Reportage

Kazakhstan : défendre les services de traitement de substitution aux opiacés

19 octobre 2018

Pour défendre son accès au traitement de substitution aux opiacés qui lui sauve la vie, Marzhan Zhunusova a surmonté sa peur de l’avion et, pour la première fois, elle a pris un vol jusqu’à Astana, la capitale du Kazakhstan. Elle s’est rendue dans cette ville dans le but de participer à une mobilisation nationale des personnes ayant accès au programme pilote de réduction des risques mis en place par le pays, qui a rassemblé des individus venus des quatre coins du Kazakhstan pour montrer au grand public l’importance du traitement de substitution aux opiacés.

Après avoir consommé des drogues injectables pendant plus de 25 ans, Mme Zhunusova avait perdu tout espoir de vivre une vie meilleure. « Quand j’ai entendu parler pour la première fois du traitement de substitution aux opiacés, j’ai pensé que ça pourrait être la porte de sortie qui pourrait m’aider. Entre les drogues et ma séropositivité au VIH, je croyais que ma vie était finie. J’ai 45 ans et c’est seulement maintenant, grâce à la méthadone, que je commence enfin à vivre ma vie pleinement ».

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Les participants à cette campagne ont effectué une marche à Astana le 27 juin, rejoints par des activistes d’autres groupes, notamment des personnes vivant avec le VIH et des hommes gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes.

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Les personnes qui se sont mobilisées pour cet événement ont en commun des histoires similaires. Leur consommation de drogues les a parfois privés de leur santé et de leurs rêves. Certains sont sans emploi, d’autres ont fait de la prison. Beaucoup vivent en marge de la société et la majorité d’entre eux vit avec le VIH.

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Ibrahim Dolgiev a essayé les drogues pour la première fois dans les années 1970, à l’âge de 22 ans. « Après de nombreuses années passées à tenter d’arrêter la drogue, je suis passé au traitement de substitution aux opiacés depuis un an. C’est ce qui m’a sauvé. Ma vie a radicalement changé, en mieux, et pour la première fois depuis longtemps je peux passer la journée sans héroïne », explique-t-il.

Les participants à cette mobilisation se sont réunis pour exprimer leur espoir de voir le programme de traitement de substitution aux opiacés maintenu et davantage étendu.

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En collaboration avec des partenaires nationaux et internationaux, l’ONUSIDA a fourni au gouvernement du Kazakhstan des arguments éclairés par données probantes sur l’efficacité du traitement de substitution aux opiacés dans le contrôle de l’épidémie de VIH chez les consommateurs de drogues.

« L’accès au traitement de substitution aux opiacés est l’un des principaux facteurs qui améliorent l’observance du traitement antirétroviral chez les consommateurs de drogues », a déclaré Alexander Goliusov, Coordonnateur national de l’ONUSIDA au Kazakhstan. 

« Ces trois dernières années, les consommateurs de drogues couverts par le projet pilote de traitement de substitution aux opiacés à Pavlodar ont enregistré 100 % d’observance du traitement antirétroviral », a indiqué Zhannat Musaevich Tentekpayev, Médecin chef du Centre de lutte contre le sida de Pavlodar.

Pourtant, malheureusement, l’avenir du programme au Kazakhstan reste incertain, et aucun nouveau participant n’a été inscrit depuis décembre 2017.

Fin juin 2018, une commission gouvernementale a annoncé que le programme pilote se poursuivrait, mais qu’il ne serait pas étendu aux autres régions du pays. Une enquête sur la rentabilité du programme est en cours et les résultats seront présentés d’ici au mois de novembre. L’Union des personnes vivant avec le VIH du Kazakhstan en a appelé au Président du Kazakhstan pour que le programme ne soit pas abandonné, en insistant sur le fait qu’un soutien aux ripostes nationales au VIH efficaces était fondamental pour avancer sur les objectifs 90-90-90.

« Tandis que les organismes chargés de l’application des lois sont en train de décider si le traitement de substitution aux opiacés est approprié ou pas, le nombre de personnes qui accèdent au programme reste très limité. Le programme doit non seulement être maintenu, mais il doit aussi sortir de son statut de projet pilote pour devenir disponible et accessible partout au Kazakhstan pour les consommateurs de drogues injectables », a déclaré Oksana Ibrahimova, Coordonnatrice de l’Union des personnes vivant avec le VIH du Kazakhstan.

Il existe aujourd’hui 13 centres de traitement de substitution aux opiacés au Kazakhstan, dans neuf des seize régions du pays. Depuis le lancement du programme en 2008, plus d’un millier de personnes en ont bénéficié. Actuellement, 322 personnes sont inscrites à ce programme, dont la majorité a cessé de consommer des drogues, a retrouvé un emploi et vit une vie normale en famille.