West and Central Africa


Feature Story
Gérer l’épidémie de COVID-19 au Cameroun
11 mai 2020
11 mai 2020 11 mai 2020Entretien avec la directrice pays de l’ONUSIDA, Savina Ammassari
Savina Ammassari est devenue directrice pays de l’ONUSIDA pour le Cameroun en 2018. Elle a travaillé auparavant pour l’ONUSIDA en Inde, au Myanmar et au Cambodge en tant que conseillère en informations stratégiques. Elle a soutenu des initiatives en faveur du développement durable, de l’égalité et des droits humains dans plus de 20 pays.
Son expérience personnelle et professionnelle dans de nombreux pays et ses vastes connaissances linguistiques lui font penser qu’elle s’adapte facilement, mais la COVID-19 se révèle être une véritable épreuve pour elle.
Savina, avez-vous eu l’impression que la COVID-19 était un tsunami qui avait mis le cap sur vous ?
Oui, en effet, j’ai vu le tsunami s’approcher. J’ai suivi l’apparition de la COVID-19 en Chine, puis sa propagation rapide en Italie, mon pays d’origine, où l’épidémie a déjà fait plus de 24 000 victimes. J’étais bien consciente que de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, dont le Cameroun, seraient mal préparés pour affronter l’effet dévastateur de la COVID-19 sur les secteurs de la santé et de l’économie. Les systèmes de santé fragiles et la pauvreté endémique représentent des défis considérables pour les ripostes gouvernementales, communautaires et du système des Nations Unies à la pandémie.
J’ai fait l’amère expérience dans ma famille des réalités de la crise enserrant le monde lorsque mon beau-frère, un chirurgien travaillant à Brescia dans l’épicentre de l’épidémie italienne, a développé des symptômes graves de la COVID-19 qui ont entraîné une pneumonie bilatérale. Heureusement, il a été branché sur un respirateur artificiel et a reçu des traitements expérimentaux, qui lui ont sauvé la vie. Mais je sais que ce ne sera pas le cas pour tout le monde, en particulier dans les pays disposant d’un système de santé moins solide.
Le Cameroun est devenu l’épicentre de la COVID-19 en Afrique occidentale et centrale. Les premiers cas ont été détectés à l’aéroport de la capitale, Yaoundé. D’autres ont suivi très rapidement à Douala, la plus grande ville du pays. Malgré les mesures prises rapidement par le gouvernement pour isoler les cas initiaux, dépister et tracer les contacts, la transmission au sein de la communauté s’est emparée du pays. Il est difficile de connaître l’ampleur des transmissions à cause de l’accès limité aux services de test.
La riposte du Cameroun est confrontée à des contraintes considérables, en particulier pour ce qui est d’élargir le dépistage et le traçage des contacts, de fournir des unités de soins intensifs/des respirateurs artificiels pour les personnes gravement atteintes, ainsi que des équipements de protection individuelle adaptés destinés au personnel médical. La mise en place rapide de programmes d’éducation des communautés mettant l’accent sur l’hygiène des mains et l’éloignement physique est une problématique actuelle, en particulier dans les zones urbaines pauvres et souvent surpeuplées.
Quels ont été les préparatifs au Cameroun ? Au début, un sentiment d’optimisme régnait au Cameroun. On pensait que d’une manière ou d’une autre, l’Afrique, contrairement à d’autres régions, allait réussir à éviter les conséquences catastrophiques de la pandémie. Peu de personnes avaient conscience que la pandémie avait juste quelques semaines de retard avant d'atteindre le Cameroun.
Aujourd’hui, le Cameroun est le pays le plus touché de la région et le deuxième d’Afrique subsaharienne. Il voit son taux d’infections augmenter rapidement. La rareté des kits de test masque toutefois très certainement le nombre réel d’infections. Le recensement des infections individuelles, des guérisons et des victimes ne permet pas de révéler la situation dans son intégralité. L’ONUSIDA a milité pour une modélisation de l’épidémie permettant de quantifier les besoins et l’approvisionnement en soins de santé.
Lorsque les premiers cas de COVID-19 ont été détectés à Yaoundé, un groupe restreint de personnalités du secteur de la santé s’est rassemblé au ministère de la Santé pour discuter et planifier des mesures d’endiguement de l’épidémie et de minimisation de son impact. J’ai été invitée parmi d'autres représentant(e)s des Nations Unies du fait de l’expérience de l’Onusida dans la gestion des épidémies. J’ai souligné qu’il était nécessaire d'exploiter les systèmes existants et d’utiliser les efforts dirigés par des communautés au cours de la riposte nationale au sida. J’ai plaidé pour des investissements initiaux dans la communication et la mobilisation des communautés afin de prévenir les infections à la COVID-19, en utilisant une approche multisectorielle.
