Reportage

Contact humain et dépistage ciblé pour faire reculer l’épidémie de VIH à Athènes

16 mars 2018

En 2011, la Grèce a connu une forte augmentation du nombre de nouvelles infections à VIH chez les consommateurs de drogues injectables. Habituellement, le nombre de nouveaux diagnostics stagnait autour de 11 par an à Athènes, mais il est soudainement passé à 266. Pour la première fois, la consommation de drogues injectables et l’échange d’aiguilles sont devenus la principale source de nouvelles infections à VIH en Grèce, selon la Faculté de médecine de l’Université nationale et capodistrienne d’Athènes.

En réaction, l’université a lancé, aux côtés de l’Organisation grecque contre les drogues et d’autres organisations non gouvernementales, un programme baptisé Aristote, destiné à « identifier, dépister, traiter et retenir » afin de stopper l’épidémie.

Le premier défi consistait à trouver les consommateurs de drogues injectables et à déterminer s’ils étaient séropositifs au VIH.

« Beaucoup vivaient dans la rue, certains avaient fait des séjours en prison et, dans de nombreux cas, il s’agissait de migrants qui ne parlaient pas le grec », raconte Vana Sypsa, Professeure assistante en épidémiologie et médecine préventive à l’Université nationale et capodistrienne d’Athènes et responsable du programme Aristote, avec Angelos Hatzakis, Meni Malliori et Dimitrios Paraskevis.

Elle explique qu’en raison de la récession économique, les gens ont perdu leur emploi et se sont mis à partager le matériel d’injection avec les autres, et le nombre de sans-abris a explosé. Elle ajoute qu’en plus, les seringues stériles sont devenues difficiles à obtenir et que les listes d’attente dans les centres de traitement substitutif aux opiacés se sont allongées. Le programme Aristote s’est appuyé sur un système de coupons : ainsi, des pairs ont pu recruter d’autres personnes pour qu’elles viennent faire un test de dépistage du VIH en échange d’une modeste rémunération.

Mme Sypsa explique que le centre distribuait également des repas, ainsi que des préservatifs et des seringues. Les conseils sur le VIH étaient assurés par Positive Voice, une association de personnes vivant avec le VIH, tandis que Praksis dispensait des services d’interprètes et d’aide à l’obtention de documents d’identité pour les migrants.

Nikos Dedes, responsable de Positive Voice, explique que son association a joué un rôle actif dans la partie diagnostic et orientation du programme. « Nous avons guidé les gens à travers le dédale administratif, ce qui a permis de mieux les retenir », indique-t-il. M. Dedes estime qu’Aristote a contribué à la sensibilisation au VIH chez les consommateurs de drogues injectables. « Pour bon nombre d’entre eux, le VIH a été une prise de conscience qui les a poussés à traiter leur addiction à la drogue », ajoute-t-il.

Le programme s’est réparti en cinq phases de recrutement en 2012 et 2013, et certains ont même participé à plusieurs phases. Plus de 3 000 personnes ont bénéficié des services d’Aristote. Environ 16 % des participants ont été diagnostiqués séropositifs au VIH et ont eu la possibilité d’accéder immédiatement à un traitement antirétroviral, les travailleurs sociaux se chargeant de prendre les rendez-vous nécessaires. Ils ont également été prioritaires pour l’accès au traitement substitutif aux opiacés.

Mme Sypsa déclare qu’avant même la fin du programme, les nouvelles infections à VIH avaient chuté de 78 % à Athènes.

« Aristote a permis d’éviter 2 000 nouvelles infections à VIH et nous avons constaté un recul des comportements à haut risque chez les consommateurs de drogues injectables, au moins une fois par jour », raconte-t-elle.

Elle ajoute qu’en plus de contenir l’épidémie, toutes les personnes impliquées dans le programme ont été fières de changer la vie de tant de personnes, en les orientant vers un traitement et des soins anti-VIH.

La réussite du programme a beaucoup attiré l’attention. Même après la fin du programme, « les gens ont continué de s’arrêter près de nos locaux, à la recherche des employés d’Aristote. Nous étions devenus un point de référence pour eux », conclut-elle.

Cinq ans après, c’est un nouveau programme qui vient d’être lancé, mais cette fois dans le but d’accroître l’accès aux soins et au traitement du VIH et de l’hépatite C chez les consommateurs de drogues injectables.

M. Dedes est très enthousiaste, car cette fois Positive Voice fait partie intégrante du programme, avec un budget dédié. Un nouveau partenaire les a rejoints, Prometheus, une association de patients atteints de maladies hépatiques qui va piloter la riposte à l’hépatite. Selon M. Dedes, « il s’agit d’une véritable preuve de la réussite du programme : l’intégration de personnes issues des communautés concernées ».