PLHIV

Feature Story

Un projet communautaire aide les familles à affronter la stigmatisation et la discrimination

05 mars 2020

Emihle Dlamini (nous avons changé son nom) a été élevée par sa grand-mère après avoir perdu à un jeune âge ses deux parents des suites de maladies opportunistes. Pendant des années, Mme Dlamini n’a pas su qu’elle était née avec le VIH. Elle prenait des médicaments, mais on lui disait que c’était pour la tuberculose. En 2018, l’Afrique du Sud comptait environ 260 000 enfants vivant avec le VIH, dont un tiers environ dans la province de Mme Dlamini, le KwaZulu-Natal.

Au cours d’une intervention dans son école du Community Care Project, elle entend parler pour la première fois du VIH et on lui propose de faire un test. Le résultat a été un choc : « Je ne pouvais pas en croire mes oreilles. Je savais que je n’étais pas sexuellement active, mais ma famille ne m’avait jamais dit que j’étais séropositive », raconte-t-elle.

Mme Dlamini est passée par différents stades : colère, confusion et tristesse. « Pourquoi ma famille ne m’avait-elle rien dit ? J’avais arrêté plusieurs fois de prendre mon traitement contre la « tuberculose », car je me demandais bien pourquoi je devais le prendre aussi longtemps », se souvient-elle.

Il n’est pas rare que les personnes ne révèlent pas leur statut sérologique par peur de la stigmatisation et de la discrimination qui, malgré les progrès, les empêchent d’accéder aux services de santé. Cette situation touche en particulier les jeunes femmes à la recherche d’un moyen de se protéger des infections sexuellement transmissibles, mais aussi voulant faire un test et suivre un traitement contre le VIH. 200 adolescentes et jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans sont contaminées chaque jour en Afrique du Sud.

Le Community Care Project a démontré qu’un accès gratuit à l’éducation primaire et secondaire aussi bien pour les garçons que les filles est une porte d’entrée vers d’autres services sociaux et de santé. En 2018, un peu moins de 163 000 enfants sud-africains (de 0 à 14 ans) vivant avec le VIH suivaient une thérapie antirétrovirale. Beaucoup n’étaient cependant pas identifiés : on estimait que 66 000 enfants ne connaissaient pas leur séropositivité.

Ce projet est habitué à briser le silence entourant le VIH ainsi qu’à gérer et réduire ses effets. Fondé en 1999, le Community Care Project est une organisation confessionnelle du KwaZulu-Natal qui aide les communautés et les familles à faire face au VIH et à affronter la stigmatisation et la discrimination. Depuis 2007, elle travaille avec des écoles du secondaire pour mener des programmes de sensibilisation et apporter des services aidant les établissements et les enfants à comprendre et démystifier le VIH. Elle s’occupe également d’orphelins, ainsi que d’autres enfants vulnérables et de leur famille.

Le Community Care Project a ainsi fait le lien entre Mme Dlamini, sa grand-mère et une personne des services sociaux. Cette dernière leur a fourni des conseils pour accepter le diagnostic et garantir que Mme Dlamini suive sur le long terme un programme pour son traitement. Mme Dlamini indique gérer beaucoup mieux émotionnellement et mentalement sa situation. Elle dispose de meilleures connaissances sur le VIH et sur la santé de la reproduction et sexuelle, et respecte son traitement. Elle a l’impression qu’un bel avenir est de l’ordre du possible.

« Le Community Care Project m’a apporté des compétences pratiques pour mener ma vie. J’ai appris comment accepter mon statut sérologique, affronter la stigmatisation et aider d’autres personnes à en faire autant », finit-elle. « Un jour, j’aimerais intervenir dans les écoles afin de motiver des enfants dans mon cas et leur fournir des informations afin qu’ils gagnent en autonomie et sachent comment vivre à l’abri du jugement des autres. »

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Tadjikistan : en finir avec le cercle vicieux de la stigmatisation liée au VIH

03 mars 2020

Le mariage de Tahmina Khaidarova avec son cousin respectait les traditions culturelles de sa famille. Ses parents avaient en effet choisi son mari. Elle le voyait néanmoins rarement, car il travaillait à l’étranger et ne revenait qu’une fois par an au Tadjikistan pour de brefs séjours. Suite au décès de sa fille des suites d’une grave maladie à un jeune âge, Mme Khaidarova espérait qu’une nouvelle grossesse l’aiderait à surmonter la douleur de la disparition. Elle est toutefois diagnostiquée avec le VIH au cours d’une visite médicale peu avant que son mari ne meure d’une maladie opportuniste.

Aujourd’hui, Mme Khaidarova dirige le Tajikistan Network of Women Living with HIV (TNW Plus) dont la mission consiste à informer les femmes sur le VIH, à protéger leurs droits et à en finir avec le cercle vicieux de la stigmatisation envers les femmes vivant avec le VIH. Après avoir vaincu son autostigmatisation, elle est devenue une figure de proue de la lutte pour les droits des femmes vivant avec le VIH au Tadjikistan.

Mme Khaidarova explique que les femmes connaissant le risque de contamination du VIH que représente leur mari travaillant à l’étranger n’arrivent pas à aborder avec eux le thème du préservatif. « Je suis consciente de la gravité de la situation, mais je suis incapable de demander à mon mari d’utiliser des préservatifs, car il ne comprendrait pas », a déclaré une femme à Mme Khaidarova.

Des femmes vivant avec le VIH au Tadjikistan racontent les discriminations qu’elles subissent. Il arrive qu’elles soient chassées de chez elles par la famille de leur mari et rencontrent des obstacles pour accéder à des services médicaux, y compris la thérapie antirétrovirale et un traitement contre la tuberculose. Elles sont également souvent victimes de violences conjugales. Le mari peut interdire à sa femme de prendre un traitement ou lui dire de quitter le domicile familial avec leurs enfants. Après la mort de leur époux, ces femmes peuvent être la cible de violences et de harcèlement de la part de la famille du défunt, en particulier dans les zones rurales.