Cette riposte multisectorielle a été mise en place en impliquant directement la coordonnatrice résidente des Nations Unies (CRNU) avec mon soutien. J’ai facilité les efforts de la CRNU pour établir des liens entre le ministère de la Santé et des partenaires de développement au cours de téléconférences hebdomadaires. Les partenaires, volontaires pour aider, manquaient d’informations sur les priorités immédiates.
L’ONUSIDA a aidé le ministère de la Santé à modéliser l’épidémie de COVID-19 afin de mieux comprendre et quantifier les besoins. Pour cela, des téléconférences ont réuni des partenaires techniques et financiers. La démarche a permis de hiérarchiser les besoins et de quantifier et estimer le coût des fournitures et équipements nécessaires de toute urgence. Les partenaires volontaires pour soutenir cet effort, avaient toutefois besoin non seulement d’une stratégie nationale et modélisée de riposte à la COVID-19 avec une estimation des coûts, mais également d’un calendrier d’approvisionnement clair et précis reposant sur cette stratégie. Par ailleurs, l’ONUSIDA a plaidé avec succès pour la création d’un groupe d’information stratégique. Ses tâches consistent à analyser en détail les données de suivi, à modéliser l’épidémie, ainsi qu’à surveiller et à évaluer la riposte à la COVID-19.
La communication est en effet cruciale. Mais comment gérer des problèmes fondamentaux comme l’absence d’eau courante dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne qui rend difficile la recommandation de se laver les mains. Comment la population gère-t-elle cela et d’autres mesures, comme l’éloignement physique ?
C’est en effet un problème essentiel au Cameroun à cause de l’absence d’alimentation continue en eau dans de nombreuses communautés rurales et urbaines. Utiliser des solutions hydroalcooliques n’est pas une option envisageable pour la plupart des gens. Quant aux produits fabriqués localement, leur qualité et la sécurité de leur utilisation ne sont pas obligatoirement au rendez-vous.
De même, l’éloignement physique et le confinement volontaire sont souvent des options peu viables et souvent irréalistes au sein de communautés où, d’une manière générale, un grand nombre de personnes partage des espaces communs à domicile et dans leur communauté. Le gouvernement a mis en place une batterie de mesures strictes pour endiguer la propagation de la COVID-19 (fermeture des écoles et établissements d’éducation ou de formation, interdiction de tous rassemblements, obligation de porter un masque dans les transports publics), mais un confinement généralisé n’a pas été promulgué jusqu’à présent. Il est légitime de se poser la question de l’impact qu’aurait un confinement total sur la majorité de la population, alors que 80 % des personnes travaillent dans le secteur informel et vivent au jour le jour. Mais, du point de vue de la santé publique, les confinements sont indispensables. L’un des défis consiste à jongler entre ces préoccupations.
Savina, vous n’avez jamais eu peur des défis. D’après vous, s’agit-il du plus grand défi auquel vous avez été confrontée jusqu’à présent et pourquoi ?
Oui, cette crise n’a pas son pareil dans l’histoire et elle est imprévisible. Je suis inquiète de la manière dont la pandémie de COVID-19 affectera non seulement notre équipe et nos proches, mais aussi les personnes vivant avec le VIH qui ont besoin d’obtenir sans interruption leur thérapie antirétrovirale et les services liés au virus, ainsi que les personnes qui sont déjà victimes de stigmatisations, qui sont vulnérables ou déjà marginalisées dans la société et dans l’économie.
Nous constatons déjà une augmentation préoccupante de la stigmatisation et de la discrimination à l’encontre des membres de populations clés au Cameroun et nous assurons que l’équipe de pays des Nations Unies et les partenaires continuent d’accorder leur priorité aux problématiques liées aux droits humains dans leur stratégie.
Notre travail est déjà difficile en temps normal parce que le Cameroun est confronté à des difficultés humanitaires et de développement énormes. L’attention internationale ne se porte déjà pas suffisamment sur les crises humanitaires qui touchent le Cameroun sur trois fronts. Il s’agit de la crise humanitaire la moins financée au monde. L’épidémie de la COVID-19 multiplie ces défis.
