Reportage
Faire de l'égalité des sexes une priorité dans la riposte au sida au Libéria
11 avril 2012
11 avril 201211 avril 2012Cynthia Quaqua est une mère de famille et une épouse ; elle est aussi Présidente du Réseau pour l'émancipation des femmes du Libéria (Liberian Women’s Empowerment Network – LIWEN) et, par-dessus tout, une survivante. Violée par des soldats pendant la guerre civile libérienne, elle s'est retrouvée enceinte alors qu'elle n'était qu'une jeune femme. Plusieurs années après, elle est tombée malade et a été diagnostiquée séropositive au VIH. Brusquement, elle a été abandonnée par ses proches, qui ont même commencé à parler de l'endroit où elle devrait être enterrée.
Heureusement, un pasteur luthérien lui a alors offert un endroit où habiter et l'a orientée vers une clinique où elle a pu recevoir un traitement contre le VIH. Elle a ensuite trouvé un soutien social au sein d'un groupe de femmes qui, comme elle, avaient été victimes de violences sexuelles. Aujourd'hui, Cynthia prend ses médicaments antirétroviraux deux fois par jour, tous les jours : elle respire la santé et possède un charisme puissant. « Le soutien des autres femmes m'a prouvé que je n'étais pas seule et m'a permis d'arriver aussi loin », explique-t-elle.
Bien que le Libéria soit en train de se redresser après ce conflit, les violences sexuelles restent courantes. Des études montrent que 29 % des femmes, même mariées, ont été victimes de violences physiques ou sexuelles perpétrées par un partenaire intime masculin au cours des 12 derniers mois.
Le soutien des autres femmes m'a prouvé que je n'étais pas seule et m'a permis d'arriver aussi loin
Cynthia Quaqua, Présidente du Liberian Women’s Empowerment Network
Ces violences sont à la fois la cause et la conséquence de la vulnérabilité des femmes au VIH. Au Libéria, les femmes représentent 58 % des adultes vivant avec le VIH. Les jeunes femmes et les filles sont particulièrement touchées, avec une prévalence du VIH équivalant à plus du double de celle de leurs compatriotes masculins. La stigmatisation associée au VIH et la violence sexiste représentent un obstacle majeur à l'accès des femmes au traitement contre le VIH et aux services de prévention.
La Présidente du Libéria et première femme élue à la tête d'un gouvernement en Afrique, S. E. Ellen Sirleaf Johnson, a mis l'égalité des sexes et l'émancipation des femmes au cœur de l'agenda de développement post-conflit de son pays. Le Libéria a été le premier pays à mettre en pratique l'Agenda de l'ONUSIDA pour les femmes et les filles, qui fixe des priorités stratégiques de défense des droits des femmes et des filles et soutient l'égalité des sexes à travers la riposte au VIH.
De même, la riposte nationale au VIH met en avant l'égalité des sexes comme un investissement judicieux pour des programmes plus efficaces, sous la houlette de la Ministre de l'Égalité des sexes et du Développement Julia Duncan Cassell. « Nous sommes pleinement conscients du fait que le problème du VIH doit être abordé sans rien laisser de côté, au Libéria comme dans toute l'Afrique et dans le reste du monde ; nous devons favoriser l'émancipation des femmes vivant avec le VIH et les impliquer à tous les niveaux », explique Mme Cassell.
Un bilan à mi-mandat de la mise en œuvre du plan opérationnel national a eu lieu à Monrovia la première semaine d'avril, avec des partenaires issus du gouvernement, de la société civile, des organisations confessionnelles, des réseaux de femmes vivant avec le VIH et des institutions des Nations Unies.
Ce bilan a fait état de progrès significatifs accomplis dans l'incitation et le soutien en faveur de l'engagement politique pour lutter contre le VIH et la violence sexuelle au Libéria. La collecte de données sur les violences sexuelles et sexistes s'est accrue et les structures de rapport ont été harmonisées, permettant de procéder à une collecte de routine d'informations stratégiques destinées à éclairer les programmes nationaux.
Depuis le lancement du plan opérationnel, les ministères ont mis en place des bureaux de coordination sur le VIH et l'égalité des sexes avec des ressources nationales dans le but d'appuyer les programmes de lutte contre le VIH et pour l'égalité des sexes, et les services anti-VIH, les services sexospécifiques et les services de santé reproductive ont été intégrés dans les politiques nationales. Une coalition d'acteurs a été créée pour lutter contre les violences sexistes et le VIH, ainsi que pour contribuer à la lutte contre ces problèmes de violence sexiste de manière plus large. Cette coalition se réunit chaque mois pour contrôler l'avancée des activités.
Nous sommes pleinement conscients du fait que le problème du VIH doit être abordé sans rien laisser de côté, au Libéria comme dans toute l'Afrique et dans le reste du monde ; nous devons favoriser l'émancipation des femmes vivant avec le VIH et les impliquer à tous les niveaux
Julia Duncan Cassell, Ministre de l'Égalité des sexes et du Développement
Parmi les autres évolutions positives, l'engagement actif des associations et des réseaux de femmes vivant avec le VIH dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes et l'élargissement de l'accès à des services anti-VIH et de santé intégrés pour les femmes.
Il reste toutefois des défis à relever, notamment la nécessité d'élargir l'accès à des ressources financières nationales suffisantes et d'assurer une coordination plus efficace entre les différents acteurs afin de maximiser l'impact collectif.
« L'ONUSIDA et ses organismes coparrainants réitèrent leur engagement en faveur de l'intensification des efforts de lutte contre le VIH et les violences sexuelles en ciblant le développement d'une responsabilisation mutuelle sur les résultats, en créant des partenariats pour l'appropriation par le pays et en maximisant l'efficacité des programmes à travers l'innovation et l'intégration », a indiqué David Chipanta, Coordonnateur de l'ONUSIDA au Libéria.