elles-mêmes – selon les rapports officiels, alors que chez les nouveaux cas de VIH la proportion de consommateurs de drogues injectables a diminué (de 60 % en 2001 à environ 45 % au premier semestre 2006), rien n’indique que l’épidémie ralentit parmi ces derniers. Une étude de surveillance sentinelle menée dans plusieurs régions en 2006 a révélé que la prévalence de l’infection à VIH parmi les consommateurs de drogues injectables allait de 10 % dans la ville de Sumy à plus de 66 % dans celle de Mykolayiv.

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Dialogue médias et agents de santé organisé par la vedette de
télévision Savik Shuster.
Crédit photo : International HIV/AIDS Alliance (Ukraine) /
N. Kravchuk

« Nous savons que l’épidémie de VIH ne pourra être stoppée que si les consommateurs de drogues injectables ont accès à un ensemble complet de mesures de réduction des risques, notamment des informations, du matériel d’injection stérile, des préservatifs, des thérapies de substitution médicamenteuse et un traitement, des soins et un soutien du VIH. Dans les pays et les villes où des programmes de réduction des risques ont été mis en œuvre dès la première heure et à grande échelle, les programmes de prévention du VIH sont parvenus à réduire la prévalence du virus parmi les consommateurs de drogues injectables, parfois jusqu’à moins de 5 %. C’est la raison pour laquelle le système des Nations Unies soutient officiellement les programmes de réduction des risques », a déclaré M. Paul Bermingham, directeur de la Banque mondiale pour l’Ukraine, le Moldova et le Bélarus, et président du Groupe thématique des Nations Unies sur le VIH/sida en Ukraine.

Au cours de la Conférence, les deux groupes travaillant sur le terrain et des hauts fonctionnaires du pays ont également souligné l’importance des initiatives de réduction des risques, notamment la thérapie de substitution médicamenteuse, pour une riposte nationale efficace au sida. Le professeur Alla Shcherbynska, responsable du Centre ukrainien de lutte contre le sida, a déclaré « L’Ukraine a décidé d’élargir et d’intensifier les programmes de réduction des risques dans le but d’instaurer l’accès universel à la prévention, au traitement, aux soins et à l’appui du VIH d’ici 2010. C’est maintenant devenu notre objectif national. La vitesse à laquelle nous l’atteindrons dépendra de l’efficacité avec laquelle nous élargirons, intensifierons et améliorerons la qualité des services de réduction des risques, notamment la thérapie de substitution médicamenteuse ».

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Des militants représentant des communautés de consommateurs
de drogues injectables sont montés sur scène pour exprimer leur
mécontentement d’être mis à l’écart par la société et de faire
l’objet de mesures discriminatoires.

Pendant la Conférence, des militants représentant des communautés de consommateurs de drogues injectables sont montés sur scène pour exprimer leur mécontentement d’être mis à l’écart par la société et de faire l’objet de mesures discriminatoires. « Pourquoi la société ne nous écoute-t-elle pas ? Nous ne sommes pas un problème ; nous faisons partie de la solution», ont-ils déclaré.

Les participants ont aussi examiné et préconisé des stratégies pour une plus grande participation des consommateurs de drogues injectables et des autorités locales aux programmes de réduction des risques et aux prises de décisions. Les participants ont fait l’éloge des succès réalisés par les projets pilotes de thérapie de substitution médicamenteuse et débattu de la manière d’intensifier ces initiatives dans tout le pays.

« Nous devons commencer à intégrer dès aujourd’hui dans la riposte la planification et l’action pour l’avenir », a déclaré le Dr Ani Shakarishvili, Coordonnateur de l’ONUSIDA pour l’Ukraine. « Avant tout, il nous faut trouver des moyens pour nous assurer que le sida, la réduction des risques et la thérapie de substitution médicamenteuse, les questions liées à la sexospécificité, la réduction de la vulnérabilité, de la stigmatisation et de la discrimination à l’encontre des consommateurs de drogues injectables, des personnes vivant avec le VIH et d’autres demeurent des priorités politiques absolues en Ukraine, année après année, et cette conférence représente une étape importante dans cette direction ».

Lors de la clôture de la Conférence, la communauté des consommateurs de drogues injectables a présenté, au nom de l’ensemble des participants, une déclaration conjointe adressée au Gouvernement ukrainien, à la communauté des donateurs et à la société civile, demandant que des décisions et des mesures essentielles soient prises et mises en œuvre.

Le lendemain de la Conférence, le Département d’Etat de l’application des peines a publié un décret établissant un groupe de travail chargé de mettre en œuvre un plan d’action en faveur de mesures de réduction des risques dans les prisons ukrainiennes. Il est probable que fournir des services d’échange d’aiguilles et de seringues dans les établissements pénitentiaires sera l’un des résultats importants, concrets et immédiats de la Conférence.




Liens:

Informations sur l’Ukraine

Collection meilleures pratiques de l’ONUSIDA : Prévention du VIH parmi les consommateurs de drogues injectables dans les pays en transition et en développement (pdf, 1,98 Mb)