L’ONUSIDA mobilise les communautés et les réseaux dans les travaux de prévention à la COVID-19 et s’assure que la société civile est suffisamment consultée et impliquée dans la riposte nationale au nouveau virus.
Comment relâchez-vous la pression le soir ? Comment rechargez-vous vos batteries ?
Je crains de ne pas accorder suffisamment de temps pour me détendre, car je travaille jour et nuit, ce qui n’est pas sain. Peut-être qu’un des défis posés par la COVID-19 est de trouver de nouveaux centres d’intérêt en dehors du travail qui peuvent perdurer et continuer à faire plaisir.
Quels ont été les enseignements tirés ? Allez-vous faire certaines choses différemment à partir de maintenant ?
J’ai réappris que l’union fait la force. Dans des situations d’urgence sans précédent comme aujourd’hui où personne n’a ni la réponse ni la formule magique, nous avons besoin des compétences et de l’expérience de chacune et de chacun. Mettre les acteurs en contact, fournir des ressources, garantir la transparence des échanges, voici la stratégie gagnante. Cela nécessite un leadership fort et une cohésion de l’équipe dans l'effort.
Notre action
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Des groupes reposant sur des communautés apportent des médicaments dans des zones reculées de République centrafricaine
21 novembre 2019
21 novembre 2019 21 novembre 2019Zemio est une ville coupée du reste du monde. Seuls de rares convois et peu de marchandises atteignent cette région reculée située au sud-est de la République centrafricaine. Les infrastructures sont quasi inexistantes et les routes sont parsemées de postes de contrôle illégaux occupés par des hommes armés.
Dans cette zone, plus de 40 000 personnes sont déplacées des suites du conflit et 30 000 autres au moins ont été forcées de fuir vers les états voisins du Soudan du Sud et de la République démocratique du Congo.
Selon le gouvernement centrafricain, la prévalence du VIH au Haut-Mbomou où se situe Zemio est plus de trois fois supérieure (12 %) au reste du pays, ce qui en fait la région la plus touchée.
Pourtant, les groupes communautaires de thérapie antirétrovirale lancés en 2016 par Médecins Sans Frontières permettent aux personnes vivant avec le VIH de s’entraider et de s’apporter un soutien mutuel.
À Zemio, ce programme est une lueur d’espoir dans un conflit oublié.
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La réponse au VIH en Afrique occidentale et centrale — Mise à jour mondiale sur le sida en 2019
16 juillet 2019
Certaines mesures nationales de lutte contre le VIH montrent des signes d’amélioration, néanmoins une volonté politique insuffisante, des systèmes de santé fragiles et un soutien insuffisant des organisations communautaires entravent les progrès. Les obstacles systémiques, notamment la criminalisation liée au VIH et les frais d’utilisation, continuent de dissuader un grand nombre de personnes d’avoir accès aux services de dépistage et de traitement du VIH.
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Investir dans les communautés pour faire la différence en Afrique occidentale et centrale
09 octobre 2019
09 octobre 2019 09 octobre 2019Plus de 5 millions de personnes vivent avec le VIH en Afrique occidentale et centrale, la région accuse un retard pour parvenir à l’objectif de mettre fin au sida d’ici 2030. Chaque jour, on y recense plus de 760 nouvelles contaminations et seulement 2,6 millions des 5 millions de personnes porteuses du virus suivent un traitement.
Un désintéressement de la classe politique, des systèmes de santé fragiles et un faible soutien accordé aux organisations citoyennes, auxquels viennent s’ajouter des barrières telles que la pénalisation liée au VIH, sont les principaux obstacles à toute amélioration. Un plan de rattrapage régional vise à aider la région à combler son retard pour atteindre son objectif de tripler le nombre de personnes suivant une thérapie antirétrovirale d’ici 2020 et de contrôler l’épidémie. Même si des progrès sont faits, leur rythme reste trop lent. La situation des enfants est particulièrement préoccupante dans cette région : seulement 28 % des moins de 15 ans vivant avec le VIH ont accès à une thérapie antirétrovirale.
« Nous avons besoin de réglementations et de programmes qui mettent l’accent sur les personnes et non les maladies. Cela permettra d’impliquer totalement les communautés dès les premières phases de conception, d’élaboration et de réalisation des stratégies de santé », a expliqué Gunilla Carlsson, Directrice exécutive par intérim de l’ONUSIDA, lors de son allocution au cours de la 6e Conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme organisée en France à Lyon les 9 et 10 octobre.
