Reportage
Vérifier les données sur le VIH à chaque étape
22 mars 2018
22 mars 201822 mars 2018Aucune maladie ne bénéficie d’un pareil niveau en termes de collecte, d’analyse et de distributio
Aucune maladie ne bénéficie d’un pareil niveau en termes de collecte, d’analyse et de distribution de données précises et actualisées que le VIH. Grâce à ces données crédibles et actuelles, les pays et la communauté internationale peuvent planifier des ripostes efficaces au sida. Ils peuvent se concentrer sur les services dans les endroits et auprès des populations qui en ont le plus besoin, augmentant ainsi l’impact tout en baissant les coûts.
L’ONUSIDA est chargé de produire ces informations, reconnues comme une référence absolue en ce qui concerne l’épidémie mondiale de VIH. Toutefois, pour que l’information soit utile, elle doit être crédible. Et pour être crédible, il faut qu’elle soit recueillie correctement, vérifiée avec soin, et que son exactitude soit avérée.
Toutes les estimations en lien avec le VIH publiées par l’ONUSIDA sont basées sur les données collectées dans les pays et auprès des communautés où résident les personnes qui vivent avec le VIH et sont touchées par le virus. Dans chaque pays, des équipes d’experts (épidémiologistes, démographes, spécialistes du suivi et de l’évaluation, etc.) utilisent le logiciel soutenu par l’ONUSIDA baptisé Spectrum une fois par an pour faire des estimations du nombre de personnes vivant avec le VIH, du nombre de nouvelles infections à VIH, du nombre de décès dus au sida, de la couverture du traitement antirétroviral, etc. Les fichiers de données produits par le logiciel dans les pays sont ensuite envoyés à l’ONUSIDA.
La manière dont les données sont estimées dépend de la nature de l’épidémie de VIH dans le pays. Dans les pays où le VIH s’est propagé au sein de la population générale, les données sont obtenues auprès des femmes enceintes qui se rendent dans les services prénataux. Par le passé, seul un échantillon de femmes enceintes se rendant dans l’un des établissements faisant partie d’un réseau passait un test de dépistage du VIH dans le cadre des actions de surveillance. Néanmoins, les pays ont évolué de plus en plus vers une utilisation de données programmatiques sur le niveau d’infection à VIH chez toutes les femmes enceintes dépistées au sein des établissements de santé. Associées aux données provenant d’enquêtes en population représentatives menées au niveau national, qui possèdent une couverture plus large et incluent les hommes, mais sont réalisées moins fréquemment, ces données sont utilisées dans le modèle, avec toute une série d’hypothèses, pour calculer la prévalence du VIH, l’incidence du VIH, les décès dus au sida, la couverture du traitement antirétroviral, etc.
Dans d’autres pays, l’épidémie de VIH présente un faible niveau. Si la transmission du VIH se produit principalement au sein des populations clés (consommateurs de drogues injectables, professionnel(le)s du sexe, hommes gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, personnes transgenres et détenues), les données issues des études de prévalence du VIH, qui ciblent généralement les populations clés, sont le plus souvent utilisées pour déterminer les estimations et les tendances nationales. Les estimations relatives à la taille des populations clés sont calculées dans un nombre croissant de pays. En l’absence d’études disponibles, les estimations sont effectuées sur la base de données provenant de la région concernée et avec l’approbation des experts. D’autres sources de données, y compris les enquêtes en population et le dépistage des femmes enceintes, sont utilisées pour estimer la prévalence du VIH au sein de la population générale. La prévalence du VIH et le nombre de personnes sous traitement antirétroviral sont ensuite utilisés pour définir les tendances nationales du VIH. De plus en plus de pays se servent du nombre de signalements de cas de VIH dédupliqués pour estimer l’incidence du VIH.