Les femmes vivant avec le VIH sont confrontées à un autre problème lorsqu’elles cherchent de l’aide : la stigmatisation et les discriminations de la part du personnel de santé. Beaucoup d’entre elles entendent qu’elles ne peuvent plus avoir d’enfants ou qu’elles devraient se marier uniquement avec un homme séropositif ou ne pas se marier et avoir de relations sexuelles du tout.

« La stigmatisation et la discrimination à l’égard des femmes vivant avec le VIH peuvent avoir des conséquences dévastatrices. Elles peuvent les empêcher d’accéder aux services de santé dont elles ont besoin, détruire des familles et réduire presque à néant leur possibilité de mener une vie normale », explique Mme Khaidarova. « La stigmatisation et la discrimination doivent cesser, et ce, immédiatement ! »

Le gouvernement prend conscience de la nécessité de lutter contre la stigmatisation et la discrimination à l’égard des femmes en général et envers celles vivant avec le VIH en particulier. Ainsi, les femmes sont maintenant l’une des priorités de la stratégie nationale de développement. De son côté, le nouveau programme national contre le sida pour 2021–2025 inclut une partie dédiée aux droits de l’homme et à la réduction de la stigmatisation et de la discrimination à l’égard des femmes vivant avec le VIH.

Mme Khaidarova a participé à la campagne #InSpiteOf sur les réseaux sociaux afin d’attirer l’attention sur la problématique des discriminations liées au VIH au sein de la famille, de la société et, encore trop souvent, dans le milieu médical. Cette campagne mettait en avant le droit de vivre avec dignité et respect des femmes vivant avec le VIH en Europe de l’Est et en Asie centrale. Chacune des stories sur Instagram montrait une facette différente de femmes vivant avec le VIH et confrontées aux stéréotypes et mythes entourant le virus.

Toutes les femmes présentées dans cette campagne partagent un point commun : à un moment crucial de leur vie, elles ont reçu de l’aide de leurs proches, d’organisations ou de communautés de femmes et elles vivent aujourd’hui non seulement avec le VIH et luttent contre les stéréotypes de la société, mais elles aident aussi à leur tour.

« J’ai raconté mon histoire pour aider les femmes qui se trouvent aujourd’hui dans la même situation. Je suis fermement persuadée qu’ensemble nous pouvons en finir avec le cercle vicieux de la stigmatisation à l’égard des femmes vivant avec le VIH au Tajikistan. Nous devons affronter notre propre peur afin de lutter contre la stigmatisation et la discrimination au sein de notre société », conclut Mme Khaidarova.

Press Statement

Déclaration de l’ONUSIDA sur la stérilisation forcée des femmes vivant avec le VIH

Dans le monde, les femmes vivant avec le VIH luttent depuis des décennies pour que leurs droits et leur santé de la reproduction et sexuelle, notamment leur droit de fonder une famille et d’avoir des enfants, soient reconnus. Cependant, de trop nombreux cas de stérilisation et d’avortement forcés ont été signalés au fil des ans.

Le siège des Nations Unies à New York accueillera en mars 2020 la soixante-quatrième session de la Commission de la condition de la femme. Cette conférence sera l’occasion de se rappeler que l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing remonte à 25 ans. Les gouvernements avaient alors convenu de garantir les droits de la personne de toutes les femmes, ainsi que de protéger et de défendre leurs droits et leur santé de la reproduction et sexuelle.

Il s’agit entre autres du droit de fonder une famille et d’avoir des enfants, de décider du nombre d’enfants et de l’écart entre les naissances, du droit à l’autonomie de procréer et d’accéder à des services de qualité venant soutenir le choix des femmes au niveau de la santé de la reproduction, choix reposant sur leur accord volontaire, libre et éclairé.

Ces droits sont des droits fondamentaux qui appartiennent à toutes les femmes, peu importe leur statut sérologique, et ils sont garantis par des traités internationaux et régionaux. Dans la Déclaration politique sur le VIH et le sida de 2016, l’Assemblée générale des Nations Unies s’est engagée à mettre un terme à la stérilisation forcée, en particulier celle touchant les femmes vivant avec le VIH.

Le rapport sur l’égalité des sexes de la Commission sud-africaine daté de février 2020 nous rappelle que les femmes vivant avec le VIH ont toujours besoin de justice de la procréation et que nous devons rester vigilants et réagir aux exactions.

L’ONUSIDA a pris connaissance du rapport et de ses conclusions indiquant que des femmes vivant avec le VIH sont victimes de stérilisation forcée. L’ONUSIDA remercie l’International Community of Women Living with VIH d’avoir attiré l’attention de la Commission sur ces affaires, et enjoint la commission d'exiger une riposte. Elle soutiendra, en outre, la mise en œuvre des recommandations.L’organisation prend note que l’Afrique du Sud vient de lancer son Plan national en faveur des droits humains. Ce programme lutte contre les obstacles liés aux droits humains dans le cadre des services liés au VIH et à la tuberculose, mais aussi contre les inégalités entre les sexes dans le pays. L’ONUSIDA et la famille des Nations Unies sont prêtes à apporter leur soutien entier au gouvernement, à la société civile et aux autres acteurs lors de la mise en œuvre de ce plan.

Contact

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Plus d’un million de personnes ont suivi la campagne #InSpiteOf

29 janvier 2020

La campagne #InSpiteOf a touché plus d’un million de personnes. Elle mettait en avant des femmes vivant avec le VIH en Europe de l’Est et en Asie centrale afin de promouvoir leur droit à une existence digne et au respect.

Chacune des stories #InSpiteOf sur Instagram montrait une facette différente de femmes vivant avec le VIH et confrontées aux stéréotypes et mythes entourant le virus. Ces témoignages mettaient l’accent sur le dépistage et le traitement, la maternité et l’adoption d’enfants par des personnes séropositives, l’annonce du statut sérologique au partenaire et aux enfants, l’exercice du droit de travailler, le quotidien avec le VIH en cours de détention, la vie d’une migrante séropositive, les violences et la toxicomanie, mais aussi la promotion de l’éducation et de la prévention du VIH.

Toutes les femmes présentées dans cette campagne partagent un point commun : à un moment crucial de leur vie, elles ont toute reçu de l’aide de leurs proches, d’organisations ou de communautés de femmes et elles vivent aujourd’hui non seulement avec le VIH et luttent contre les stéréotypes de la société, mais elles aident aussi à leur tour.