En effet, les exemples d’investissements réussis dans les communautés ne manquent pas. « La riposte est plus rapide et efficace lorsqu’elle est menée par les personnes qui en ont le plus besoin », a indiqué Jeanne Gapiya qui vit avec le VIH depuis de nombreuses années et est à la tête de l’organisation non gouvernementale ANSS au Burundi.
Le dépistage et la prévention du VIH sont plus efficaces, en particulier parmi les groupes marginalisés, lorsqu’ils sont offerts par les communautés. « La plupart des personnes dépistées par les communautés le faisaient pour la première fois, ce qui illustre bien l’importance unique et cruciale des organisations citoyennes », a expliqué Aliou Sylla, directeur de Coalition Plus Afrique.
L’un des défis fondamentaux de la région consiste à réduire le nombre de nouvelles infections parmi les enfants et de garantir que les femmes accèdent aux services dont elles ont besoin. Les réseaux de mères séropositives qui s’entraident pour rester en bonne santé et pour éviter la transmission du VIH de la mère à l’enfant constituent un moyen efficace d’améliorer la santé aussi bien des mères que des enfants.
« Notre stratégie reposant sur les communautés fonctionne. Les endroits où nous sommes présents ont atteint l’objectif de zéro nouvelle infection au VIH parmi les enfants et tous les enfants qui viennent chez nous suivent un traitement », a indiqué Rejane Zio de Sidaction.
Le financement reste toutefois un problème. Même si les ressources totales allouées à la riposte au sida ont augmenté et que le VIH reste le thème prioritaire du développement de l’aide sanitaire, les investissements nationaux ne représentent toujours que 38 % des ressources disponibles pour lutter contre le VIH en Afrique occidentale et centrale, contre 57 % dans le monde entier. L’accélération de la riposte régionale nécessite d’intensifier les investissements nationaux et de renforcer simultanément l’aide apportée par les donateurs internationaux. Bintou Dembele, directrice exécutive d’ARCAD-Sida au Mali, a expliqué : « Les communautés disposent de l’expertise, mais les fonds nous manquent pour satisfaire les besoins. »
Les stratégies impliquant la base de la société dans la région jouissent d’un support croissant. Reconnaissant l’importance des efforts menés par les communautés, Expertise France et l’Institut de la Société Civile pour la Santé et le VIH en Afrique de l’Ouest et du Centre ont annoncé un nouveau partenariat, le 9 octobre. « L’institut réunit 81 organisations de 19 pays. Sa mission consiste à améliorer l’influence politique au niveau national et international, ainsi qu’à galvaniser l’expertise de la société civile dans la réalisation des programmes. Ce partenariat attire l’attention sur notre contribution essentielle », a déclaré Daouda Diouf, directeur d’Enda Santé et président du comité de direction de l’institut. « La situation en Afrique de l’Ouest et centrale reste une priorité. Il est indiscutable que les stratégies impliquant les communautés offrent plus de souplesse et sont mieux adaptées pour apporter une réponse aux pandémies », a ajouté Jérémie Pellet d’Expertise France.
L'adoption d'une approche mettant en avant les individus figure au cœur des réformes régionales. On assiste à un renforcement de la volonté régionale d’accélérer la riposte et de renforcer les stratégies communautaires éprouvées. Cela donne espoir en l’avenir pour ce qui est de la lutte contre l’épidémie du VIH en Afrique occidentale et centrale.
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L’ONUSIDA et le Luxembourg collaborent en Afrique occidentale et centrale
09 octobre 2019
09 octobre 2019 09 octobre 2019La prévention et le traitement du VIH en Afrique occidentale et centrale continuent d’accuser un retard par rapport au reste du continent. Le résultat : des millions de personnes sont exposées à une infection au virus et 2,4 millions de personnes vivant avec le VIH n’ont pas accès à un traitement. Suite aux appels à action formulés au cours de la Réunion de haut niveau des Nations Unies sur le VIH/sida de 2016 et lors du sommet de l’Union africaine de juillet 2016, l’ONUSIDA et ses partenaires ont lancé un plan visant à accélérer les efforts pour mettre fin aux nouvelles infections au VIH et garantir que chaque habitant de la région a accès un traitement pouvant lui sauver la vie.
