À la veille du Sommet de l’Afrique occidentale et centrale sur le VIH/sida qui se tiendra à Dakar du 31 octobre au 2 novembre 2021, l’ONUSIDA a posé à ses directeurs nationaux de la région cinq questions sur la riposte au sida dans leur pays. Voici les réponses de Eric VERSCHUEREN, Directeur national de l’ONUSIDA au Togo.
« La riposte au VIH a fait preuve d’une résilience exemplaire lors de l’épidémie de COVID-19 au Togo. Le pays se démarque par sa bonne gestion de la crise, l’intégration avancée des acteurs communautaires dans la riposte et sa contribution aux deux derniers appels à la reconstitution des ressources du Fonds mondial »
Eric VERSCHUEREN Directeur national de l’ONUSIDA au Togo
Le Togo signe des progrès impressionnants en matière de réductions des nouvelles infections et des décès liés au VIH, et s’attaque aux questions liées aux droits de l’homme et au genre. Cependant, les efforts doivent persévérer pour lutter contre les inégalités profondes du pays, les risques qu’encourent les jeunes et les adolescents et pour fournir l’accompagnement psychologique, social et nutritionnel que nécessitent les personnes vivant avec le VIH.
Dans le contexte de COVID-19, les systèmes de santé résistent bien à la pression des nouveaux patients et des nouveaux besoins. Mais l’impact de l’épidémie se fait sentir sur l’économie et la compétition budgétaire entre ministère va être forte au sortir de la crise—il ne faudra pas oublier que les ressources domestiques sont essentielles à la riposte au VIH.
1. Quels sont les principaux progrès réalisés dans la riposte de votre pays à l’épidémie de VIH au cours des cinq dernières années ?
La lutte contre le VIH au Togo avance, et les plans sont ambitieux. Les estimations de AIDSINFO/Spectrum montrent une réduction des nouvelles infections de plus de 50% (de 5,200 par an en 2010 à 2,400 en 2020) et des décès liés au VIH (de 6,600 par an en 2010 à 3,000 en 2020). Le Plan Stratégique National 2021-2025 inclus désormais un axe particulier sur les droits humains et le genre. Un index sur la stigmatisation a vu le jour en 2021, et une évaluation des lacunes dans les textes légaux a eu lieu. Une évaluation des questions de genre dans la riposte au VIH aura lieu d’ici la fin de l’année, et un nouveau plan stratégique spécifiquement sur les droits humains et le genre sera développé début 2022.
2. Quels sont les principaux défis à relever ?
Il faut accentuer, en priorité, les efforts en termes de traitement et de prévention pour atteindre l’objectif « 95-95-95 » c’est-à-dire que 95% des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) connaissent leur statut ; 95% d’entre elles reçoivent un traitement antirétroviral (ARV) et 95% de celles-ci aient une charge virale supprimée. Pour cela, il faut améliorer l’accès aux services préventifs et de traitement des jeunes et des adolescents, renforcer l’accompagnement psychologique, social et nutritionnel des PVVIH, et continuer le plaidoyer pour améliorer l’environnement des populations clés. Bien entendu, réduire les inégalités sera également primordial.
3. Comment la COVID-19 a-t-elle affecté la riposte au VIH dans votre pays ?
Il n’y a heureusement pas eu rupture de l’offre des services VIH au Togo lors de l’épidémie de COVID-19. Entre avril et juin 2020, il y a eu une chute de fréquentation des services dû à une appréhension devant cette nouvelle maladie. Cette situation a été corrigée, entre autres par certaines mesures du ministère de la Santé, de l’Hygiène Publique et de l'Accès Universel aux Soins. Du fait du ralentissement de la production de médicaments en Inde et des problèmes liés au transport, il y a eu une tension importante sur la disponibilité des intrants nécessaires à la riposte au VIH (tests, ARV, et autres). Cependant, grâce à une bonne coordination et l’intervention des partenaires, une rupture problématique a pu être évitée.
4. Qui sont les leaders méconnus de la riposte au sida dans votre pays ?
La riposte est déjà très inclusive grâce à l’implication effective des acteurs gouvernementaux, du parlement, des collectivités territoriales, du secteur communautaire, du secteur privé et des partenaires techniques et financiers.
Depuis 2015, une politique nationale des interventions à base communautaire existe, assortie d’un plan stratégique. Les associations de la société civile en sont les principaux acteurs. Outre les associations, les pairs éducateurs/animateurs, et les médiateurs assurent la mise en œuvre des activités du volet communautaire sous la supervision des ONG.
Les organisations de société civile sont regroupées dans une plateforme pour la lutte contre le VIH, et inclut aussi des réseaux des religieux regroupant chrétiens, musulmans et animistes. Elles représentent 7% des structures accréditées, mais elles assurent la prise en charge médicale de 30% des PVVIH. Elles assurent aussi la quasi-totalité des services de prévention et de prise en charge psychosociale. Il existe des réseaux regroupant des PVVIH (RAS+), des hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes (Cupidon), et des professionnelles du sexe (AFAZ).
Cette plateforme reçoit des financements du Fonds mondial.
5. Si vous pouviez demander à votre chef d’État de changer une chose pour renforcer la riposte au VIH, quelle serait-elle ?
Malgré les difficultés dû au COVID-19 et la compétition des autres priorités et des autres ministères, il faut augmenter la contribution financière de l’État. Il faut souligner cependant que lors des deux derniers appels à la reconstitution des ressources du Fonds mondial, le Togo a contribué un million de dollars—un bon exemple de solidarité globale.