« L’entraide, le leadership des femmes dans la prévention de la violence, la protection des droits et de la dignité, ainsi que la lutte contre la stigmatisation et la discrimination ont toujours été et demeurent l’un des aspects essentiels dans la lutte contre l’épidémie de VIH », a annoncé Svetlana Moroz, présidente de l’Eurasian Women’s Network on AIDS.

La veille de la Journée mondiale de lutte contre le sida 2019, l’un des réseaux sociaux les plus populaires de Fédération de Russie, Odnoklassniki, a accueilli en direct un évènement en faveur de #InSpiteOf. Des célébrités comme la chanteuse Zara, Irina Starshenbaum, Lyubov Aksyonova ont affiché leur soutien à la campagne. Elles ont lu des poèmes sur de la musique jouée par Anton Sevidov du groupe Tesla Boy. Vera Brezhneva, Ambassadrice de bonne volonté de l’ONUSIDA pour Europe de l’Est et l’Asie centrale, était également présente à cette manifestation. Elle a souligné l’importance de parler franchement et sans détour du VIH, ainsi que de garantir que les personnes obtiennent le traitement et le soutien nécessaires.

« Ne manquez pas d’écouter et de partager les témoignages de #InSpiteOf ! Ils ne portent pas uniquement sur le droit de tout un chacun de vivre dignement, d’aimer et d’être heureux, mais aussi sur l’incroyable force, le mental et l’envie de vivre contre vents et marées de ces femmes. Chacune d’entre nous a son propre défi #InSpiteOf. Alors, aidons celles qui ont réussi et inspirons celles qui doutent encore d’être suffisamment fortes », a déclaré Mme Brezhneva.

« Les normes et les tabous liés au genre et touchant à la vie sexuelle et la procréation, ainsi que la violence basée sur le genre, augmentent le risque d’infection au VIH chez les femmes. Et après l’annonce d’un diagnostic positif, elles sont confrontées à la stigmatisation et à la discrimination, elles cachent leur statut et n’essaient pas d’obtenir de l’aide. Les femmes elles-mêmes, leur entraide et leur leadership, ainsi qu’un changement de l’attitude de la société vis-à-vis du VIH et des personnes concernées peuvent mettre fin à ce cercle vicieux », a conclu Elena Kiryushina, coordonnatrice pour les questions d’égalité des sexes au sein de l’équipe de l’ONUSIDA d’appui aux régions pour l’Europe de l’Est et l’Asie centrale. 

La campagne a été élaborée par l’équipe de l’ONUSIDA d’appui aux régions pour l’Europe de l’Est et l’Asie centrale en partenariat avec l’Eurasian Women’s Network on AIDS.

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Donner les moyens aux jeunes vivant avec le VIH de devenir acteurs et actrices de changement en Thaïlande

23 janvier 2020

24 000 jeunes environ entre 15 et 24 ans vivent avec le VIH en Thaïlande. En 2018, ces jeunes représentaient près de la moitié des 6 400 nouvelles infections au VIH dans le pays.

La Thaïlande a réalisé d’énormes progrès dans sa riposte au sida, notamment en intégrant la gratuité de la thérapie antirétrovirale à sa couverture sanitaire universelle. Toutefois, les ados et les jeunes vivant avec le VIH n’ont souvent pas accès aux soins ou manquent de soutien pour suivre leur traitement, notamment face aux difficultés comme l’autostigmatisation, la stigmatisation et la discrimination ou encore le passage entre les soins destinés aux enfants et ceux pour les adultes.

Il y a trois ans, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et d’autres partenaires nationaux sous l’égide du Thai Network of People Living with HIV ont créé le Thai Network of Youth Living with HIV afin d’apporter une solution à cette situation. L’objectif principal de ce réseau consiste à autonomiser les ados et les jeunes vivant avec le VIH afin d'en faire les acteurs et les actrices des changements souhaités dans leur vie. Ce programme a été conçu pour fournir des services d’informations, des formations portant sur des compétences de la vie courante, ainsi qu’une assistance par et pour les ados et les jeunes vivant avec le VIH.

Kritthanan Ditthabanjong, un de ses premiers membres actifs, est à présent le responsable de la communication institutionnelle du réseau. Cet étudiant en journalisme travaille également en tant qu’éditeur de contenu pour des sites Internet et des magazines en Thaïlande. Il est devenu une figure emblématique de la jeunesse et représente le réseau lors d’évènements publics et dans les médias. Il se fait ainsi le relais des besoins des jeunes vivant avec le VIH.

« J’ai révélé publiquement mon statut sérologique, car je souhaitais que mon expérience profite à d’autres, mais je voulais aussi apporter aux jeunes les informations nécessaires pour mener dignement une vie en bonne santé. Je n’ai pas peur de m’exposer, car je sais que mes proches et ma communauté me soutiennent », déclare-t-il.

Grâce à l’aide technique et financière de l’UNICEF et d’autres partenaires, mais aussi par le biais de nombreuses plateformes et stratégies, le réseau apporte un soutien psychologique en cas de diagnostic positif et des informations contre l’autostigmatisation. Il réfléchit également à des compétences d’adaptation et crée un réseau de soutien pour lutter contre la stigmatisation et la discrimination. « Les jeunes vivant avec le VIH ont besoin d’un soutien psychologique et d’une communauté en qui ils peuvent avoir confiance », continue M. Ditthabanjong.

Le réseau forme des jeunes responsables pour conseiller des personnes de leur âge vivant avec le VIH et les mettre en contact avec les établissements de santé, les hôpitaux et les services dirigés par les communautés afin de leur fournir un traitement et des soins contre le VIH. Ces jeunes responsables accompagnent aussi les jeunes vivant avec le VIH à leurs rendez-vous médicaux et vont les voir ensuite à leur domicile afin de faciliter le suivi de leur traitement.

Par ailleurs, le réseau utilise les médias sociaux pour entrer en contact avec les jeunes, leur apporter des informations sur le VIH et les aider à s’accepter. Des initiatives comme la campagne en ligne Growing UP with HIV créent des espaces où les jeunes peuvent poser librement leurs questions sur différents thèmes tels que la prévention du VIH ou les rapports sexuels sans risque et dire ce qu'ils pensent.