Même si les ressources disponibles en Afrique occidentale et centrale pour la riposte au VIH ont augmenté de 65 % entre 2006 et 2016 pour atteindre 2,1 milliards de dollars (estimation), la plupart de ces pays continuent de dépendre fortement des donateurs. On assiste cependant à un recul des financements internationaux et les investissements actuels sont loin de couvrir les besoins pour assurer un changement pérenne.
Le Luxembourg est un pays qui maintient ses investissements en Afrique occidentale et centrale. Marc Angel, président de la Commission des Affaires étrangères et de la Coopération au développement au Parlement du Grand-Duché et ambassadeur de l’ONUSIDA pour les objectifs 90–90–90, s'est récemment joint à l’ONUSIDA pour une visite au Sénégal. Le but de la délégation était de voir comment l’ONUSIDA utilise la contribution du Luxembourg pour accélérer la riposte au sida en Afrique occidentale et centrale afin de faire la différence.
Grâce aux financements du Luxembourg, l’ONUSIDA et ses partenaires ont fondé l’Institut de la Société Civile pour le VIH et la Santé en Afrique de l’Ouest et du Centre. Cette entité innovante a pour mission de coordonner les quelque 80 organisations non gouvernementales qui œuvrent en faveur des intérêts des personnes affectées par le VIH dans 20 pays de la région.
Le CEPIAD est l'un de ces groupes. Il s’agit du premier centre d’Afrique occidentale spécialisé dans la réduction des risques chez les personnes s’injectant des drogues. Le personnel médical et d’assistance sociale y fait figure de pionnier dans la région. Il traite les toxicomanes en adoptant une approche de santé publique plutôt qu’en les jugeant. À Mbour, le centre de soins destiné aux populations clés, M. Angel a entendu les témoignages de personnes qui s'étaient injectés des drogues sur la manière dont le centre les aide à retrouver une place dans leur famille et dans la société.
« Le seul moyen de parvenir aux objectifs 90–90–90 est d’impliquer les populations clés », a déclaré M. Angel. « Les personnalités publiques et de la société civile du Sénégal doivent continuer de travailler main dans la main pour atteindre cet objectif. L’aspect des droits humains dans la lutte contre le sida et pour la santé dans le monde est essentiel pour la coopération au développement du Luxembourg. Avec l’ONUSIDA, nous devons garantir que les voix s’élevant des communautés sont entendues et que les efforts atteignent tout un chacun, notamment les populations vulnérables, sans oublier les enfants. »
M. Angel a visité le service de traitement pédiatrique du centre hospitalier Albert Royer où il a rencontré des jeunes vivant avec le VIH. Ils lui ont parlé du traitement contre le virus qui leur permet de mener une vie normale. M. Angel a noté les avancées faites pour arrêter les nouvelles infections parmi les enfants au Sénégal ainsi que les efforts touchant au VIH, mais aussi à la santé de la reproduction et sexuelle afin d’éviter les nouvelles contaminations parmi les adolescentes et adolescents.
Il a également salué le recul de la prévalence du VIH dans le pays au cours de rencontres avec le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, et avec la secrétaire-générale du comité national sénégalais contre le sida, Safiatou Thiam.
Il a cependant souligné des aspects préoccupants comme la prévalence élevée du virus parmi les populations clés et il a rappelé que l’accès au traitement pour ces groupes est fondamental pour mettre fin au sida d’ici 2030. Il a également plaidé pour une augmentation des ressources nationales afin d’apporter une riposte efficace et pérenne au VIH dans le pays.
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Tous unis pour lutter contre l’exclusion des populations clés en Afrique Centrale
03 octobre 2019
03 octobre 2019 03 octobre 2019En Afrique de l’ouest et centrale, les populations clés (consommateurs de drogues injectables, homosexuels et hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes, transgenres, personnes faisant commerce du sexe et prisonniers) et leurs partenaires sexuels représentent plus de 64% des nouvelles infections à VIH en 2018. (Rapport annuel ONUSIDA, juillet 2019).
Selon le Dr Manuel-Nso Obiang Ada, Secrétaire Exécutif de l’OCEAC, « Les efforts de réduction de la stigmatisation et discrimination envers les personnes vivant avec le VIH et notamment les populations clés sont loin d’occuper la place qu’ils méritent, y compris dans les centres sanitaires. »
C’est pour cela que l’OMS et l’ONUSIDA encouragent les pays de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale) à investir davantage dans des interventions structurelles afin de mieux comprendre et répondre aux besoins de ces populations marginalisées, et à fournir des services sans stigmatisation ni discrimination.
