Reportage

Au Cameroun, de nouvelles coopératives aident les femmes séropositives à gagner leur indépendance économique

25 février 2010

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Honorine B a ouvert avec succès sa propre affaire grâce au projet ‘Coopératives’ OIT/ASDI
Photo : OIT

Bon nombre des personnes qui vivent avec le VIH sont non seulement confrontées à des problèmes de santé mais aussi à des difficultés pour « joindre les deux bouts ». Plusieurs femmes séropositives du nord-ouest du Cameroun ont pris l’initiative en générant des revenus par l’intermédiaire de coopératives organisées avec l’assistance de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et financées par l’Agence suédoise de coopération internationale au développement.

Les coopératives (les « coops ») ont toujours fourni une bonne partie du soutien dont les personnes désavantagées avaient besoin, mais les personnes vivant avec le VIH ont été marginalisées ou ignorées, et les coops ont parfois refusé de leur accorder des subventions en pensant qu’investir sur ces personnes ne générerait pas des rendements intéressants. Ce projet, qui a été mis en place l’an dernier, s’est donné pour mission de changer cela.

L’objectif du projet est d’aider les femmes à gagner une plus grande indépendance financière et à améliorer globalement leur qualité de vie. Pour l’instant, il a aidé plus de 100 femmes à exercer des activités dans un large éventail de secteurs – dont le commerce, la fabrication de vêtements, le stylisme, l’élevage de porcs et de volailles, les services d’aide au secrétariat et de communication.

C’est un projet important et remarquable. Des progrès significatifs ont été accomplis et il n’y a pas de doute qu’il a eu un impact au niveau local ; en outre, il reflète bien les problèmes sur le terrain et y répond.

Dr Mamadou L Sakho, Coordonnateur de pays de l’ONUSIDA pour le Cameroun

Un service de financement par microcrédits renouvelables a été mis en place dans trois établissements de micro-finance dans la région nord-ouest à Bamenda, Kumbo et Wum.

Un certain nombre de protections ont été mises en place par l’OIT et ses partenaires pour essayer de garantir la réussite du projet. Des structures de soutien, appelées ‘Centres de compétences’, ont été fournies par le programme CoopAfrica. Ces centres ont proposé des ressources et des compétences aux membres des coopératives pour les aider à prospérer et à se développer, à mettre des ressources en commun et à s’émanciper de plus en plus.

Outre les subventions de financement des microprojets, l’assistance prévoyait des consultations avec des responsables de formation et des conseillers psychosociaux et économiques des établissements de micro-finance concernés afin d’aider les bénéficiaires. Le cursus de formation incluait des composantes sur le développement de l’activité, les procédures de gestion, l’appui en matière de sida, le conseil et la réduction de la stigmatisation.

Des ateliers de renforcement des capacités ont aussi été organisés pour les femmes séropositives des communautés ciblées sur différents aspects de la gestion d’une entreprise. Suite à l’évaluation de 192 microprojets soumis après la formation, 68 ont reçu des fonds d’amorçage et toutes les bénéficiaires gèrent aujourd’hui leur propre activité.

Cheaka Toure, du Bureau sous-régional de l’OIT pour l’Afrique centrale, estime que ce projet bénéficie aussi bien aux personnes vivant avec le VIH qu’aux communautés dans lesquelles elles vivent. Il indique que non seulement les ressources vont directement à celles qui sont séropositives mais aussi qu’elles deviennent des intervenantes importantes dans la riposte locale au sida. « Le projet s’attaque de manière complète et intégrée aux différents problèmes liés au VIH : il combine des changements de comportement et des soins à une émancipation économique des personnes vivant avec le virus. Celles-ci sont maintenant devenues des actrices de premier plan de leur propre avenir et peuvent s’assumer économiquement ».

Evodia A, l’une des bénéficiaires, a vu sa vie changer du tout au tout. « J’élève des porcs. Avant le projet, je n’avais qu’un seul porc et avec l’argent que j’ai obtenu, maintenant j’en ai six. J’ai même créé un jardin qui est fertilisé par l’engrais généré par ma porcherie et aujourd’hui je récolte des légumes du jardin pour me nourrir ».

L’une des principales répercussions du succès relatif de ce projet est une augmentation de la confiance en soi et de l’espoir parmi les femmes. Beaucoup d’autres personnes qui vivent avec le VIH ont aussi exprimé leur volonté de participer au programme.

Dameni Oussematou de la Fondation pour le développement intégré – partenaire de l’OIT, a remarqué cette confiance en soi nouvelle. « Je suis impressionné par les changements rapides enregistrés chez les membres de la coopérative. Elles se concentrent maintenant sur leur activité… et sont fières de le montrer. Elles prennent de plus en plus l’habitude d’épargner ; le taux de remboursement est de 98 % dans deux des trois coopératives ». Il ajoute : « Les hommes qui vivent avec le VIH ont exprimé un souhait massif d’être aussi intégrés à cette initiative ».

Le Dr Mamadou L Sakho, Coordonnateur de pays de l’ONUSIDA pour le Cameroun, partage cet enthousiasme pour les coopératives. “C’est un projet important et remarquable. Des progrès significatifs ont été accomplis et il n’y a pas de doute qu’il a eu un impact au niveau local ; en outre, il reflète bien les problèmes sur le terrain et y répond. Ce serait maintenant une bonne chose que les connaissances générées par cette initiative soient plus largement partagées”

Les enseignements tirés de ces expériences sont nombreuses. Il faut, par exemple, renforcer davantage les capacités des bénéficiaires dans la mesure où elles sont très dépendantes des visites régulières des représentants des coopératives qui viennent pour suivre leurs activités et fournir des conseils. On peut également suggérer pour l’avenir de recenser un plus grand nombre d’activités génératrices de revenus potentiellement élevés.

Il est évident que les femmes séropositives qui participent au projet ont développé un sens des affaires et des connaissances qui sont de bon augure pour leur offrir une plus grande indépendance économique. Un certain nombre d’entre elles ont déclaré qu’elles tenaient maintenant des livres comptables pour la première fois et étaient plus capables de suivre le développement de leurs activités. Honorine B déclare qu’elle n’a jamais regardé en arrière : « Avant le projet, j’achetais les produits que je vends par petites quantités. J’ai augmenté mon stock grâce au projet. J’ai ouvert un point de vente et j’ai ajouté des bananes plantain et des cocoyams… Je suis très reconnaissante au projet ».