« Growing Up with HIV permet aux jeunes de faire partie de notre communauté et de leur faire sentir que nous sommes à leurs côtés », poursuit M. Ditthabanjong.

M. Ditthabanjong s’engage également avec l’UNICEF dans d’autres campagnes et actions menées sur les réseaux sociaux à destination de la jeunesse thaïlandaise. Elles lui permettent aussi de faire entendre la voix et le point de vue des jeunes vivant avec le VIH. Il a récemment fait partie de Dare to Dream, une campagne publique créée par l’UNICEF en Thaïlande dont l’objectif était de permettre aux jeunes d'exprimer leur opinion sur l’éducation et sur leurs besoins pour réussir le passage à l’âge adulte. « Avec nous, M. Ditthabanjong s’est transformé en quelques années d’un adolescent timide qui n’osait pas parler et cherchait toujours du regard l’approbation de son conseiller en un exemple pour les jeunes de son pays lorsqu’il est devenu l’un des neuf visages de la campagne Dare to Dream », indique un membre de l’UNICEF.

Et M. Ditthabanjong de conclure : « Un jour, j’ai donné une interview sur les réseaux sociaux. J’en étais à peine sorti que je recevais déjà un message d’un jeune qui venait d’être diagnostiqué avec le VIH. « Ma mère et mon père me rejettent et j’ai envie de mettre fin à mes jours », écrivait-il. Je lui ai téléphoné, nous nous sommes rencontrés et je l’ai convaincu de rejoindre notre réseau. Aujourd’hui, il va bien. Notre réseau change la vie des gens. »

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Célébration de la Journée mondiale de lutte contre le sida en Belgique

05 décembre 2019

Gunilla Carlsson, Directrice exécutive adjointe de l’ONUSIDA, Gestion et gouvernance, a célébré la Journée mondiale de lutte contre le sida à Bruxelles en Belgique. En présence de représentants de la société civile et de Barbara Trachte, Secrétaire d’État à la Région de Bruxelles-Capitale, elle a salué le potentiel inhérent aux organisations communautaires.

Mme Carlsson a abordé plusieurs aspects fondamentaux du nouveau rapport de l’ONUSIDA « Power to the People. » Ce dernier arrive à la conclusion qu’il est possible de sauver des vies, d’éviter des injustices et de redonner leur dignité aux personnes lorsqu’elles sont en mesure de choisir, de s’informer, de s’épanouir, de formuler des revendications et de travailler ensemble.

« La riposte au sida montre qu’il est possible de changer les choses lorsque les organisations communautaires ont les moyens d’agir. Aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin d’une riposte dirigée par les communautés dont les besoins financiers sont couverts », a déclaré Mme Carlsson.

Elle a remercié le gouvernement régional bruxellois et le gouvernement fédéral de Belgique pour leur soutien aux personnes vivant avec le VIH, ainsi qu’aux organisations travaillant sur le VIH, la santé et les droits en matière de sexualité et de reproduction. La Belgique consacre en effet depuis des années de l’énergie et des ressources afin de couvrir les besoins des populations les plus vulnérables et des communautés touchées par le VIH dans le monde entier. Elle concentre son action sur les droits de l’homme, l’égalité des sexes, les populations clés, le renforcement des systèmes de santé, ainsi que la santé et les droits en matière de santé et de reproduction.

« Aujourd’hui, le 1er décembre, il est important de consolider la stratégie Indétectable = non transmissible afin de changer l’opinion que porte la société sur les personnes vivant avec le VIH », a indiqué Thierry Martin, directeur de la Plateforme Prévention Sida.

Au cours de sa visite en Belgique, Mme Carlsson a également rencontré le ministre-président flamand, Jan Jambon, qui a signé un nouvel accord de deux ans avec l’ONUSIDA. La Flandre est un partenaire précieux et important depuis la création de l’ONUSIDA. La région consacre de l’énergie et des ressources pour couvrir les besoins de communautés touchées par le VIH, en portant une attention particulière aux populations vulnérables et aux filles en Afrique australe.

M. Jambon a renouvelé en toute confiance cet accord de partenariat qui perdure depuis de nombreuses années avec l’ONUSIDA. « Depuis ses débuts, l’ONUSIDA œuvre pour une approche multisectorielle, reposant sur les droits et prenant en compte les personnes. Dans sa riposte au sida, elle cible les facteurs déterminants de la santé et du bien-être, en portant une attention particulière aux populations les plus vulnérables, dont les communautés LGBTQI+, ce qui est aujourd’hui plus nécessaire que jamais », a-t-il déclaré.

M. Jambon a par ailleurs salué les réformes mises en place au sein de l’ONUSIDA pour affermir une culture positive sur le lieu de travail. « Je suis certain que les nouvelles mesures en place et la nouvelle direction permettront au personnel de donner le meilleur de lui-même et de maximiser les résultats collectifs », a-t-il continué.

Mme Carlsson a aussi participé à une table ronde regroupant des membres du parlement, ainsi que des représentants de la société civile et des Nations Unies. Elle a fait le point sur le statut de l’épidémie et de la riposte au VIH en mettant en avant les actions indispensables de soutien menées par le Parlement européen et l’Union européenne. Elle a souligné le rôle important des parlementaires dans la riposte internationale au VIH.

Region/country

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Jamaïque : lutter contre la stigmatisation et la discrimination liées au VIH

19 novembre 2019

Rachel Allen (nous avons changé son nom) vit à Kingston en Jamaïque. Elle était en bonne voie d’accepter son statut sérologique positif et voulait reprendre sa vie lorsqu’elle a constaté avec effroi que la procédure de candidature à l’école de soins infirmiers où elle voulait étudier comportait un test du VIH.