Récemment, l’organe de santé de la CEMAC, l’OCEAC (l’organisation de coordination pour la lutte contre les endémies en Afrique Centrale) s’est réuni à Yaoundé, avec des représentants des populations clés, afin d’adopter une feuille de route pour parvenir à la validation d’une Déclaration politique multisectorielle en 2020 en faveur des population clés dans la région.
Les pays représentés dans la CEMAC sont le Cameroun, la République centrafricaine, le Congo, le Gabon, la Guinée-Equatoriale, et le Tchad.
Comme le précise Dr Casimir Manzengo, conseiller médical au bureau Régional Afrique de l’OMS, « Les populations clés jouent un rôle important dans la survenue de l’épidémie du VIH/sida dans le monde, ainsi, elles doivent aussi jouer un rôle de premier rang dans les efforts de l’élimination de l’épidémie.»
Pour Savina Ammassari, Directrice Bureau Pays ONUSIDA au Cameroun, elle espère que l’initiative de la déclaration réduira les inégalités. Selon elle, « Aucune société ne peut s’épanouir et se développer dans l’exclusion. Nous avons tous des valeurs humaines en commun et nous sommes un même peuple dans nos différences.»
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Réduire, réutiliser, recycler : les jeunes Ghanéens disent Oui à la réduction des déchets
20 septembre 2019
20 septembre 2019 20 septembre 2019Les jeunes au Ghana s’engagent en faveur d’un environnement durable en réduisant le volume de déchets qu’ils produisent, aussi bien chez eux qu’à l’école.
Dans leur démarche militante, les jeunes ont rencontré la Directrice nationale de l’ONUSIDA au Ghana, Angela Trenton-Mbonde. La réunion organisée à Accra avait pour thème« Reduce, reuse, recycle » (Réduire, réutiliser, recycler). Chaque militant et militante a promis d’adopter de meilleures pratiques de gestion des déchets afin de promouvoir le développement durable.
« Je m’engage à avoir ma gourde réutilisable et à éviter d’utiliser les bouteilles en plastique jetables. Je suis convaincue que cela protègera la planète pour tout le monde », a déclaré Pricilla Addo.
Un autre militant, Samuel Nyarko, a promis de son côté : « Je m’engage à veiller moi-même à ce que les déchets produits dans mon foyer soient triés correctement afin de faciliter la collecte et le recyclage des plastiques. Je vais inviter mes camarades de classe et ma communauté à faire de même. »
Mme Trenton-Mbonde a encouragé les jeunes à respecter leurs engagements en faveur de la planète. « Pour un environnement durable, chacun d’entre nous doit prendre ses responsabilités et commencer avec un seul engagement, peu importe s’il semble insignifiant au début, car en définitive, tout est lié : l’humanité et la planète », a-t-elle déclaré.
Cette délégation militante comprenait des jeunes de Hope for Future Generations, une organisation non gouvernementale à but non lucratif ghanéenne visant à autonomiser et à émanciper les femmes, les enfants et les jeunes.
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Avoir le droit de communiquer son statut sérologique
02 août 2019
02 août 2019 02 août 2019Francine Nganhale, 17 ans à l’époque, préparait son bac sans se poser de questions lorsqu’elle suit par curiosité des camarades de classe dans un hôpital local de Yaoundé au Cameroun. Ils avaient en effet entendu parler d’un dépistage gratuit proposé dans le cadre d’une campagne de sensibilisation au VIH.
« C’était mon premier test du VIH et je pensais que tout se passerait bien », explique-t-elle.
Lorsque ses résultats arrivent, ils sont peu concluants. Elle refait le test, et la quatrième fois, il est positif. « Les explications que l’on m’a données au cours de la procédure ont piqué ma curiosité, ce qui m’a vraiment donné envie d’en savoir plus », continue-t-elle.
Mme Nganhale se souvient avoir eu peur et ne pas avoir su quoi faire ensuite. Un docteur l’accompagne au cours de la procédure et lui fournit toutes sortes d’informations sur le VIH. Tout à coup, elle se rappelle que son fils de trois ans n’a jamais été dépisté et qu’il est souvent malade. Lui aussi est alors testé positif. Sa mère et lui commencent un traitement.