Cependant, l’ONUSIDA ne se contente pas de prendre les données des pays sans aucune critique pour les publier. Les fichiers soumis par les pays sont passés en revue par l’ONUSIDA pour veiller à ce que les résultats puissent être comparés entre les régions et les pays et dans le temps.
L’organisation procède également à une validation en continu des résultats donnés par Spectrum par rapport à d’autres données, afin de vérifier le niveau de concordance entre les estimations et la réalité. À titre d’exemple, les chercheurs ont comparé les données de Spectrum avec des données concernant les femmes fréquentant les services prénataux, les données de recensement et les données d’enquêtes en population d’une étude menée à Manicaland, au Zimbabwe. Selon les constatations, les estimations de Spectrum concernant l’incidence et la prévalence du VIH étaient généralement assez proches de ces données, malgré quelques différences.
En 2016, l’ONUSIDA a comparé les quantités de médicaments exportées par les fabricants de médicaments génériques et a constaté que ces chiffres étaient largement similaires aux rapports programmatiques d’usage et de stocks de médicaments dans les pays. En outre, les enquêtes en population menées récemment sur les évaluations d’impact du VIH permettent une comparaison de la couverture de traitement antirétroviral, car elles recueillent des informations auto-rapportées sur l’observance du traitement et visent aussi à mesurer directement la présence de médicaments antirétroviraux dans les échantillons de sang. Dans de nombreux pays, la couverture obtenue confirme la couverture signalée par les données programmatiques ; quand les résultats ne semblent pas concorder, des investigations plus poussées sont effectuées au niveau des établissements. Ces recherches et des exercices de triangulation permettent de rendre les données plus précises et d’affiner le modèle Spectrum.
La concordance des estimations sur l’accès aux médicaments antirétroviraux peut être observée dans les deux graphiques sur le traitement du VIH en Afrique du Sud. Le premier illustre la correspondance proche entre les données sur l’approvisionnement en médicaments antirétroviraux et le nombre de personnes signalées comme ayant accès aux médicaments. Le second montre la concordance entre l’estimation de l’ONUSIDA concernant le pourcentage de personnes vivant avec le VIH ayant accès au traitement anti-VIH et le pourcentage estimé par le Conseil de recherche en sciences humaines d’Afrique du Sud en 2012.
Il existe plusieurs situations dans lesquelles l’ONUSIDA ne publie aucune donnée, en raison de l’incertitude planant sur la qualité de l’information. Par exemple, l’ONUSIDA ne donne pas d’estimations dans certains pays présentant une épidémie concentrée de transmission du VIH de la mère à l’enfant, ni d’estimations du nombre d’enfants vivant avec le VIH, sauf lorsqu’il dispose de données probantes adéquates pour les étayer. Lorsque les données historiques ne vont pas dans le sens des tendances de l’incidence du VIH, l’ONUSIDA ne publie pas les données antérieures. Par ailleurs, l’ONUSIDA ne publie pas non plus d’estimations nationales si des données ou des analyses supplémentaires sont nécessaires pour produire des estimations valables.
L’intégrité des données de l’ONUSIDA est également assurée par une mise à jour annuelle du modèle Spectrum. Le modèle est affiné à mesure que de nouvelles données deviennent disponibles, par exemple des informations actualisées sur les probabilités de la transmission du VIH de la mère à l’enfant, l’âge auquel les enfants démarrent un traitement antirétroviral, les modèles d’infection à VIH par âge et par sexe, l’efficacité du traitement antirétroviral dans la baisse de la mortalité et de l’incidence, etc. Ces changements apportés au modèle peuvent toutefois conduire à des variations dans les estimations aussi bien pour l’année en cours que pour les années passées, avec pour résultat la nécessité de publier un tout nouvel ensemble de données historiques chaque année.
En affinant sans cesse le processus de collecte et de validation des données, l’ONUSIDA fait en sorte que les données qu’il publie continuent d’être appréciées et respectées par les personnes et les organisations qui œuvrent pour en finir avec le sida d’ici à 2030.