Reportage

N’oublier personne, y compris les personnes qui consomment des drogues

04 mai 2023

Daouda Diouf vient tous les jours à l’hôpital Fann. Il fait partie des 250 personnes inscrites au programme de thérapie de substitution aux opiacés (TSO) du CEPIAD*. La TSO est une intervention reconnue dans le monde entier. Elle vise à réduire la consommation de drogue par injection, car les personnes qui utilisent des drogues injectables sont exposées à un risque de contracter le VIH et d’autres maladies transmissibles par le sang, telles que l’hépatite virale.

« Je suis ici pour prendre mon traitement et je suis aussi un tailleur. J’apprends donc la couture à quelques personnes qui consomment de la drogue », explique M. Diouf en coupant du tissu dans son atelier improvisé en plein air. Rester actif et vendre ses marchandises l’a aidé à rester en bonne santé au cours des sept dernières années.

Un autre participant au programme lui donne aussi raison. Ce dernier s’est découvert une passion pour le jardinage et supervise désormais d’autres patients et patientes dans le jardin du centre.

Pour El Hadj Diallo, planter des graines et tailler des arbres est un peu comme une thérapie. « Quand on est là, on oublie tous les problèmes, on est bien, je prends cela pour ma thérapie », indique-t-il.

Leur autre traitement consiste en une dose quotidienne de méthadone. Le pharmacien du centre, Mangane Boutha, mesure attentivement et distribue chaque dose dans son bureau.

« La méthadone est un médicament de substitution à l’héroïne qui est sous forme de sirop dosé à 10 milligrammes par millilitre et les doses varient d’un patient à un autre », explique-t-il.

Fondé en 2014, le CEPIAD a pris en charge plus d’un millier de personnes. Il s’agit d’un des premiers centres de réduction des risques en Afrique de l’Ouest. Outre la thérapie de substitution des opiacés, la distribution d’aiguilles propres et le soutien psychosocial, il propose également des soins de santé.

« Le CEPIAD est devenu un centre de dépistage et de diagnostique pour le VIH, la tuberculose, les hépatites, et on distribue des préservatifs », indique le  Dr Idrissa Ba qui coordonne le centre.

Au Sénégal, la prévalence du VIH chez les personnes qui consomment des drogues injectables est de 9 %, soit bien plus que la moyenne nationale de 0,5 %. Globalement, en raison de la stigmatisation et de la criminalisation, les personnes qui consomment des drogues injectables sont confrontées à un risque 35 fois plus élevé d’infection au VIH que celles qui ne s’en injectent pas.

Les trois quarts des patientset patientes ici sont des hommes, mais le CEPIAD fait des efforts pour atteindre davantage de femmes. Selon le Dr Ba, les femmes toxicomanes sont plus susceptibles de vivre avec le VIH que leurs homologues masculins. 

Mariama Ba Thiam est une ancienne toxicomane et a vécu pendant des années dans la rue. Elle est maintenant éducatrice auprès de ses pairs à Dakar.  « Je vais dans la communauté, je vais voir mes pairs, j’essaye de les sensibiliser à non seulement arrêter la drogue, mais à réduire les risques de la consommation, les référer au CEPIAD et faire comme moi, arrêter. », explique-t-elle.

Son plaidoyer : obtenir plus de fonds pour attirer davantage de femmes et de jeunes vers le centre.

Au Sénégal, alors que la consommation de drogues est une infraction pénale, le travail du CEPIAD bénéficie du soutien du gouvernement, des Nations Unies ainsi que d’autres partenaires.

À l’occasion de la Journée internationale de réduction des risques, l’ONUSIDA est fermement convaincue que si nous voulons mettre fin au sida d’ici 2030, personne ne doit être oublié. Et cela inclut les personnes qui consomment des drogues.

* Le Centre de Prise en Charge Intégrée des Addictions de Dakar (CEPIAD)