Reportage

PNUD : la vulnérabilité des migrantes bangladaises vis-à-vis du VIH à l’étranger

27 novembre 2009

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Photo: PNUD 

Dans les États arabes où elles ont migré pour travailler, de nombreuses Bangladaises sont soumises à un dépistage obligatoire du VIH et expulsées s’il s’avère qu’elles vivent avec le virus. Elles sont en outre souvent victimes d’agressions physiques et sexuelles commises par leurs employeurs. Telles sont les conclusions accablantes d’un rapport publié cette semaine par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et le Programme Ovibashi Karmi Unnayan (OKUP) du pays.

Le rapport, intitulé HIV vulnerabilities faced by women migrants: from Bangladesh to the Arab States (Vulnérabilités vis-à-vis du VIH des migrantes originaires du Bangladesh dans les États arabes) examine les problèmes sur les plans sanitaire, social et économique, souvent graves, que rencontrent nombre de femmes ayant choisi de quitter leur pays d’origine pour trouver du travail, la plupart du temps comme employée de maison.

Si la migration ne constitue pas en soi un facteur de risque d’infection à VIH, il n’en reste pas moins que les conditions dans lesquelles certains travailleurs émigrent et vivent dans le pays d’accueil les rendent extrêmement vulnérables vis-à-vis du VIH.

Dr Salil Panakadan, Coordonnateur de l’ONUSIDA dans le Pays

Les travailleurs migrants en général soutiennent fortement l’économie du Bangladesh. « Les gains qu’apportent les travailleurs migrants sur le plan économique sont énormes. En 2007, ils représentaient près de 9,4% du PIB du Bangladesh », indique Stefan Priesner, Directeur du PNUD dans le pays. « Il est donc essentiel d’offrir un appui et de bonnes conditions de travail aux travailleurs migrants tout au long de leur séjour à l’étranger. »

Le rapport s’appuie sur quelque 250 entretiens réalisés avec des migrantes qui ont fait part des nombreuses épreuves qu’elles doivent affronter, notamment les longues durées de travail, l’irrégularité du versement de leur salaire et la maltraitance physique et sexuelle. Cette situation peut avoir pour conséquence d’accroître leur vulnérabilité. En effet, quand parfois elles s’enfuient, elles se trouvent exposées à d’autres formes d’exploitation, telles que le commerce du sexe forcé et la traite, ce qui augmente considérablement leur risque de contracter l’infection à VIH. Souvent, quand on découvre qu’elles sont séropositives après leur avoir fait subir un dépistage involontaire, on les renvoie dans leur pays.

« Si la migration ne constitue pas en soi un facteur de risque d’infection à VIH, il n’en reste pas moins que les conditions dans lesquelles certains travailleurs émigrent et vivent dans le pays d’accueil les rendent extrêmement vulnérables vis-à-vis du VIH », affirme le Dr Salil Panakadan, Coordonnateur de l’ONUSIDA dans le Pays. « Dans bien des cas, le dépistage du VIH, tant dans le pays d’origine que dans le pays d’accueil, entraîne une violation des droits des migrants, car il est pratiqué sans leur consentement, sans qu’ils reçoivent des conseils et un appui, ou dans le non-respect de la confidentialité. »

Shakirul Islam, Président et chercheur principal de l’OKUP, affirme aussi que la vulnérabilité des travailleuses migrantes vis-à-vis du VIH est une préoccupation majeure. « L’analyse des conditions dangereuses dans lesquelles les Bangladaises émigrent pour trouver du travail indique que l’absence de lois et de textes réglementaires concernant le processus d’embauche des employées de maisons étrangères et les conditions médiocres dans lesquelles elles doivent travailler une fois sur place rendent les femmes extrêmement vulnérables et ne font que les exposer davantage au risque d’infection à VIH. »

Il soutient en outre que davantage d’efforts pourraient être déployés pour tenter de remédier à cette situation. « Une autre lacune concerne le caractère inapproprié des informations sur le VIH et autres risques sanitaires que reçoivent les migrants avant leur départ. Fait le plus important, même si les migrants sont pris en compte dans le plan stratégique national de lutte contre le sida, il n’existe pas de riposte au VIH axée spécifiquement sur les travailleurs migrants. »

Il est nécessaire de faire davantage pour veiller au bien-être des travailleuses migrantes qui ont été contraintes de retourner dans leur pays suite à la découverte de leur séropositivité. « Le rapport régional souligne que l’expulsion des migrants séropositifs par le pays d’accueil et le manque de programmes de réinsertion dans le pays d’origine peuvent avoir des conséquences dramatiques sur leur santé, leur bien-être et leur moyens d’existence ainsi que ceux de leur famille », affirme Caitlin Wiesen, Cheffe de l’équipe VIH au PNUD et Coordinatrice du programme régional sur le VIH. « Il est urgent de mettre en place des programmes efficaces de réinsertion à l’intention des migrants rentrés au pays, de faire en sorte qu’ils aient accès à des services de santé et qu’ils disposent de différents choix en matière de moyens d’existence. »

Les États arabes sont la destination principale de nombreux travailleurs migrants originaires d’Asie, notamment du Bangladesh. Les pays d’accueil ayant fait l’objet de l’étude sont Bahreïn, le Liban et les Émirats arabes unis.

Cette étude fait ressortir que, s’agissant aussi bien de Bahreïn que de Dubaï, il n’existe pas de salaire minimum pour les employées de maison bangladaises, qui ne gagnent qu’une centaine de dollars par mois. Dans ces États, et même au Bangladesh, le droit du travail ne s’applique pas à ce type d’emplois, donc les migrantes ne peuvent obtenir de réparation en cas de préjudice.

« De nombreux travailleurs migrants sont exploités et subissent des mauvais traitements. C’est un problème de portée mondiale, qui nous préoccupe tous », déclare le Dr Khandaker Mosharraf Hossain, Ministre bangladais du Travail, de l’Emploi, de la Protection des expatriés et de l’Emploi à l’étranger. « Les pays d’accueil et d’origine endossent la même responsabilité, à savoir mettre en œuvre des politiques et des programmes de protection. Des progrès sont néanmoins en cours : les pays d’accueil et d’origine dialoguent davantage, ce qui nous permet de veiller au respect et à la protection des droits des migrants qui se trouvent à l’étranger. »

L’étude portant sur le Bangladesh fait l’objet d’une des parties consacrées chacune à un pays dans le rapport intitulé HIV vulnerabilities faced by women migrants: from Asia to the Arab states (Vulnérabilités vis-à-vis du VIH des migrantes originaires d’Asie dans les États arabes) publié en mars dernier.