Reportage

Cinq questions sur la riposte au VIH en République Centrafricaine

28 octobre 2021

À la veille du Sommet de l’Afrique occidentale et centrale sur le VIH/sida qui se tiendra à Dakar du 31 octobre au 2 novembre 2021, l’ONUSIDA a posé à ses directeurs nationaux de la région cinq questions sur la riposte au sida dans leur pays. Voici les réponses de Marie Engel, a. i. Directrice de l’ONUSIDA en Centrafrique.

« L’épidémie de COVID-19 a bousculé le système de santé en RCA, déjà mis à mal par les multiples conflits militaro-politiques. Dans un contexte où les personnels de santé sont épuisés et les patients atteints de COVID-19 sont stigmatisés, les personnes vivant avec le VIH sont d’autant plus vulnérables. Plus que jamais, les capacités des acteurs communautaires doivent être renforcées. »

Marie Engel a. i. Directrice de l’ONUSIDA en Centrafrique

La riposte au VIH se situait encore très haute dans les priorités nationales en RCA ces dernières années. L’engagement du gouvernement accompagné de l’augmentation des financements internationaux ont permis d’investir dans des programmes à haut impact et ont porté leurs fruits : les nouvelles infections à VIH et les décès liés au sida sont en baisse, la couverture des traitements est en hausse.

Outre les défis existants d’une stigmatisation extrême des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et les violences fondées sur le genre, l’épidémie de COVID-19 a apporté son lot de complications intenses, en fragilisant encore davantage les services de dépistage, de prévention et en mettant en danger le suivi des patients sous antirétroviraux (ARV). Lorsque les systèmes de santé sont à ce point ébranlés, les acteurs communautaires font de leur mieux pour compenser tous les manques, mais peinent à y parvenir, faute de soutien et de moyens suffisants. Lors de la reconstruction des systèmes, nous devons nous attaquer à ce lourd fardeau systémique que sont les profondes inégalités sociales, économiques et entre les sexes qui nourrissent les vulnérabilités des personnes vivant avec le VIH.

1.  Quels sont les principaux progrès réalisés dans la riposte de votre pays à l’épidémie de VIH au cours des cinq dernières années ?

Malgré les défis liés au contexte social, politique et humanitaire ces dernières années, la lutte contre le VIH et le sida demeure une priorité de santé publique pour le gouvernement. Les instances nationales se sont engagées à mettre à échelle des stratégies efficientes pour l’élimination des nouvelles infections et la promotion de l’accès universel aux soins et traitements des personnes qui en ont besoin. En particulier, une coopération nationale et internationale renforcées des acteurs logistiques et de santé a été mise en place pour délivrer des services dans le contexte d’insécurité et d’urgence. De telles ambitions ont été saluées par le Fonds mondial, qui a triplé son financement.

D’après les estimations Spectrum (2020), les nouvelles infections sont passées de près de 6 500 en 2015 à moins de 5 000 en 2019, le nombre de décès de 5 500 en 2015 à moins de 4 000 en 2019. La couverture en traitement est passée de moins de 25% des adultes vivant avec le VIH en 2015, à près de 45% en 2019. Nous saluons la mise en œuvre du plan d’accélération de la prise en charge des enfants et adolescents VIH+ et les efforts pour accélérer la prise en charge pédiatrique du VIH.  

2. Quels sont les principaux défis à relever ?

Seulement 70% des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut et moins de la moitié sont sous traitement antirétroviral. De plus, la rétention sous antirétroviraux (ART) est entravée par l'insécurité, le déplacement et la mobilité des populations et les ruptures de stock récurrentes des ART.

Le VIH est toujours fortement stigmatisé, et de nombreuses populations clés déclarent éviter les services de dépistage et de traitement du VIH. Les statistiques sont frappantes : d’après les estimations du Stigma Index, près de la moitié des PVVIH ont déjà connu une forme de stigmatisation en raison de leur statut VIH (2018). La violence fondée sur le genre est extrêmement élevée et exacerbée par l'insécurité permanente.

Le pays reste fortement dépendant de l'aide internationale – d’après des estimations nationales, le financement des donateurs représentant plus de 90 % des dépenses liées au VIH. Le Fonds mondial contribue à lui seul à environ 80 % de l'ensemble des financements liés au VIH. Et les fonds disponibles sont très inférieurs aux montants nécessaires pour financer le plan stratégique national VIH.

3. Comment la COVID-19 a-t-elle affecté la riposte au VIH dans votre pays ?

L’épidémie de COVID-19 a eu des impacts négatifs sur le système de santé globale en RCA, déjà mis à mal par les multiples conflits militaro-politiques. Malgré une reprogrammation des ressources vers la riposte à la COVID-19, les personnels de santé ont travaillé en sous-capacité car un grand nombre souffraient de COVID-19 ou bien craignaient de l’attraper. Les prestations de services ont tourné au ralenti et les laboratoires ont été surchargés. Les médicaments et autres intrants de santé ont été souvent en rupture de stock.

Une évaluation rapide de l’impact de la COVID-19 sur la réponse à la tuberculose, VIH et paludisme en RCA a montré que la pandémie de la COVID-19 a notamment limité l’accès au dépistage et perturbé le continuum de soins. La pandémie a causé une détérioration des principaux indicateurs de qualité de prise en charge et une augmentation des cas de perdus de vue. Il a été noté la crainte des patients de se rendre dans les FOSA de peur de contracter la COVID-19 et d'être stigmatisés comme un patient atteint de la maladie à COVID-19. Enfin, les confinements à répétition ont entrainé la paupérisation des personnes vivant avec le VIH.

4. Qui sont les leaders méconnus de la riposte au sida dans votre pays ?

Nous souhaitons saluer le travail remarquable des acteurs communautaires qui manquent grandement de financement.

5. Si vous pouviez demander à votre chef d’État de changer une chose pour renforcer la riposte au VIH, quelle serait-elle ?

Lutter contre les inégalités croisées, sociales, économiques et entre les sexes, qui accroissent la vulnérabilité au VIH des personnes et rendent les personnes vivant avec le VIH plus susceptibles de mourir de maladies liées au sida.

Sommet régional sur le VIH