Jane Williams et Paul Brown (nous avons changé leurs noms) s’aimaient et souhaitaient fonder une famille. Toutefois, des professionnel(le)s de santé ayant appris que Mme Williams avait le VIH lui ont fait comprendre leur désaccord. Un infirmier lui a même dit qu’elle ne devrait pas avoir d’enfants à cause de son statut. Une médecin l’a même traitée de « folle. »

Ce type d’expériences est encore monnaie courante chez les personnes vivant avec le VIH explique Jumoke Patrick, directeur exécutif du Jamaica Network of Seropositives. L’organisation a vu le jour en 2005 afin de permettre aux personnes vivant avec le virus de signaler toute violation de leurs droits. Aujourd’hui, le Jamaican Anti-Discrimination System (JADS) apporte un système officiel de signalement des incidents, ainsi qu’un dispositif de recours.

Pour M. Patrick, ce service est essentiel, car il offre un canal pour pointer du doigt les formes de stigmatisation et de discrimination. Il s’agit d’une première étape pour permettre aux personnes vivant avec le VIH d’accéder à des services, de vivre à 100 % et de mener une existence productive.

M. Patrick poursuit : « Les personnes séropositives n’utilisent pas les services proposés par peur de la stigmatisation et de la discrimination, ce qui explique le recul de l’accès à ces services. La stigmatisation et la discrimination sont l'explication numéro 1 de notre retard pour ce qui est d’amener les personnes vivant avec le VIH à suivre un traitement. J’ai en effet besoin de savoir que mon statut ne sera pas utilisé contre moi avant de le révéler. »

Les personnes confrontées à la stigmatisation et à la discrimination dans les secteurs de la santé, de l’éducation et de l’emploi peuvent le signaler à un membre du JADS responsable des recours. Le contact se fait généralement par le biais d’un relais communautaire au sein de leur région administrative de santé, d’une autre organisation de la société civile ou du mécanisme de traitement des plaintes du ministère de la Santé. Les personnes à l’origine de la plainte remplissent un formulaire avant d’avoir un entretien avec l’un des quatre membres du JADS responsables des recours de leur district. Un comité se penche ensuite sur chaque cas et émet des recommandations concernant une enquête. Tout cela repose sur la médiation et la confidentialité. Certaines personnes retirent leur plainte, mais celles qui veulent aller jusqu’au bout disposent des services d’un avocat.

« Si vous souhaitez déposer un recours, vous devez porter plainte, mais cela ne signifie pas pour autant que vous n'avez pas droit à un accompagnement », explique Nadine Lawrence, l'une des membres du JADS responsables des recours. « Cela fait une grande différence lorsque vous reprenez la maîtrise sur votre destin. Vous êtes alors capable de vous réinsérer dans la société et de mener une existence positive. »

La plupart des dossiers concernent des comportements dans des situations de soin, la rupture du secret professionnel et le harcèlement au travail. Mme Lawrence a déjà aidé des personnes dont le statut sérologique avait été révélé à leur chef par leurs collègues. Pour d’autres, ce sont des professionnel(le)s de santé de leur communauté qui ont révélé leur séropositivité.

Que dirait-elle à quelqu’un qui a été victime d’une injustice, mais qui n’ose pas la signaler ? « Notre organisation existe afin de favoriser l’émancipation des personnes séropositives. Nous signons une charte de confidentialité. Faites confiance au système », déclare-t-elle. « Car il fonctionne. »

Cela a été le cas pour Mme Allen. Des membres du JADS responsables des recours ont contacté le ministère de la Santé pour remettre en question le test du VIH nécessaire pour intégrer l’école de soins infirmiers. Le service juridique du ministère est intervenu et a envoyé une lettre à l’établissement lui indiquant que cette pratique était illégale. La direction de l’école a fini par retirer ce point de son formulaire d’admission.  

Le système a également fonctionné pour Mme Williams et M. Brown qui ont reçu des excuses par écrit. Par ailleurs, leur plainte a été à l’origine d’un programme de formation destiné au personnel médical portant sur les droits de la santé de la reproduction et sexuelle des personnes vivant avec le VIH.

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Intervention passionnée de Gareth Thomas, ancien capitaine de l’équipe de rugby du Pays de Galles, à propos de la lutte contre les stigmatisations liées au VIH

11 novembre 2019

Au cours d’une rencontre en marge de la 17e conférence européenne sur le sida organisée à Bâle du 6 au 9 novembre 2019, Gareth Thomas a indiqué qu’il était urgent d’affronter ouvertement les stigmatisations liées au VIH. La star du rugby a affiché sa volonté d’aider à instaurer un environnement, qui mettrait fin à la stigmatisation, permettrait de prendre des décisions éclairées et de parler sans détour du VIH.

L’ancien capitaine de l’équipe galloise de rugby reprenait la parole pour la première fois en public depuis l'annonce de son statut sérologique. Il a évoqué les réactions bouleversantes et le soutien populaire qui ont suivi cette nouvelle, ainsi que la diffusion du documentaire de la BBC relatant sa vie avec le VIH. Ce dernier inclut notamment une séquence sur sa participation au triathlon International Iron Man au Pays de Galles.

Il a également parlé de sa volonté de montrer au grand public que le virus n’empêche pas de vivre sainement et en pleine forme pendant de nombreuses années. Pour le champion, trop peu de personnes savent que, grâce aux progrès actuels de la médecine, les personnes vivant avec le VIH, qui suivent un traitement efficace ne peuvent plus transmettre le VIH.

« J’avais envie de remettre délibérément la stigmatisation en question », a déclaré M. Thomas. « Je voulais montrer à tout le monde que j’étais capable de nager 4 km dans la mer, de faire 180 km en vélo et de courir un marathon avec le VIH. Si j’en suis capable, alors nous pouvons tout faire. Depuis lors, je n’ai reçu que des messages de soutien et de sympathie. »

Animée par le Directeur de l’équipe de l’ONUSIDA d’appui aux régions pour l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, Vinay Saldanha, cette rencontre a mis en lumière le potentiel des partenariats visant à mettre fin au sida. Y participait un panel de spécialistes du monde entier travaillant dans le domaine des organisations dirigées par les communautés, du financement et des partenariats internationaux, ainsi que des activistes vivant avec le VIH.

Bruce Richman est militant, fondateur et directeur exécutif de la campagne Indétectable = Intransmissible (I = I). Il a d'abord évoqué l’importance de la campagne I = I pour surmonter les stigmatisations des personnes vivant avec le VIH et affectées par le virus. Il a ensuite expliqué comment la campagne s’est transformée en mouvement populaire visant à réduire la peur et l’incompréhension entourant le VIH.

