Reportage

Le système judiciaire et la riposte au sida

30 juin 2010

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L’épidémie de sida a donné naissance à de nouvelles questions complexes en matière de dispositions législatives et de droits de l’homme, entraînant des décisions judiciaires sur des sujets liés au VIH qui font désormais partie de la jurisprudence de nombreux pays. À travers l’interprétation des constitutions et lois nationales et des traités internationaux sur les droits de l’homme, le pouvoir judiciaire a parfois un impact transformatif et bénéfique sur la riposte au VIH d’un pays et sur l’image que la population a du virus.

Une jurisprudence favorable a vu le jour dans une grande variété de pays, tels que l’Afrique du Sud, l’Australie, le Botswana, le Brésil, les États-Unis d’Amérique, l’Inde, l’Iran, le Kenya, la Namibie, le Royaume-Uni et le Venezuela. Cette jurisprudence comprend des jugements sur le droit du travail, l’accès à l’éducation, l’assurance maladie, le traitement en prison, la discrimination, la confidentialité, l’accès aux médicaments et les droits des prisonniers. Si la magistrature applique les lois en toute connaissance de cause, sur la base de données concrètes et à des fins de protection, elle peut créer l’environnement juridique et social requis pour juguler et faire reculer l’épidémie de sida, offrir un accès à la justice aux personnes touchées, et remplir les engagements nationaux visant à réaliser l’accès universel à la prévention, au traitement, aux soins et à l’appui dans le domaine du VIH.

Au-delà de leur travail dans les tribunaux, les membres du système judiciaire sont des leaders au sein de leur communauté et société, et ils se doivent de prendre part à la riposte au VIH. Leurs position et comportement à l’égard des questions liées au VIH, des personnes vivant avec le VIH et des membres des populations clés les plus exposées sont susceptibles de conditionner l’attitude de la société envers ces populations. Les acteurs du système judiciaire peuvent s’attaquer à la stigmatisation et aux pratiques discriminatoires exercées à l’encontre des personnes vivant avec le VIH et des membres des populations clés, à la fois dans la juridiction et au sein de la communauté au sens large.

Toutefois, en raison de l’évolution constante et rapide des aspects scientifiques, médicaux et juridiques liés à l’épidémie de VIH, les juges n’ont guère eu la possibilité de faire le point sur les évolutions épidémiologiques et scientifiques. De même, le rôle des membres du système judiciaire en tant qu’agents de la justice et protecteurs des droits de l’homme n’a pas été suffisamment exploré ni utilisé pour s’attaquer à la vulnérabilité au VIH et garantir la protection des droits fondamentaux de chaque personne dans le contexte de l’épidémie.

Reconnaissant le rôle potentiel et réel que joue le pouvoir judiciaire dans la riposte au sida, l’ONUSIDA s’engage à lui fournir un appui, et notamment à :

  • ouvrir des possibilités de mettre en place une éducation permanente et un dialogue régulier au sein du système judiciaire sur l’évolution récente de la riposte au VIH et les répercussions de cette évolution au plan juridique ;
  • aider les juges à rendre les tribunaux plus accessibles aux personnes touchées par le VIH ;
  • encourager une définition des normes qui soit fondée sur les droits et sur des données probantes, s’agissant des questions pertinentes liées au VIH dans les domaines juridique et des droits de l’homme, par et pour les membres du système judiciaire ;
  • créer des occasions, pour les membres du système judiciaire, de dialoguer avec des parties prenantes clés de la riposte au VIH, notamment les personnes vivant avec le VIH, les femmes touchées par le VIH et les membres des populations clés plus exposées au risque d’infection.

Le fait que l’ONUSIDA encourage le leadership du système judiciaire repose sur son engagement à collaborer avec des acteurs clés nationaux et internationaux en vue de « supprimer les lois punitives, les politiques, les pratiques, la stigmatisation et la discrimination qui bloquent les ripostes efficaces au sida », comme l’énonce le Cadre de résultats de l’ONUSIDA, 2009-2011.

L’ONUSIDA considère que les membres du système judiciaire sont des partenaires essentiels pour assurer la mise en place et le respect d’un environnement juridique protecteur favorable à la riposte au VIH.

Susan Timberlake, Conseillère principale de l’ONUSIDA pour le droit et les droits de l’homme, précise : « À travers les tribunaux, les juges peuvent se prononcer contre la discrimination liée au statut VIH, protéger les femmes et les populations clés contre la violence et faire en sorte qu’elles ne se voient pas refuser l’accès à des services, et annuler les lois punitives qui violent les droits de l’homme dans le contexte de l’épidémie. »

Dans le cadre des actions visant à associer le système judiciaire à la riposte au VIH, une réunion inédite d’éminents juristes africains a été organisée à Johannesburg (Afrique du Sud) en décembre 2009. Elle avait pour but d’examiner la question du VIH et du droit au 21e siècle.