Reportage

Un agenda en transition : accroître la visibilité des personnes transsexuelles et des problèmes liés au VIH en Asie et dans le Pacifique

04 mars 2014

Quelques minutes en compagnie de Natt Kraipet, la nouvelle Coordonnatrice du Réseau Asie/Pacifique des personnes transsexuelles (APTN), suffisent pour constater sa détermination et sa motivation à placer au premier plan les questions liées aux droits et à la santé des personnes transsexuelles dans la région.

« C'est un moment important pour les personnes transsexuelles que d'être sous les feux des projecteurs. Nous sommes trop souvent invisibles au sein de la société, surtout dans le domaine de la santé, et pourtant nous sommes confrontés à des problèmes importants de respect des droits et de santé, notamment un risque élevé d'infection à VIH », explique Mme Kraipet.

Du 18 au 20 février, l'APTN a réuni des délégués communautaires et des experts de onze pays pour une consultation communautaire régionale sur les problèmes des personnes transsexuelles à Bangkok, en Thaïlande, en partenariat avec l'initiative régionale Being LGBT in Asia et les bureaux régionaux Asie-Pacifique du PNUD, de l'ONUSIDA, d'ONU Femmes, de l'OMS et de l'USAID.

Avec des participants venus de Chine, de Hong Kong, d'Inde, d'Indonésie, du Japon, du Népal, de Nouvelle-Zélande, des Philippines, de Singapour, de Thaïlande et des Tonga, la consultation avait pour but d'élaborer un ensemble de mesures et d'actions que l'APTN pourrait entreprendre avec ses partenaires afin d'aborder et de rendre prioritaires les droits humains spécifiques et les besoins en matière de santé des hommes et des femmes transsexuels.

« Il faut davantage de données probantes et de connaissances pour pouvoir veiller à ce que les services et les programmes atteignent les personnes transsexuelles plus efficacement. C'est la raison pour laquelle nous devons être impliqués dans les forums publics où nous pouvons mettre en avant les problèmes et les solutions », explique Mme Kraipet.

Les recherches et les données sur le risque et la prévalence du VIH chez les personnes transsexuelles sont limitées à l'échelon régional, mais des études ont montré que les femmes transsexuelles sont 50 fois plus exposées au risque d'infection à VIH que les hommes et les femmes adultes en âge de procréer de la population générale [1]. Des données de surveillance nationale disponibles dans certains pays d'Asie et du Pacifique indiquent une forte prévalence du VIH chez les femmes transsexuelles dans les villes, par exemple : 30 % à Jakarta, Indonésie, 23 % à Port Moresby, Papouasie-Nouvelle-Guinée, 18 % à Maharashtra, Inde, et plus de 10 % à Bangkok, Chiang Mai et Phuket en Thaïlande.

Pourtant, les programmes et les initiatives ciblés à destination des personnes transsexuelles sont largement absents des ripostes nationales au VIH. Et lorsqu'ils existent, on estime que les efforts de prévention du VIH touchent moins de la moitié des personnes transsexuelles qui ont besoin de ces services.

Des obstacles critiques aux progrès

L'un des points forts de la consultation communautaire a porté sur la manière dont les systèmes sociaux et de santé sont souvent inadaptés par rapport aux réalités et aux besoins de cette communauté, en particulier dans des environnements où les ressources sont faibles. Nombreux sont les femmes et les hommes transsexuels qui soulignent le manque de connaissances techniques chez les professionnels de santé pour bien conseiller ou traiter les questions liées à la transsexualité, comme les informations sur les hormones, les opérations de transition, le soutien psycho-social, les effets secondaires et la question de savoir si et comment le traitement antirétroviral peut être combiné au traitement lié à la transition transgenre. 

« L'absence d'experts dans les services de santé des zones défavorisées risque de faire tomber les personnes transsexuelles dans la clandestinité pour se lancer dans des opérations de transition et des traitements hormonaux dans des environnements non réglementés, ce qui peut à son tour entraîner des complications plus importantes et accroître la vulnérabilité au VIH », explique Steve Kraus, Directeur de l'équipe de l'ONUSIDA d'appui aux régions pour l'Asie et le Pacifique.

Des questions telles que l'absence de données spécifiques aux personnes transsexuelles et les contextes juridiques et politiques punitifs ont également été mises en avant comme étant des obstacles critiques qui empêchent les personnes transsexuelles d'accéder aux services de santé et anti-VIH.

Des signes de réussite

Plusieurs évolutions légales et programmes menés en Asie-Pacifique montrent des signes encourageants de progrès. AuBangladesh, au Népal et auPakistan, plusieurs décisions de justice ont été rendues et des lois ont été votées pour reconnaître le statut des personnes transsexuelles en matière d'identité, ce qui ouvre la voie à l'accès des personnes transsexuelles aux droits sociaux et de santé. En Thaïlande, l'identité transgenre est de plus en plus prise en compte dans le monde du travail et de l'éducation.

Le renforcement de l'APTN et des organisations semblables dans la région ouvre également des opportunités importantes. Les efforts de l'APTN ont été consolidés grâce à de nouveaux financements fournis par le Robert Carr Fund, renforcés par l'appui de l'ONUSIDA en Asie-Pacifique.

« Nous voulons que l'APTN soit une vraie plate-forme pour les personnes transsexuelles ; une organisation concrète qui encourage la diversité et apporte son aide d'abord au niveau communautaire », explique Mme Kraipet. « Je suis convaincue que nous allons observer d'importants progrès pour les personnes transsexuelles et sur les questions liées au VIH dans notre région au cours des prochaines années », déclare-t-elle.


[1] Winter, S. Lost in Transition: Transgender People, Rights and HIV Vulnerability in the Asia-Pacific Region. Bangkok, Programme des Nations Unies pour le Développement et Réseau Asie/Pacifique des personnes transsexuelles, 2012.