« I = I libère les personnes vivant avec le VIH de la crainte de transmettre le virus », a expliqué M. Richman. « Cela fait plus de 35 ans que les stigmatisations liées aux VIH nous accompagnent et nous tuent. I = I jette les bases de notre partenariat pour mettre un terme à la stigmatisation. »

Marion Wadibia, responsable de NAZ Project, une organisation caritative londonienne dédiée à la santé sexuelle, a quant à elle abordé la manière dont les partenariats peuvent apporter aux personnes oubliées des services de santé sexuelle adaptés aux différentes cultures. « Nous devons intégrer l’aspect ethnique dans notre travail », a-t-elle indiqué.

Elle a été rejointe par d’autres spécialistes qui ont évoqué l’importance d’utiliser des approches plus audacieuses sortant des sentiers battus en vue de mettre fin au sida dans toutes les communautés et auprès de toutes les populations. Rageshri Dhairyawan du Barts Health NHS Trust à Londres a pris comme exemple le programme Soul Sisters. Ce dernier apporte un soutien, des services de santé sexuelle et une prévention du VIH aux femmes victimes de violences conjugales. « Les violences à l’égard des femmes et des filles sont un vecteur essentiel de la transmission du VIH », a indiqué M. Dhairyawan.

Organisée par Gilead Sciences, la conférence « Together We Can » a rassemblé un aréopage de spécialistes, de scientifiques, de chercheurs et chercheuses, d'activistes de la cause du VIH, ainsi que des organisations communautaires de personnes vivant avec le VIH afin d’échanger sur les dernières avancées en vue de mettre fin au sida en Europe.

Une attention toute particulière a été accordée aux épidémies de VIH, qui s’intensifie en Europe de l’Est et en Asie centrale. Les progrès pour atteindre les objectifs 90–90–90 ont été examinés à la loupe, et une place d'honneur a été réservée aux villes et agglomérations qui ont rejoint le réseau Les villes s’engagent. Les spécialistes ont également abordé les modèles de soin destinés à la population vieillissante vivant avec le VIH ainsi que l’élimination des stigmatisations et discriminations liées au virus.

Des webcasts, des présentations et des ePosters de la 17e conférence européenne sur le sida sont disponibles pendant trois mois dans la Resource Library de l’European AIDS Clinical Society.

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20 ans d’engagement en faveur de la riposte au VIH au Brésil

14 octobre 2019

Sept ans après avoir découvert sa séropositivité, Jair Brandão attendait un rendez-vous médical dans une clinique de Recife, une ville du nord-est du Brésil, lorsqu’un autre patient lui a indiqué qu’il pouvait bénéficier d’une assistance psychosociale auprès d’une organisation non gouvernementale des environs. Même si M. Brandão avait déjà accepté à cette époque son statut sérologique, ce qui lui avait toutefois pris plusieurs années, trois sessions de conseils ont suffi pour comprendre qu’il avait l’étoffe d’un militant de la lutte contre le VIH.

« J’étais très content, mais j’avais aussi peur, car je ne savais pas grand-chose sur les lieux où se joue la politique, ni sur le sida et les politiques de santé. Je n’avais aucune idée sur la manière de participer aux débats politiques », se souvient M. Brandão, qui, 20 ans plus tard, est une figure de proue du mouvement du VIH au Brésil. « J’ai dû commencer par m’accepter en tant que personne vivant avec le VIH, et cela n’a pas été une mince affaire. Puis il m’a fallu me renseigner sur le virus et me soigner correctement. Ce n’est qu’à partir de là que j’ai commencé à découvrir les problèmes sociaux et politiques. »

M. Brandão est persuadé qu’il a un talent naturel pour le militantisme. « Certaines personnes sont nées pour cela », explique-t-il. « Être un militant signifie ne pas tenir en place, mais aussi ne pas accepter les injustices et la violation des droits. Je pense que je suis né avec ce don, car j’ai toujours mené des actions, même sans savoir que c’était du militantisme, et que j’ai toujours eu à cœur d’aider et d’autonomiser les autres. »

Après avoir participé à trois des quatre réunions de haut niveau sur le sida aux Nations Unies et à celle sur la tuberculose organisée en 2018, M. Brandão mesure combien il est difficile d’entrer en contact avec d’autres membres de la société civile et des représentants d’autres pays. Il parle en effet le portugais qui n’est pas une langue officielle des Nations Unies. « Apprendre une autre langue est un défi important pour nous au Brésil. Nous devons connaître au moins l’espagnol. Seuls de rares militants parlent suffisamment bien anglais pour intervenir au cours de ce type d’évènements. »

En juillet 2019, M. Brandão a fait partie d’une délégation représentant des organisations non gouvernementales qui était invitées à participer au Forum politique de haut niveau pour le développement durable organisé aux États-Unis, à New York. Il représentait RNP+ (le réseau national de personnes vivant avec le VIH et le sida) en plus de sa propre ONG, Gestos : Soropositividade, Comunicação e Gênero.

« Il est essentiel que la société civile participe pleinement à la mise en place et au suivi national des mesures du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Nous n’atteindrons pas les Objectifs de développement durable sans l’engagement total de la société civile », continue-t-il. « Défendre le programme du sida implique également de discuter de problématiques transversales tout aussi importantes. »

Au titre de consultant du projet Gestos et de membre de RNP+, M. Brandão dirige également le projet « Indicateur de stigmatisation des personnes vivant avec le VIH 2.0 » pour le Brésil. Avec d’autres membres de Gestos et de réseaux nationaux de personnes vivant avec le VIH, ainsi qu’avec le soutien du Programme des Nations Unies pour le développement et l’ONUSIDA, il a aidé à former 30 personnes dans sept villes du pays aux techniques d’entretien. En deux mois, ces dernières ont mené 1 800 entretiens qui ont permis de recueillir des informations sur les stigmatisations et discriminations liées au VIH. Les premiers résultats seront publiés d’ici la fin novembre.

