Reportage

En Inde, la police s’engage à soutenir les ripostes communautaires contre le sida

11 novembre 2008

Dans le cadre d’une initiative gouvernementale, la police indienne est encouragée à soutenir de manière dynamique et à faciliter le travail des groupes communautaires s’occupant de sensibiliser les populations les plus exposées au risque d’infection à VIH et qui sont aussi susceptibles d’être les plus marginalisées de la société.

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Un groupe de policiers, de personnels paramilitaires, de représentants des sociétés de lutte contre le sida des Etats indiens et de représentants de la société civile prépare des plans d’actions pour la mise en œuvre d’initiatives à l’échelon des Etats et des districts. Photo : ONUSIDA

Bien que le taux de prévalence du VIH chez les adultes soit faible en Inde (0,3 %), on estime néanmoins à 2,4 millions le nombre de personnes vivant avec le VIH dans ce pays qui est le deuxième pays le plus peuplé du monde. Les personnes les plus exposées au risque d’infection sont celles qui ont certains comportements spécifiques, tels que les rapports sexuels tarifés (clients et professionnel(le)s du sexe), la consommation de drogues injectables et les rapports sexuels entre hommes. Du fait d’un ensemble complexe de normes sociales, ces personnes peuvent être les plus difficiles à atteindre dans la société.

Dans la mesure où le système juridique peut également les criminaliser, leurs chemins croisent souvent ceux des policiers. Ce point de rencontre offre une opportunité unique pour permettre à la police de faciliter la fourniture de services en rapport avec le VIH aux personnes les plus exposées au risque d’infection.

Sexualité et consommation de drogues injectables à moindre risque

Les pratiques de sexualité et de consommation de drogues injectables à moindre risque sont vitales pour le succès de la lutte contre l’épidémie de VIH en Inde. L’essentiel des activités de sensibilisation au virus destinées aux personnes marginalisées est réalisé par des organisations non gouvernementales (ONG) et des organisations à assise communautaire. Traditionnellement, les forces de police n’ont jamais travaillé officiellement avec la société civile en Inde, même s’il y a eu d’excellents exemples de fonctionnaires de police hommes et femmes organisant une coordination avec des ONG – ce qui s’est produit dans certains cas ad hoc et résulte d’initiatives personnelles.

Grâce à un plaidoyer efficace, l’ONUSIDA en Inde a proposé au Ministère des Affaires intérieures de réfléchir à l’intérêt qu’il y aurait à améliorer une coopération et un appui dynamique entre la police et les organismes qui travaillent avec les personnes les plus exposées au risque d’infection à VIH. Avec le soutien de la police, la protection des travailleurs communautaires, leurs activités de sensibilisation et la mise en œuvre réussie de mesures telles que la distribution de préservatifs et les programmes d’échange de seringues ont une meilleure garantie de succès.

En décembre 2007, le Ministère des Affaires internes a publié un ordre officiel à l’intention de tous les Directeurs généraux de la Police pour désigner un officier de liaison chargé de la coordination avec les ONG au niveau des états et des districts. Cet officier a pour mission spécifique de resserrer les liens de travail avec les ONG.

Ce dispositif a déjà été pleinement mis en œuvre en Inde dans l’ensemble des vingt-huit états et des sept territoires de l’Union, et est déjà considéré comme apportant une contribution majeure à la programmation de la lutte nationale contre le VIH. En participant à la riposte au virus et en soutenant des initiatives de prévention dans le cadre de son travail courant, la police sera automatiquement sensibilisée à sa propre protection contre le risque d’infection à VIH.

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Des officiers de liaison chargés de la coordination avec les ONG à l’échelon des Etats et des districts ont participé à une conférence régionale organisée par la Police sur le rôle de cette dernière dans la programmation de la riposte au VIH et ont élaboré des plans d’action. 7 août 2008 Photo : ONUSIDA

« Le Ministère des Affaires internes du gouvernement indien a fait preuve d’un engagement exceptionnel dans la riposte contre le VIH en mettant en place cette intervention unique. Pour un coût pratiquement nul, elle institutionnalise une coordination à long terme entre la police et la société civile afin de soutenir les communautés avec des services de prévention, de traitement, de soins et d’appui et qui permettra d’atteindre les objectifs d’accès universel » a déclaré M. Ranjan Dwivedi, Conseiller technique, Partenariats entre les personnels en uniforme et la société civile, Bureau de l’ONUSIDA en Inde.

Cette intervention unique du Ministère supprime les coûts administratifs liés à l’organisation d’interactions et d’initiatives par les responsables au niveau local. Outre le fait que cela démontre la contribution positive de la police, les groupes communautaires espèrent que la mesure apportera une aide complète aux ONG, non seulement en matière de prévention du VIH, mais dans d’autres programmes sociaux tels que la lutte contre la maltraitance des enfants et la violence contre les femmes.

Au-delà de l’application de la loi vers un appui dynamique aux communautés

Récemment, le Ministère des Affaires intérieures a organisé, en partenariat avec l’ONUSIDA, quatre conférences régionales pour les officiers de liaison chargés de la coordination avec les ONG fraîchement nommés et s’occupant du déploiement de la stratégie de programmation de la lutte contre le VIH des personnels en uniforme dans tous les états. Ces événements ont offert une opportunité pour sensibiliser le leadership de la police d’Etat ainsi que des représentants des départements de la santé et des sociétés de lutte contre le sida des Etats indiens pour planifier ensemble des initiatives de prévention du VIH dans les départements de police par le biais des nouvelles stratégies élaborées par le Ministère des Affaires intérieures.

Le rôle de la police qui consiste à apporter un appui dynamique aux organismes travaillant avec les populations les plus exposées au risque a été souligné ainsi que son rôle sensible dans la prévention du VIH chez les clients et les professionnel(le)s du sexe, les consommateurs de drogues injectables et les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes.

Améliorer les relations avec la police

Les organisations communautaires présentes ont insisté sur l’importance de l’appui de la police pour leurs efforts de sensibilisation au niveau local.

Mme Kusum Jain de Gram Bharati Samiti (GBS), ONG présente au Rajasthan, travaille en étroite collaboration avec la communauté tribale Rajnut qui pratique, par tradition, le commerce du sexe. Lorsque son ONG a eu ses premiers contacts avec la communauté, ses travailleurs sociaux ont été poursuivis avec les chiens car les personnes pensaient qu’ils étaient venus pour mettre un terme à leurs activités. Avec le soutien de la police locale, les travailleurs de GBS ont réussi au fil du temps à obtenir la confiance de la communauté qui comprend aujourd’hui que leur seul objectif est de les sensibiliser à la prévention du VIH, de sorte qu’ils peuvent maintenant travailler en étroite collaboration..

Mme Jain considère que formaliser le rôle de la police dans l’appui communautaire a permis d’améliorer les relations avec la police, en aidant celle-ci à être accessible et à fournir un appui dynamique aux organismes travaillant à la prévention du VIH parmi les populations les plus exposées au risque d’infection.

Un rapport récent de la Commission Asie a conclu qu’il y avait un besoin vital d’engagement et de soutien politique pour dynamiser une riposte efficace contre le sida. Par le biais de cette nouvelle initiative avec la police, le gouvernement indien affiche clairement un tel leadership.