Reportage

Approches de marché pour l'innovation et l'accès aux médicaments : défis et opportunités

10 juin 2011

Photo : ONUSIDA

Quelles leçons peuvent être tirées des approches fondées sur le marché pour la fourniture de médicaments et de soins de santé aux milieux à revenu faible et intermédiaire ? Quels sont les défis et les opportunités futures ? Telles ont été les principales questions soulevées dans le cadre d'un événement organisé par UNITAID, l'ONUSIDA et la Communauté de brevets pour les médicaments à l'occasion de la Réunion de haut niveau tenue à New York le 9 juin.

Cet événement, qui a pris la forme d'un débat ouvert, a été présidé par Philippe Douste-Blazy, président du Conseil d'administration d'UNITAID. Andrew Jack, du Financial Times, a animé les discussions. Parmi les intervenants figuraient le Dr Paul De Lay, directeur exécutif adjoint du Programme de l'ONUSIDA, le Dr Precious Matsoso, directrice générale en charge de la santé pour l'Afrique du Sud, Brenda Waning, coordinatrice d'UNITAID pour la dynamique des marchés, Ellen t’Hoen, directrice exécutive de la Communauté de brevets pour les médicaments, et Clifford Samuel de Gilead Sciences.

Un paysage en pleine mutation

Les participants ont débattu de la manière dont la mondialisation et le développement économique modifient le paysage de la santé à l'échelle internationale et ont examiné les défis actuels en matière d'innovation et d'accès. Ils ont aussi évoqué les interventions requises pour garantir que les nouveaux médicaments et technologies seront absorbés par les systèmes de santé des pays en développement.

Il a été signalé que les approches fondées sur le marché pour la fourniture des soins de santé publique récemment adoptées par plusieurs donateurs et organisations internationales, comme UNITAID (qui a assuré un financement supérieur à 1,5 milliard de dollars depuis 2006), ont créé des marchés durables pour les fabricants, favorisant ainsi la diminution des prix et le développement de nouveaux médicaments, comme les médicaments contre le sida.

Changement méthodologique

Toutefois, cette méthodologie commence à évoluer. Par exemple, en 2008, l'Inde a fourni 87 % des médicaments contre le sida utilisés dans les pays en développement. Aujourd'hui, les fabricants indiens s'orientent davantage vers la recherche et le développement, et vers les services destinés aux marchés à revenus intermédiaires et élevés. Ainsi, de l'espace est disponible pour les fabricants locaux des pays à faible revenu, qui pourront produire leurs médicaments pour leur propre marché si la promotion d'un tel accès est assurée.  

Nous avons besoin d'un agenda de recherche et développement qui tienne compte des besoins spécifiques des pays à revenu faible et intermédiaire. Cela inclut des traitements antirétroviraux qui peuvent être combinés en toute sécurité avec le traitement contre la tuberculose, ou pour les enfants et pendant la grossesse

Dr Paul De Lay, directeur exécutif adjoint du Programme de l'ONUSIDA

Dans son introduction sur les défis à venir et les lacunes en termes d'innovation et d'accès, le Dr De Lay a souligné que le principal défi en matière d'innovation était de fournir des protocoles thérapeutiques et des diagnostics simplifiés, afin de faciliter l'approvisionnement et de renforcer le respect des traitements dans les pays en développement.

« Nous avons besoin d'un agenda de recherche et développement qui tienne compte des besoins spécifiques des pays à revenu faible et intermédiaire. Cela inclut des traitements antirétroviraux qui peuvent être combinés en toute sécurité avec le traitement contre la tuberculose, ou pour les enfants et pendant la grossesse », a déclaré le Dr De Lay.

« Nous prévoyons que l'optimisation des médicaments se fera en plusieurs phases qui incluront l'optimisation des traitements existants, avec une diminution des doses et des fréquences le cas échéant, et la mise en place de nouvelles technologies émergentes, dont le test de la charge virale et des CD4 sur les lieux de soins, la prochaine génération de traitements de première et deuxième intention peu onéreux mais hautement efficaces, et la première génération de thérapie antirétrovirale injectable de longue durée. »

Concernant la raison pour laquelle de nouvelles approches de marché sont nécessaires pour répondre aux défis actuels, M. Douste-Blazy a expliqué que « UNITAID cherche à intervenir sur les marchés et à améliorer l'accès aux produits innovants à des prix raisonnables. C'est le début d'une nouvelle ère, au cours de laquelle les personnes les plus pauvres pourront enfin avoir accès aux produits les plus récents et les plus chers, à un prix abordable pour leurs gouvernements. »

Plus précisément, concernant la manière dont l'innovation dans le domaine du sida pourrait être promue afin de répondre aux besoins des pays en développement, Mme t’Hoen a affirmé que la Communauté de brevets pour les médicaments récemment créée « pourrait stimuler l'innovation en faveur de formulations pédiatriques et de polythérapies et faire baisser les prix en favorisant la production générique de nouveaux médicaments. »

Émergence d'acheteurs nationaux dominants

Les participants ont aussi parlé de la manière dont les développements industriels et économiques aident à faire évoluer l'équilibre des pouvoirs au sein du paysage mondial de la santé, des grands donateurs vers un petit nombre d'acheteurs nationaux dominants. Par exemple, le récent appel d'offres lancé par le gouvernement sud-africain représente environ 25 % du marché national des médicaments contre le sida alors que le gouvernement finance lui-même 75 % des achats de traitements antirétroviraux du pays en 2010-2011.

Le Dr Matsoso a détaillé le rôle joué par les gouvernements nationaux dans la mise en forme des marchés régionaux et mondiaux et a souligné l'importance d'un suivi rapide de l'enregistrement des nouveaux médicaments dans les pays en développement. « Nous devons impérativement harmoniser les réglementations relatives aux médicaments au niveau régional afin de garantir une utilisation plus rapide des produits nouveaux et innovants dans nos pays », a-t-elle déclaré. 

Tous les participants à cet événement se sont engagés à redoubler d'efforts dans le but de protéger des vies, en aidant à garantir que des marchés attrayants seront créés pour les fabricants tout en promouvant les objectifs de santé publique de poursuite de l'innovation et d'accès universel au traitement du VIH.     

Comme l'a résumé le Dr De Lay : « Nous avons tous contribué à accroître considérablement le nombre de personnes vivant avec le VIH qui suivent un traitement antirétroviral. Dans un futur prévisible, les demandes de traitements antirétroviraux vont augmenter et nous prévoyons que des pressions vont s'exercer sur la fourniture de ces traitements ; par conséquent, il est crucial de poursuivre les innovations dans la recherche et le développement de nouvelles formulations de traitements antirétroviraux, ainsi que des tests de diagnostic et de suivi en laboratoire. De nouveaux mécanismes d'incitation seront peut-être nécessaires dans ce cadre. »