Reportage

Une décision de la Cour suprême en Inde étend les possibilités de réalisation des droits transgenres

16 mai 2014

La célèbre danseuse, actrice, et militante transgenre indienne Laxmi Narayan Tripathi a œuvré pour les droits des transgenres pendant plus de deux décennies. Néanmoins, la récente décision de la Cour suprême d'Inde d'accorder au hijras et autres personnes transgenres le droit d'une reconnaissance officielle en tant que troisième genre l'a prise au dépourvu. « Nous avons lutté pour cela », dit-elle, « mais personnellement je n'ai jamais pensé que ce jugement serait rendu de mon vivant. »

Soulignant comment la communauté transgenre a longtemps enduré la discrimination et l'ignorance en Inde, Madame Tripathi a salué la décision. « C'est magnifique. Je suis fière d'être indienne en ce moment, » dit-elle.

Avant la décision, les membres de la communauté transgenre en Inde étaient obligés de se classer eux-mêmes, soit homme, soit femme, dans les documents d'identification. Toutefois, cette décision du 15 avril 2014 qui fait jurisprudence introduit non seulement la reconnaissance d'un troisième genre, mais elle stipule également que les personnes transgenres ont accès aux mêmes droits de programmes d'aide sociale que d'autres groupes minoritaires dans le pays. 

Alors que la décision qui fait jurisprudence a été passée, le juge K.S. Radhakrishnan qui a arbitré les deux juges de la Cour suprême a déclaré, « la reconnaissance des transgenres comme un troisième genre n'est pas une question sociale ou médicale, mais une question relative aux droits de l'homme. »

La décision sera applicable à toutes les personnes dont les actuelles caractéristiques physiques ne correspondent pas à leur sexe de naissance. Avec une population de plus de 1,2 milliard et une estimation de 0,5 à 1 million de personnes transgenres, l'Inde a rejoint la liste des autres pays de la région qui reconnaissent officiellement les droits du troisième genre. Par ailleurs, la Commission électorale a introduit une « autre » catégorie sur les formulaires d'enregistrement des électeurs pour les élections de cette année, les personnes transgenres peuvent ainsi s'enregistrer.

La surveillance sentinelle du VIH 2010–2011 a constaté que les personnes transgenres avaient la prévalence au VIH la plus élevée parmi toutes les populations interrogées, soit 8,8% au plan national par rapport à la population générale dont la prévalence est de 0,3%. Toutefois, en Inde, tout comme en Asie et dans le Pacifique dans son ensemble, les programmes ciblés et les initiatives pour les personnes transgenres sont largement manquantes dans les ripostes nationales au VIH.

Malgré les progrès réalisés pour la reconnaissance de l'identité des personnes transgenres, des défis importants sont à venir. Les militants avertissent que la route sera encore longue pour garantir que les hijras et la communauté transgenre soient en mesure de bénéficier d'un accès égalitaire à l'éducation, au logement, à l'emploi et aux services de santé, y compris les services anti-VIH.

La décision est assombrie par la décision de la Cour suprême fin 2013 de rétablir la section 377 du Code pénal indien qui criminalise à nouveau les rapports sexuels entre adultes consentants du même sexe. En 2009, la Haute Cour de Delhi a jugé inconstitutionnelle l'application de la loi datant de plus de 150 ans criminalisant les « relations charnelles contre l'ordre de la nature » entre adultes consentants. Aujourd'hui en Inde, les gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les lesbiennes, les bisexuels et les transgenres risquent à nouveau la possibilité de poursuite criminelle. Les militants et les communautés des principales populations les plus exposées au risque ont enregistré une augmentation de cas de dénonciations et d'activités criminelles à l'encontre des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes après que la section 377 ait été rétablie dans la loi. La peur de la discrimination, de l'identification et des répercussions juridiques dissuadent les personnes à accéder aux soins de santé et anti-VIH, empêchant la prévention du VIH et les efforts de traitement.

« La décision de l'identité transgenre est sans doute aucun à saluer et représente une étape significative pour l'Inde. Mais nous souhaitons que les gouvernements et la société civile soutiennent toutes les personnes pour qu'elles soient en mesure d'exercer leurs droits et avoir accès à l'information et aux services anti-VIH, y compris les gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les lesbiennes, les bisexuels et les transgenres, sans peur ni discrimination » déclare Oussama Tawil, Coordonnateur de l'ONUSIDA en Inde, faisant écho aux messages résultant d'une déclaration faite par l'ONUSIDA fin 2013 en appelant l'Inde et tous les pays à abroger les lois qui criminalisent les rapports sexuels entre adultes consentants du même sexe.

Pour Laxmi Narayan Tripathi, son engagement pour la lutte en faveur de l'égalité des droits et de l'accès aux services pour les personnes transgenres en Inde et dans le monde entier continue. « Cela nous obligera à de nombreux efforts. Nous défendons le fait d'avoir une éducation sur les questions transgenres comme faisant partie du système éducatif pour que les jeunes esprits soient conscients des problèmes transgenres, et ce dès le plus jeune âge. Les gouvernements des différents pays devraient reconnaitre les personnes transgenres et mettre en œuvre une législation qui facilite l'acceptation des personnes transgenres, juste comme nous sommes. »