Reportage

Le Dr Nafis Sadik, Envoyée spéciale du Secrétaire général de l’ONU, invite instamment la Chine à élargir son approche du sida

24 octobre 2008

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Dr Nafis Sadik (à gauche), avec le Dr Zhao Hongxin (division Traitement sida), Dr Li Xingwang (Directeur du Centre des maladies infectieuses), et Bernhard Schwartlander (Coordinateur de l'ONUSIDA en Chine) devant l'hôpital Ditan, Beijing, Chine

Il faut « connaître son épidémie… », a rappelé le Dr Nafis Sadik, Envoyée spéciale de l’ONU sur le sida en Asie, lors d’une conférence publique donnée le 18 octobre 2008 à Beijing. « …car nous avons appris que les politiques formulées dans l’ignorance et les programmes qui ne ciblent pas les bons groupes de la population n’offrent aucun profit. »

Le Dr Sadik a notamment appelé l’attention sur les domaines suivants : la stigmatisation et la discrimination sociales qui touchent les personnes vivant avec le VIH en Chine ; les liens entre la santé reproductive des femmes et le VIH ; et les risques différentiels courus par divers groupes, dont les personnes qui s’injectent des drogues, les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes, les professionnel(le)s du sexe, les jeunes et les partenaires sexuels des personnes qui adoptent des comportements à haut risque.

« La prévention, ce n’est pas une question de santé, c’est une question de comportement »

Pour combler les lacunes dans ces domaines, il faut changer les comportements des populations, tâche qui va bien au-delà du traitement d’une maladie. Comme l’a précisé le Dr Sadik, en classant le VIH comme maladie transmissible, la Chine perd une bonne occasion d’agir dans la prévention. « Le rôle d’un hôpital dans la prévention du VIH est important mais limité car il ne reçoit les gens que lorsqu’ils sont malades, » a-t-elle signalé. « Mais la prévention, ce n’est pas une question de santé, c’est une question de comportement. »

En Chine, les personnes atteintes de maladies liées au sida sont soignées dans des hôpitaux spécialisés et non dans des hôpitaux généralistes et le Dr Sadik a mis en garde contre les effets de cette méthode sur la stigmatisation et la discrimination. Au cours de sa visite à l’hôpital Ditan de Beijing, le Dr Sadik a rencontré des personnes vivant avec le VIH qui sont gravement malades. Nombre d’entre elles ont développé des résistances multiples aux médicaments contre la tuberculose et aux antirétroviraux, mais aucune d’entre elles n’est au bénéfice des thérapies de deuxième intention qui pourraient leur sauver la vie.

Engagement politique

Alors que le degré de priorité accordé par le Gouvernement chinois au VIH est sincère et que des progrès impressionnants ont été accomplis, le Dr Sadik a rappelé l’importance de l’engagement politique. Dans les pays comme le Cambodge et la Thaïlande, ainsi que dans l’Etat indien du Tamil Nadu, où les efforts de prévention du VIH connaissent les résultats les plus marqués, le facteur commun, c’est l’engagement politique. En outre, l’implication des plus hautes sphères de l’Etat est particulièrement utile pour combattre la stigmatisation et la discrimination. « Le Premier Ministre du Cambodge ne perd jamais une occasion de mentionner le sida dans un discours, » a-t-elle indiqué.

« La Chine pourrait connaître une réussite marquante, » a affirmé le Dr Sadik, message qu’elle a répété au cours d’une réunion tenue au Centre Ruban Rouge, centre de soutien pour les hommes, les femmes et les enfants vivant avec le VIH. Le centre est implanté à l’hôpital Ditan et offre le dépistage et la prise charge du VIH, des informations, un appui psychologique, la formation des volontaires et une aide juridique.

Le problème tenace de la stigmatisation

Rappelant le problème tenace de la stigmatisation et de la discrimination à l’encontre des personnes vivant avec le VIH, le personnel du Centre Ruban Rouge a exprimé l’opinion qu’une amélioration de l’éducation était nécessaire. Le Dr Sadik en a convenu et a également recommandé d’améliorer l’efficacité du plaidoyer. « Le message ne doit pas être que le sida est une maladie horrible et que les gens qui la contractent vont mourir. Le message devrait être que les personnes vivant avec le VIH peuvent avoir une espérance de vie normale. »

Le Dr Sadik refuse l’idée selon laquelle l’éducation et le plaidoyer autour du sida sont en opposition avec la culture asiatique parce qu’ils nécessitent un débat ouvert sur la sexualité ou d’autres questions potentiellement embarrassantes. « On nous dit que les systèmes asiatiques de valeurs sont préservés parce qu’on n’aborde pas les questions comme le VIH et le sida, » a-t-elle rappelé, « mais quel système de valeurs peut-il accepter d’exposer ses jeunes au risque de contracter une maladie grave ? »

Les études réalisées partout dans le monde, dans des cultures asiatiques comme ailleurs, ont montré que les connaissances et l’éducation des jeunes concernant la sexualité et le sida n’encouragent pas la promiscuité, mais qu’elles sont au contraire un important moyen d’assurer que les jeunes sont informés et peuvent se protéger – en retardant leur première expérience sexuelle, en restant fidèle et en utilisant des préservatifs. La culture traditionnelle et la santé des jeunes ne seront pas efficacement préservées par l’ignorance.

« Réorienter les efforts de lutte contre le VIH et le sida du domaine de la santé à celui des questions sociales ne nécessite pas beaucoup d’argent, » a-t-elle indiqué. « Mais cela nécessite beaucoup de partenaires actifs. »

Forum de haut niveau sur la réduction de la pauvreté et le développement

Au cours de sa visite à Beijing, le Dr Sadik a prononcé un discours liminaire sur le VIH et la sexospécificité au cours du Forum de haut niveau sur la réduction de la pauvreté et le développement, organisé le 17 octobre par le PNUD.

Le Dr Sadik, de nationalité pakistanaise, a été nommée Envoyée spéciale du Secrétaire général pour le VIH/sida en Asie en 2002. Auparavant, elle a occupé les fonctions de Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) de 1987 à 2000.