Opinion

Santé : un accès gratuit à la santé pour tout le monde et partout

20 mai 2020

Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l’ONUSIDA — Article publié à l’origine dans le World Economic Forum’s Insight Report (mai 2020)

Reconnaître la catastrophe pour la santé publique

Nous avons constaté que la probabilité de mourir de la COVID-19 dans les pays riches est fortement influencée par les déterminants socio-économiques se cachant derrière une mauvaise santé. Les pauvres vivant dans des pays pauvres seront les plus en danger, car davantage susceptibles d’être déjà malades et ces pays comptent des centaines de millions de personnes souffrant de malnutrition ou immunovulnérables. Le quart de la population urbaine mondiale qui vit dans des bidonvilles et de nombreuses personnes réfugiées et déplacées ne peuvent pas appliquer l’éloignement physique ou se laver constamment les mains.

La moitié de la population mondiale n’a pas accès aux soins de base dont elle a besoin même en temps normal. Alors que l’Italie dispose d’un médecin pour 243 habitants, la Zambie n’en a qu’un pour 10 000 personnes. Le Mali dispose de trois respirateurs par million d’habitants. En moyenne, les dépenses annuelles de santé dans les pays à faible revenu sont de 41 $ seulement par personne, soit 70 fois moins que dans les pays à revenu élevé.

La pression que la pandémie exerce sur les établissements de santé ne touchera pas seulement les personnes infectées par la COVID-19, elle aura aussi un impact sur toute personne ayant besoin de soins. Nous avons déjà observé ce phénomène par le passé. L’épidémie d’Ebola en Sierra Leone s’est ainsi accompagnée d’une augmentation de 34 % de la mortalité maternelle et de 24 % du taux de mortinatalité à cause du recul de l’accès aux soins prénatals et postnatals.

L’Organisation internationale du Travail prévoit la destruction de 5 à 25 millions d’emplois et une perte de revenus du travail chiffrée entre 860 et 3 400 milliards de dollars. Une vague d’appauvrissement rendra les traitements inaccessibles à un nombre encore plus élevé de personnes. Aujourd’hui déjà, les redevances empêchent chaque année un milliard de personnes d’accéder aux soins de santé. Cette exclusion des soins vitaux ne nuira pas seulement aux personnes directement touchées, mais elle mettra tout le monde en danger, car il est impossible de contenir un virus si des personnes ne peuvent pas se permettre de se faire dépister ou soigner.

Les confinements sans compensation, dans leur forme la plus rudimentaire, forcent actuellement des millions de personnes à choisir entre se mettre en danger ou mourir de faim. Dans de nombreuses villes de pays en voie de développement, plus de trois quarts des travailleur et travailleuses dépendent du secteur informel et gagnent leur vie au jour le jour. De nombreuses personnes qui resteront chez elles n’auront pas assez à manger et, par conséquent, elles seront beaucoup à ne pas respecter le confinement et à s’exposer au risque d’infection au coronavirus.

Nous assistons par ailleurs à des comportements similaires à ceux de la riposte au sida. Les gouvernements rencontrant des difficultés pour contenir la crise peuvent chercher des boucs émissaires, tels les migrant-es, les minorités, les populations marginalisées. En faisant ainsi, cela complique encore l’accès aux personnes, le dépistage et le traitement pour endiguer le virus. Les pays donateurs quant à eux peuvent se replier sur eux-mêmes en ayant l’impression qu’ils ne peuvent plus se permettre d’aider les autres. Toutefois, comme la COVID-19 est une menace pour tout le monde peu importe où se trouve le virus, cela se fera non seulement au détriment des pays en voie de développement, mais cela augmentera aussi la tâche des pays donateurs.

Et pourtant, malgré la douleur et la peur, cette crise nous offre une chance de faire preuve de leadership audacieux, vertueux et collaboratif pour modifier le cours de la pandémie et de la société.

Saisir la chance pour la santé publique

Contrairement à l’idée reçue qu’une riposte à une crise enlève la capacité nécessaire pour réaliser des réformes de santé importantes, les plus grandes avancées dans ce domaine ont généralement vu le jour en réponse à une crise d’envergure. Il suffit de penser aux systèmes de santé en Europe et au Japon après la Seconde Guerre mondiale ou à la manière dont le sida et la crise financière ont débouché sur la couverture sanitaire universelle en Thaïlande. Au cours de la crise actuelle, les leaders du monde entier ont la possibilité de construire les systèmes de santé qui ont toujours manqué et qui ne peuvent plus attendre.

Couverture sanitaire universelle

Cette pandémie montre également que, dans l’intérêt de tout le monde, les personnes qui ne se sentent pas bien ne devraient pas commencer par compter leurs sous avant de chercher de l’aide. Alors que la lutte continue pour museler une forme virulente de coronavirus, l’abolition immédiate des redevances dans le domaine de la santé est devenue une nécessité extrême.