« Les militantes et militants qui ont mené les entretiens ont tiré une grande force de cette mission, après avoir écouté et vécu les expériences passées et présentes de nombreuses personnes, dont elles ne pouvaient parler à personne », se souvient-il. « L’épidémie du sida a commencé il y a 40 ans, mais les stigmatisations et discriminations sont encore monnaie courante. L’Indicateur de stigmatisation 2.0 est un outil qui nous en apporte la preuve au Brésil. Il nous permettra de lutter pour des lois et des services liés au VIH dénués de stigmatisation et de discrimination. »

M. Brandão déclare croire dans la force de la collaboration et des partenariats pour faire avancer le progrès social.

« Nous devons retrouver dans nos actions et dans nos cœurs la solidarité et l’esprit de communauté qui ont aidé à créer le mouvement de lutte contre le sida », poursuit-il. « Il est essentiel de repenser les stratégies et de créer des moyens de promouvoir le changement. Il est primordial d’autonomiser les nouvelles et nouveaux activistes, en particulier parmi les jeunes. Cette génération a besoin de se sentir accueillie tout en étant prête à recevoir des informations de la part des activistes de la lutte contre le sida qui l'ont précédée. Il est temps d’unir nos forces, pas de nous diviser. »

Feature Story

Le premier service hospitalier spécialisé dans le VIH de Londres a transformé la riposte au sida

03 octobre 2019

À son inauguration en 1987 par la Princesse Diana, le Broderip Ward était le premier service dédié aux soins des patients atteints du VIH au Royaume-Uni. Peter Godfrey-Faussett, conseiller scientifique principal à l’ONUSIDA, a débuté sa carrière dans ce service du Middlesex Hospital de Londres. Cette expérience intense et riche en émotions reste gravée dans sa mémoire.

 

Quels sont vos premiers souvenirs liés au VIH ?

J'étais en train de finir mes études de médecine à Londres lorsque les premiers rapports ont été publiés sur ce qui allait être connu comme le VIH et le sida. À l'époque, personne n'imaginait que nous faisions face à une situation inédite. J'étais étudiant en médecine et mes examens finaux approchaient. Je brûlais de connaître les faits, mais il était manifeste que nombre d'entre eux n'étaient pas encore compris. Peu après mes études, j'ai commencé à travailler à l'Hospital for Tropical Diseases de Londres et au Broderip Ward du Middlesex Hospital.

 

Comment le corps médical londonien a-t-il réagi face à ce nouveau défi sanitaire ?

À Londres, les services dédiés au VIH étaient organisés différemment selon les quartiers. Le personnel des cliniques de santé sexuelle, ou services de médecine génito-urinaire comme elles étaient appelées à l'époque, œuvrait pour mettre en place des offres ambulatoires à destination des personnes vivant avec le VIH. Il leur proposait des conseils, une assistance et des soins, mais ces équipes n'étaient généralement pas équipées pour traiter les personnes devant être admises à l'hôpital. Chaque établissement disposait d'une équipe spécialisée différente qui s'occupait du nombre toujours croissant de personnes vivant avec le VIH, et qui en mourait. Beaucoup de patients nécessitant des soins étaient atteints de pneumonie des suites d'une pneumocystose. D'autres souffraient de diarrhées graves persistantes, de problèmes neurologiques ou de maladies de peau, notamment du sarcome de Kaposi.

Nous formions une équipe fantastique autour de Steve Semple. Nous travaillions en collaboration étroite avec le personnel de la James Pringle House, un des centres spécialisés dans la santé sexuelle à Londres. Steve Semple était un pneumologue spécialisé dans la régulation normale de la respiration. Dans d'autres quartiers de Londres, les chefs d'équipe étaient des gastroentérologues, des immunologues ou des spécialistes des maladies infectieuses.

Tous, nous apprenions rapidement à soigner du mieux possible une vaste palette d'infections, de cancers et d'autres maladies tout en développant une meilleure compréhension du tissu et des comportements sociaux de nos patients, gays pour la plupart.

 

Cela a dû être une période éprouvante

C'était, bien entendu, une période incroyablement triste. Nous étions capables de soigner de nombreuses infections opportunistes et d'apporter des conseils et une assistance, mais, à cette époque, le VIH était fatal dans presque 100 % des cas. Nous avons vu l'état de santé de tant de jeunes hommes se détériorer peu à peu ou brusquement avant de les voir mourir. Ces personnes étaient souvent des figures de proue de communautés dynamiques et créatives qui faisaient de Londres une ville si fascinante.

Au cours de mes études de médecine et au début de ma carrière, la plupart des gens que je soignais se trouvaient à la fin de leur vie productive, mais ici, dans le Broderip Ward, des patients avaient mon âge, ils lisaient les mêmes livres, allaient voir les mêmes opéras et pièces de théâtre que moi. Bien souvent, il n'était pas facile de garder la distance requise par ma profession. Je me souviens clairement de tellement d'entre eux, mais aussi de beaucoup de leurs êtres chers et de membres de leur famille.

 

Comment l'ouverture du Broderip Ward a-t-elle transformé les soins apportés aux patients ?

L'infirmière responsable de ce service, Jacqui Elliott, était une femme formidable. Avec Steve Semple, elle nous encourageait à sortir des sentiers battus et à faire preuve d'imagination pour apporter les soins. Il faut savoir qu'à cette époque, l'organisation des hôpitaux était encore à l'ancienne et cloisonnée. L'infirmière en chef et le médecin-chef formaient le haut d'une gigantesque pyramide et il n'était pas rare de retrouver les patients aux échelons les plus bas !

Dès le départ, nous impliquions les patients et leurs partenaires, et, lorsque c'était nécessaire, nous fermions un œil sur le règlement. Notre service était le seul dans l'hôpital à disposer de réfrigérateurs supplémentaires. Ils étaient remplis de plats succulents mijotés et apportés par les partenaires de patients, et il arrivait souvent que ces repas soient partagés avec d'autres patients et le personnel soignant !  

À cette époque, au Middlesex Hospital, les cabines téléphoniques se trouvaient au fond de longs couloirs froids et les chemises d'hôpital étaient des blouses horribles à moitié ouvertes dans le dos. Nous avons été le premier service à installer un téléphone sur le bureau des infirmières afin que les patients puissent passer plus facilement des appels. Nous les avons encouragés à porter leurs propres vêtements et leur robe de chambre, ainsi qu'à entrer et sortir du service quand ils le voulaient. Tout le monde à Broderip travaillait 24 heures sur 24. Nos soirées étaient les plus populaires de l'hôpital.