Le plus dur pour elle est de révéler son statut à sa mère. Elle repousse sans cesse la décision, mais elle se sent de plus en plus isolée. Elle se souvient également des remarques désobligeantes de membres de sa famille élargie envers les personnes vivant avec le VIH. « Je me suis alors mise au défi de vivre longtemps et en bonne santé, sans me laisser décourager par quiconque », poursuit-elle. Lorsque sa mère découvre le statut sérologique de sa fille, elle ne garde pas la nouvelle pour elle, ce qui n’empêche pas Mme Nganhale d’aller de l’avant. Elle ne lui en tient pas rigueur, car sa mère l’a soutenue financièrement, ainsi que son fils, pendant des années.
Aujourd’hui, en tant que travailleuse sociale, Mme Nganhale est surtout en contact avec des personnes vivant avec le VIH. Elle s’investit pour faire connaître les traitements contre le VIH et les distribuer.
Son mari fait le même métier et il supervise 106 associations camerounaises liées au VIH. Il retrouve beaucoup de sa propre expérience dans celle de sa femme. Charles Noussi était footballeur professionnel aux Maldives jusqu’au jour où toute son équipe passe une série de tests au cours d’un contrôle médical de routine. Le lendemain, en arrivant à l’entraînement, le manager lui interdit de rejoindre les autres.
« Je n’avais aucune idée de ce qui se passait », raconte-t-il. « Mais j’avais de plus en plus l’impression que la plupart des gens me cachaient quelque chose. » En cherchant à savoir le fin mot de l’histoire, il demande à rencontrer le responsable de l’équipe médicale qui avait effectué le contrôle. C’est alors qu’on lui a enfin annoncé son statut sérologique.
« Je me suis soudain rendu compte que j’étais la dernière personne à l’apprendre », explique-t-il. Et les mauvaises nouvelles n’allaient pas s’arrêter là : on lui donne 48 heures pour faire ses bagages et quitter le pays. « Vous ne pouvez pas vous imaginer ce que cela fait d’abandonner une carrière que j’aimais et de perdre mon bon salaire tout ça à cause de mon statut sérologique », continue-t-il. « Ça m’a brisé le cœur et m’a brisé tout court. »
Un sponsor l’aide à fuir vers la Thaïlande où il accède à des services de santé. « J’ai reçu beaucoup de soutien et de réconfort », se souvient M. Noussi. Il rejoint très vite un groupe militant sur le thème du VIH. « Un an plus tard, je me suis dit qu’il serait peut-être bon d’utiliser dans mon pays ce que j’avais appris », explique-t-il. Mais à nouveau, les mentalités camerounaises sont différentes. Il fait l’objet de discriminations et même s’il est en bonne santé et ne cache pas son statut sérologique, beaucoup de ses amis et connaissances l’abandonnent.
« Heureusement que ma mère m’a énormément aidé, pas uniquement pour mon alimentation, mais aussi au niveau social et psychologique », se souvient-il.
Vingt ans plus tard, il pense que les stigmatisations liées au VIH ont reculé au Cameroun. Le traitement pour la maladie est gratuit, contrairement à l’époque où il devait tout payer de sa poche. Pour lui, il est essentiel de connaître son statut.
Sa femme abonde en son sens. « Cela ne sert à rien de dire à quelqu’un de ne pas s’en faire. C’est normal de se faire du souci », explique-t-elle. « L’important, c’est de faire comprendre à la personne qu’elle garde le contrôle de sa vie. »
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Militer pour la réduction des risques au Burundi
25 juin 2019
25 juin 2019 25 juin 2019Publication originale de cet article par l’OMS
Une délégation soutenue par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) s’est rendue récemment au Kenya afin d’apprendre comment fournir des services de réduction des risques et sauver la vie des consommateurs et consommatrices de drogues du Burundi. Une équipe de médecins, de militantes et de militants de la santé publique burundais s'est rendue dans la région de Mombasa au Kenya pour apprendre les bonnes pratiques directement auprès de l’un des pionniers du continent africain en matière de réduction des risques.
Sous l’égide de l’organisation à but non lucratif burundaise, Jeunes au Clair Médical (JCM), l’équipe va faire pression en faveur de l’introduction d’un programme complet d’interventions pour réduire les risques au Burundi. À l’instar de nombreux autres pays d’Afrique, l'injection de drogues est ignorée et aucune riposte de santé publique n'est mise en place.
À cela s’ajoute que la consommation de drogue est bien souvent criminalisée, stigmatisée et mal comprise dans toute sa complexité. L’OMS définit la réduction des risques comme une riposte de santé publique basée sur des données probantes. Elle inclut la mise en place de programmes de distribution d’aiguilles et de seringues, la thérapie de substitution aux opiacés (OST) ainsi que l'accès au dépistage et au traitement du VIH, de la tuberculose (TB) et de l’hépatite virale B et C.
