Reportage

Inde : des services pensés pour les consommatrices de drogues injectables

02 mars 2020

Souvent, les toxicomanes forment une population extrêmement stigmatisée et confrontée à de fortes discriminations. Les consommatrices de drogues, quant à elles, le sont à double titre : à cause de leur addiction et de leur sexe. Elles sont ainsi davantage exposées à la violence basée sur le genre et aux violations des droits humains, par conséquent, au risque d’une infection au VIH ou autre.

Dans le monde, seuls quelques programmes de réduction des risques proposent des services répondant aux besoins des femmes, mais des discriminations fondées sur le sexe peuvent en tenir les femmes éloignées. Il n’est pas rare non plus que les services liés au VIH ne prennent pas en compte les besoins des consommatrices de drogue.

Dans le cadre de son action en faveur des femmes qui s’injectent des drogues, l’India HIV/AIDS Alliance avec le soutien du gouvernement punjabi par le biais de son ministre de la Santé et du bien-être familial est active dans le Civil Hospital de Kapurthala. Cette collaboration vise à élaborer un modèle complet de réduction des risques destiné aux consommatrices de drogues injectables au Punjab.

L’hôpital met ainsi en place une stratégie holistique qui met l’accent sur la personne. Il dispose d’une clinique de réduction des risques qui fournit des services spécifiques aux besoins des femmes. Des services liés au VIH et à la réduction des risques sont proposés sous un même toit, dans l’esprit des centres polyvalents. Les femmes ont accès gratuitement et aux heures qui leur conviennent le mieux à une vaste gamme d’options, notamment au traitement de substitution aux opiacés, à des programmes de distribution d’aiguilles et de seringues et à de la naloxone, un médicament efficace en cas d’overdose d’opiacés.

« Avant de disposer de notre propre centre de réduction des risques, nous avions beaucoup de mal à obtenir un traitement de substitution aux opiacés auprès d’autres établissements. Les consommateurs masculins n’arrêtaient de nous harceler pour obtenir des faveurs sexuelles », explique Preeti Singh (nous avons changé son nom), une patiente de la clinique.

L’établissement travaille en partenariat avec des organisations non gouvernementales locales afin de garantir que les femmes s’injectant des drogues ont accès à d’autres services, y compris des conseils, le dépistage du VIH ou encore des services sur la santé de la reproduction et sexuelle. Une offre de services sensibles au genre s’inspirant d’expériences faites en Inde et dans d’autres pays d’Asie est en cours d’élaboration. Les femmes fournissent les services, mobilisent les communautés et sont les bénéficiaires du projet.

« Au début, mon mari et ma belle-famille ne m’autorisaient pas à chercher un traitement de substitution aux opiacés auprès du centre de réduction des risques pour femmes. Maintenant que je suis une thérapie antirétrovirale et que ma santé s’est améliorée, ils savent que ça marche ! », s’enthousiasme Kiran Sharma (nous avons changé son nom) qui se rend à la clinique.

Le projet se concentre aussi sur l'organisation et le développement de rencontres au sein de la communauté sous l'égide du State Drug User Forum en partenariat avec l’India HIV/AIDS Alliance. Ces rencontres visent à recueillir des informations du point de vue des femmes, à comprendre et à trouver des solutions à des problèmes transversaux, notamment la violence basée sur le genre, ainsi que la stigmatisation et discrimination, et à renforcer les services liés au VIH et à la réduction des risques.

« Comme les autres femmes dans mon cas, je suis aussi allée au centre pour avoir de l’aide pour mes sevrages et j’ai été surprise de trouver beaucoup d’autres services destinés à des filles comme nous. Ce que j’ai préféré, c’est que l’on s’est occupé de mon enfant », raconte Monica David (nous avons changé son nom), usagère de la clinique.

Lancé en février 2019, le projet a déjà atteint son objectif de toucher 150 consommatrices de drogues injectables. La clinique a un impact incroyable sur la vie de ces femmes. Elle les sensibilise aux thèmes de la prévention et du dépistage du VIH, de l’hépatite C et de la tuberculose, et elle leur dit où trouver un traitement et des soins supplémentaires correspondant à leurs besoins.

Le projet fera l’objet d’une évaluation cette année et les conclusions seront utilisées pour lancer et déployer le modèle en Inde et dans d’autres parties de l’Asie.

Le Directeur pays de l’ONUSIDA en Inde, Bilali Camara, déclare que le projet est arrivé à un moment propice. « Nous devons continuer de travailler ensemble pour combler les écarts qui font que les consommatrices de drogue sont oubliées. Mettre un terme à l’épidémie de sida en tant que menace publique à l’horizon 2030 dépend de l’avancée du plan sur la justice sociale et l’inclusion. Ce dernier impose d'accéder à des services de santé intégrés et exempts de discrimination impliquant sérieusement les communautés », poursuit-il.