Reportage

À DEHONG, L'ÉPIDÉMIE DE SIDA CONNAÎT UN TOURNANT REMARQUABLE

12 septembre 2016

C'est dans le village de Jiele que la Chine a recensé ses premiers cas de VIH en 1989. Situé dans la préfecture de Dehong, dans la province du Yunnan, le village a connu une épidémie de sida qui a fait près de 200 morts. Toutefois, un quart de siècle plus tard, il déborde d'espoir et d'une nouvelle énergie.

« Avant, tout le monde avait très peur du VIH, mais aujourd'hui nous bénéficions d'excellents services de santé et nous vivons des vies normales en bonne santé. Nous n'avons plus peur du VIH », explique un habitant de Jiele.

Plus d'une centaine de personnes vivent actuellement avec le VIH dans le village ; elles bénéficient de contrôles réguliers et presque toutes sont sous traitement anti-VIH. La réussite de ce village s'est répandue dans toute la préfecture de Dehong, épicentre des débuts de l'épidémie de sida en Chine.

Situé à proximité des zones de production d'opium du Triangle d'or et des principaux itinéraires du trafic de drogue, Dehong a enregistré ses premiers cas de VIH chez les consommateurs de drogues injectables, ainsi que chez les professionnel(le)s du sexe et leurs clients. Durant ces 15 dernières années, la préfecture a travaillé avec les organisations communautaires, le gouvernement central et des organisations internationales et mis en œuvre toute une série de mesures innovantes qui ont conduit à ce tournant remarquable dans l'épidémie de sida.

Au cours d'une mission d'une semaine en Chine, Michel Sidibé, Directeur exécutif de l'ONUSIDA, a pu constater les progrès réalisés à Dehong. Il a rencontré des responsables publics et des groupes communautaires et visité plusieurs sites, notamment l'hôpital de Ruili le 7 septembre. Il a pu se rendre compte de la manière dont l'hôpital de la ville fournit des services de prévention et de traitement anti-VIH en guichet unique, avec des informations sur la santé, des tests de dépistage du VIH, de la méthadone pour les consommateurs de drogues injectables et des services de prévention de la transmission du VIH de la mère à l'enfant.

En 2009, Dehong a commencé à décentraliser sa gestion du traitement antirétroviral vers l'échelon communautaire pour les personnes vivant avec le VIH sous traitement depuis plus d'un an. L'hôpital de Ruili fournit une assistance et un appui technique aux sites de traitement antirétroviral gérés par les communautés, qui ont assuré un traitement à plus de 600 personnes vivant avec le VIH en 2014.

« L'hôpital de Ruili est un modèle qui démontre comment les services anti-VIH en guichet unique permettent de sauver des vies tout en faisant des économies », a déclaré M. Sidibé. « Il est remarquable de voir comment l'hôpital transmet son savoir-faire aux communautés et garantit l'accès à des soins de santé de qualité même dans les endroits les plus reculés de Chine ».

« La quatrième phase de la guerre du peuple contre le sida vient de commencer dans le Yunnan », a déclaré Gao Feng, Vice-gouverneur du Yunnan. « Nous avons confiance en notre capacité à atteindre l'objectif 90-90–90 d'ici 2020 dans le Yunnan ».

La riposte de Dehong au VIH a évolué pour répondre au nouveau défi consistant à fournir des soins de qualité aux migrants transfrontaliers. Alors que, dans la plupart des régions de Chine, l'accès aux principaux services anti-VIH, notamment au traitement et à la méthadone, nécessite une carte d'identité chinoise, le traitement anti-VIH est ouvert aux étrangers qui peuvent présenter des permis de séjour et de travail et des attestations médicales.

M. Sidibé s'est rendu à Jiegao, un district de Ruili où l'on estime que vivent environ 50 000 Birmans. Les sites des programmes Échange d'aiguilles et Extension du traitement de substitution à la méthadone (MMT) fournissent des services principalement à des migrants qui consomment des drogues injectables. Les chauffeurs de poids-lourds qui traversent les frontières de la Chine et du Myanmar bénéficient de services complets au niveau d'un point d'action qui leur est spécialement destiné, financé par le gouvernement. Les services englobent des informations sur la santé, des conseils et des tests de dépistage du VIH, la distribution de préservatifs et un renvoi vers un traitement anti-VIH.

Le gouvernement local de Dehong entretient un partenariat solide avec les organisations à base communautaire, qui ont joué un rôle clé dans la mise en relation avec les migrants, les consommateurs de drogues, les professionnel(le)s du sexe et les personnes qui vivent avec le VIH.

Grâce à ces stratégies efficaces, Dehong est la seule préfecture de la province du Yunnan à recevoir une reconnaissance publique pour avoir inversé la tendance de son épidémie de sida. Les autorités sanitaires indiquent que la couverture du traitement anti-VIH tourne autour de 60 % de toutes les personnes vivant avec le VIH, tandis que la couverture de la prévention de la transmission du VIH de la mère à l'enfant est de 100 %. À Ruili, chez les personnes vivant avec le VIH éligibles à un traitement antirétroviral, le taux de mortalité a chuté de 95 % par rapport à 2005. On a recensé zéro nouvelle infection à VIH chez les consommateurs de drogues qui fréquentent les établissements de MMT entre 2008 et 2014 et aucun enfant n'a été déclaré né séropositif au VIH d'une femme vivant avec le VIH depuis 2008. La réussite de Dehong est d'autant plus remarquable que les préfectures voisines de la province du Yunnan continuent de voir leurs épidémies se propager.

« Le leadership politique et l'engagement auprès des communautés, ainsi que des programmes basés sur des données scientifiques probantes, peuvent inspirer les autres communautés de Chine pour mettre fin à l'épidémie de sida », a déclaré M. Sidibé.