L’équipe burundaise composée de médecins, d’un conseiller et d’un coordinateur national d’un réseau de personnes consommant des drogues avait au programme la visite du Reach Out Center Trust à Mombasa. Elle désirait en savoir plus sur l’expérience faite par les Kenyans afin d’élaborer un programme au Burundi. L'équipe a assisté à une prestation des programmes OST et à une formation au plaidoyer auprès des instances influentes locales, illustrant parfaitement le partage de connaissances sud-sud.
La réussite de la riposte du Kenya pour minimiser les effets négatifs de la consommation de drogue repose grandement sur l’engagement de la population et l’intégration d’acteurs incontournables. Cela facilite l’adhésion à la réduction des risques, mais elle est confrontée à des défis qui lui sont propres. Cette approche sur plusieurs niveaux passe également par une collaboration entre le gouvernement et la société civile, impliquant aussi bien les forces de l’ordre que les réseaux de personnes consommant des drogues.
Au cours d’une visite au Mombasa Inspectorate en charge des délits liés aux drogues, l’inspecteur en chef en personne a parlé de l’importance de l’engagement de la police. Il a souligné l’impact négatif de la consommation de drogue sur les jeunes et le besoin de stratégies efficaces. Aujourd’hui, une centaine de policières et policiers sont formés dans la ville à la réduction des risques. Ils centrent leur travail sur l’aide et non pas sur les sanctions.
Garantir l’efficacité et la pérennité des programmes de réduction des risques ne se limite pas à rallier la police à cette cause. Un axe supplémentaire consiste à identifier d’autres acteurs importants comme les chefs spirituels ou des villages, d'autres fonctionnaires et les personnes consommant des drogues.
Le plaidoyer n’était toutefois pas le seul point à l’ordre du jour du déplacement. L’équipe du Burundi a également vu en pratique le fonctionnement des cliniques kenyanes et la distribution de méthadone. L'équipe d'éducation a discuté avec ses collègues ainsi qu’avec des agents de proximité et a reçu une formation sur la collecte de données dans le cadre de la gestion de programme. Une leçon importante si elle veut fournir des preuves pour convaincre le gouvernement et les donateurs.
Le Kenya a plusieurs années d’avance en réduction des risques, mais les données locales permettront d'adapter ses enseignements à d'autres contextes.
« Le problème des drogues nécessite des interventions à la base et que l’éducation soit l’apanage de personnel formé afin d’éviter la dissémination de fausses informations », a déclaré le docteur Egide Haragirimana, cadre clinicien pour le JCM.
L’association est en train de mettre en pratique ses nouvelles connaissances et va impliquer les réseaux de personnes consommant des drogues pour mieux comprendre leurs besoins en vue d’élaborer les futures initiatives de réduction des risques.
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Afrique occidentale et centrale : les jeunes femmes plus touchées que les jeunes hommes
18 juin 2019
18 juin 2019 18 juin 2019Des données recueillies au cours d’études laissent penser que la prévalence du VIH chez les femmes de 20 à 29 ans vivant en Afrique occidentale et centrale dépasse celle des hommes de la même tranche d’âge dans tous les pays. Ce taux serait même entre 5 et 9 fois supérieur dans certains pays comme la Gambie, la Côte d’Ivoire et le Ghana.
Dans la tranche d’âge des 40-49 ans, le taux des hommes « rattrape » celui des femmes et l’on retrouve des valeurs similaires de prévalence du VIH. Seuls la République démocratique du Congo, le Ghana et le Gabon font figure d’exceptions, car la prévalence parmi les femmes de ce groupe y est encore presque deux fois supérieure.
L’écart de prévalence du VIH constaté entre les femmes et les hommes dans la tranche d’âge des 20-29 ans dépasse aussi celui observé dans les pays d’Afrique orientale et dans certains pays d’Afrique australe. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cette situation, comme le taux élevé de circoncision médicale volontaire chez les hommes dans les pays d’Afrique occidentale et centrale. Trois études cliniques menées en Afrique du Sud, en Ouganda et au Kenya ont montré que la circoncision masculine protège de la transmission du VIH de la femme vers l’homme dans 60 % des cas. La très faible utilisation de préservatifs et le faible nombre d’hommes suivant une thérapie antirétrovirale figurent également au nombre des explications possibles.