Nous apprenions et nous avons très certainement fait des erreurs, mais nous avons surement fait partie des premiers professionnels de santé à écouter nos patients et à essayer de leur apporter ce dont ils avaient besoin.

 

Les pratiques médicales ont-elles alors évolué ?

Notre service a rapidement attiré l'attention d'équipes de tout l'hôpital universitaire. Chaque fois que nous faisions face à une situation inédite ou inattendue touchant à n'importe quelle discipline médicale, nous disposions des meilleurs spécialistes dans notre réseau. Les réunions cliniques hebdomadaires attiraient des professionnels de tout l'hôpital ainsi que d'autres établissements londoniens et d'ailleurs.

Ma carrière de médecin en était à ses balbutiements, j'étais terrifié à l'idée de présenter des cas complexes aux experts réunis et de récolter leur avis. Mais je pense que nos patients n'auraient pas pu recevoir de meilleurs soins dans un autre établissement. Nous entretenions des relations étroites avec les équipes de conseil psychosocial et de soins palliatifs qui faisaient tout leur possible pour rendre les derniers moments le plus agréable possible. Nous testions bien entendu de nouveaux antirétroviraux. Beaucoup de nos patients ont participé aux premiers essais pour la zidovudine et quelques-uns ont vu leur état s'améliorer. 

 

Comment les patients, leurs amis et leurs familles ainsi que le personnel ont-ils géré la situation ?

Chaque patient (et parfois patiente) était un individu à part entière qui avait des liens avec ses amis, ses amants et sa famille. Pour certains, toutefois, l'admission au Broderip Ward impliquait de révéler leur sexualité à leur famille, mais ils devaient aussi accepter le VIH ainsi qu'affronter leur mort imminente. Le personnel du service devait toujours faire attention aux informations qu'ils donnaient et à qui, afin d'empêcher les situations gênantes. Certains patients ne préféraient par exemple pas que leur famille sache le service dans lequel ils étaient admis. Une de nos missions consistait à faciliter la révélation de leur statut ainsi qu'à conseiller les patients, leur partenaire et leur famille lorsqu'ils acceptaient la situation. Nous avions également une équipe de maquilleurs pour aider à camoufler les signes du sarcome de Kaposi, ainsi que des diététiciens pour améliorer la nutrition des patients. Il régnait un sens aigu de la camaraderie et les occasions ne manquaient pas de rire, mais aussi de pleurer.

 

De quelle manière l'approche du Royaume-Uni par rapport au VIH a-t-elle évolué à partir des années 1990 ?

L'apparition de thérapies antirétrovirales de plus en plus efficaces a changé la donne. Les premiers traitements étaient toxiques et difficiles à prendre : certains médicaments devaient être pris en mangeant, d'autres à jeun, d'autres devaient être conservés au réfrigérateur et d'autres encore nécessitaient de régler un réveil pour les prendre au milieu de la nuit. Mais ils étaient efficaces.

Les patients de l'hôpital ont commencé à comprendre qu'ils n'allaient pas mourir dans l'année à venir ni dans celle d'après. L'excellent système de santé du Royaume-Uni, le National Health Service (NHS) et le vaste réseau de cliniques de santé sexuelle, assurait à toutes et à tous un accès gratuit à des soins et des traitements professionnels de qualité. Londres a toujours attiré les voyageurs et les migrations. Cette ouverture au monde s'est reflétée dans le diagnostic et le traitement des infections sexuellement transmissibles. En effet, personne n'avait à dire d'où il ou elle venait ni répondre de sa situation vis-à-vis des services de l'immigration. Même pour les soins hospitaliers, les règles pouvaient être interprétées de manière à n'exclure personne.

Une autre évolution majeure a été l'apparition et le financement d'organisations citoyennes au sein des communautés. Les personnes originaires de la diaspora africaine se sont mises à s'entraider, à mieux s'organiser et à se faire entendre. Les services dans les différents quartiers de Londres recevaient différents groupes de la population. Ainsi, dans notre hôpital, nombre de nos patients étaient des hommes gays, alors que l'est de Londres comptait une plus large population de femmes, généralement originaires d'Afrique. Inévitablement, les défis auxquels étaient confrontées les personnes reflétaient leur environnement social, ainsi que les aspects cliniques liés au VIH et spécifiques à leur genre.

Ces derniers temps, on assiste à un changement des systèmes qui ont fait du Royaume-Uni un endroit si accueillant pour les personnes vivant avec le virus. Le financement des cliniques de santé sexuelle et des organisations communautaires est plus limité et les règles concernant l'accès à un traitement auprès du NHS sont respectées de manière plus stricte. D'un autre côté, la plupart des villes du Royaume-Uni restent des endroits dynamiques et tolérants. La communauté gay en particulier a favorisé l'apparition d'un diagnostic, d'un traitement et d'une prévention plus précoces et de meilleure qualité. La stigmatisation, quant à elle, ne fait toujours pas partie du passé, mais je crois que la plupart des personnes peut trouver une clinique et une équipe qui les accueillent et les aident à surmonter les défis liés au virus.

 

Nous disposons aujourd'hui d'une large palette de traitements et de possibilités de prévention. L'épidémie de VIH est-elle terminée au Royaume-Uni ?

Nous réalisons des progrès sensationnels. Chaque année, le nombre de nouvelles infections recule, en particulier à Londres et dans d'autres grandes villes. Des foyers continuent néanmoins d'apparaître, comme récemment parmi les personnes s'injectant de la drogue en Écosse. Les stigmatisations et le déni empêchent toujours des membres de toutes les communautés, notamment parmi la diaspora africaine, de se faire tester et d'avoir accès rapidement à un traitement efficace ou à la prévention.

Et, bien entendu, le traitement est à vie. Ainsi, même si le nombre de nouvelles infections baisse, nous devons continuer d'apporter encore longtemps des soins, une assistance et une bonne surveillance de l'épidémie.

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