Reportage

Le pouvoir de la télévision pour éduquer et divertir des millions de personnes en Afrique de l’Ouest

07 février 2018

Un bébé abandonné aux portes d’un dispensaire, un petit ami violent, des problèmes de cœur et des médicaments contrefaits : autant d’intrigues traitées dans la série télévisée intitulée C’est la vie, qui se déroule et est produite en Afrique. Tournée au Sénégal, la sitcom a lieu dans le dispensaire fictif de Ratanga, où des sages-femmes interagissent avec les patients et travaillent sur différents cas. Leur histoire personnelle et la politique administrative sont également abordées, ajoutant des rebondissements, mais l’objectif général est de sensibiliser le public sur les questions sanitaires en passant par le divertissement.

Cette série, première du genre en Afrique de l’Ouest, a été inspirée par le pionnier mexicain Miguel Sabido, qui s’est servi des telenovelas pour promouvoir l’alphabétisation et la planification familiale, ainsi que par la série télévisée éducative Shuga. La série anglophone de MTV Shuga en est aujourd’hui à sa sixième saison et a rencontré tellement de succès que son lieu de tournage a quitté le Kenya pour aller filmer de nouvelles histoires au Nigeria et en Afrique du Sud.

L’organisation non gouvernementale Réseau africain d’éducation pour la santé (RAES), soutenue par plusieurs agences des Nations Unies et par le gouvernement français, a créé Keewu, une société de production, pour diffuser la série.

Alexandre Rideau, membre fondateur de RAES et aujourd’hui producteur de Keewu, explique que c’est la possibilité d’atteindre des millions de personnes par la télévision qui l’a motivé à lancer C’est la vie. « Les statistiques parlent d’elles-mêmes en Afrique de l’Ouest », indique M. Rideau. « Les jeunes ne connaissent rien à la sexualité, la prévention du VIH et des choses simples comme les menstruations ». Il ajoute que les nombreuses questions qu’ils reçoivent illustrent de manière flagrante que les gens ont vraiment du mal à accéder à l’information.

La série met en avant un grand nombre de réalités de la région, du taux élevé de mortalité maternelle à celui des infections à VIH. En Afrique occidentale et centrale, quatre enfants vivant avec le VIH sur cinq ne reçoivent toujours pas de traitement antirétroviral vital et les décès dus au sida chez les adolescents âgés de 15 à 19 ans sont en hausse dans la région, selon un rapport ONUSIDA/Fonds des Nations Unies pour l’Enfance intitulé Step up the pace

Lors de la deuxième saison, C’est la vie est devenu encore plus populaire, tant et si bien que les acteurs sont maintenant reconnus dans la rue. M. Rideau raconte qu’un receveur d’un poste de péage de Dakar a refusé de laisser passer au volant de sa voiture une actrice incarnant un personnage désagréable dans la série.

Diffusée dans les pays d’Afrique occidentale et centrale sur les chaînes A+ et TV5 Monde Afrique, ainsi que sur des chaînes locales, la série réunit environ 100 millions de téléspectateurs. M. Rideau explique que la série ne va pas forcément modifier le comportement des gens, mais elle a le mérite de susciter un dialogue essentiel sur les questions de santé. Au Sénégal et au Togo, des débats ouverts sur les thématiques abordées dans la série sont organisés dans les parcs des villes après chaque passage à l’antenne.

M. Rideau indique vouloir étendre la diffusion de la série suivi de débats dans six autres pays en 2018. Une série produite pour la radio en langue haoussa est actuellement en cours pour le Niger.

TEASER - C’est la vie ! - Saison 1 à voir Keewu Production sur Vimeo.