La gratuité des soins de santé est vitale et pas uniquement pour lutter contre les pandémies : lorsque la République démocratique du Congo a instauré la gratuité des soins en 2018 pour affronter Ebola, la population s’est mise à utiliser beaucoup plus le système de santé à tous les niveaux. Les consultations pour cause de pneumonie et de diarrhée ont plus que doublé et le nombre de naissances à l’hôpital a augmenté de 20 à 50 %. Ces bons résultats ont néanmoins disparu dès que les soins sont redevenus payants. La gratuité des soins mettrait un terme à une tragédie sociale qui voit chaque année 100 millions de personnes tomber dans l’extrême pauvreté à cause des frais de santé.

Comme nous ne disposons pas encore de vaccin contre la COVID-19, tous les pays doivent être en mesure de contenir et d’endiguer ce virus. L’apparition de nouvelles pandémies étant inévitable, chaque pays dans le monde a ainsi besoin d’un système de santé universel solide et ininterrompu.

Les médicaments et les soins modernes financés par le denier public doivent être fournis à tout le monde, peu importe où les personnes vivent. Les gouvernements doivent intégrer aux systèmes publics les services dirigés par les communautés afin de garantir un accès universel. Cette crise révèle aussi que notre santé nécessite que le personnel de santé qui nous protège et s’occupe de nous soit aussi protégé et que l’on s’occupe de lui.

Comme la santé et la subsistance sont étroitement liées, tous les pays devront aussi renforcer leurs systèmes de protection sociale pour améliorer leur résilience. La COVID-19 rappelle au monde entier que nous avons besoin de gouvernements actifs, rendant des comptes et responsables afin de réguler les marchés, réduire les inégalités et apporter les services publics essentiels. Cela marque le grand retour de l'État.

Financer notre santé

Le fardeau de la dette avait déjà conduit de nombreux pays en voie de développement à réaliser des coupes budgétaires concernant la santé publique. Les gouvernements prêteurs, les institutions financières internationales et les acteurs financiers privés doivent prolonger les moratoires de remboursement de la dette annoncé récemment et aller encore plus loin. Ils doivent ainsi reconnaître la couverture sanitaire universelle comme bien public mondial. La proposition faite par la Jubilee Debt Campaign et des centaines d’autres organisations de la société civile met à jour le niveau d’ambition nécessaire.

Les donateurs bilatéraux et les institutions internationales de financement, y compris la Banque mondiale, doivent également proposer des subventions, pas des prêts, afin de lutter contre l’impact social et économique de la pandémie auprès des groupes les plus pauvres et vulnérables, y compris les populations travaillant dans le secteur informel et les groupes marginalisés. L’aide apportée au financement actuel du système de santé des pays en voie de développement doit être renforcée. Doubler les dépenses de santé publique dans les 85 pays les plus pauvres du monde où vivent 3,7 milliards d’habitants coûterait 159 milliards de dollars environ. Cela ne représente même pas 8 % des dernières incitations fiscales des États-Unis. Cela fait plaisir d’entendre les pays donateurs utiliser la rhétorique inspirante et sans détour d’un nouveau Plan Marshall, mais les contributions annoncées à l’heure actuelle ne suffisent pas.

Leadership économique

Le monde économique aussi a besoin d’une nouvelle forme de leadership. Cette dernière doit reconnaître que l’économie dépend de sociétés en bonne santé, ainsi que d’un équilibre sain entre le marché et l’État. Comme l’a souligné Emmanuel Macron, le président français, « ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. » La dernière décennie a en effet vu l’explosion de la commercialisation et de la mercantilisation des systèmes de santé dans le monde. Il faut y mettre un terme.

Comme l’ont indiqué 175 multimillionnaires dans une lettre ouverte publiée lors de la Réunion annuelle du Forum économique mondial de Davos en 2020, l’heure est arrivée pour « les membres de la classe d’êtres humains la plus privilégiée qui ait jamais marché sur la terre » d’apporter leur soutien à des « taxes et impôts plus élevés et plus équitables sur les millionnaires et milliardaires et de contribuer à prévenir l'évasion et la fraude fiscales des particuliers et des entreprises. » Les leaders économiques responsables devraient apporter leur soutien aux réformes de l’impôt sur les entreprises, au niveau national et mondial, ce qui se traduira nécessairement par des taux d’imposition plus élevés, par la perte d’exemptions et par la fermeture des paradis fiscaux et autres niches fiscales.

Malgré les leçons apprises du sida, la monétisation de la propriété intellectuelle a engendré un système de gigantesques monopoles privés, un manque de recherches dans les maladies clés et des prix que la majorité de la population mondiale ne peut s’offrir. Les pays devront avoir recours à toute la flexibilité disponible pour garantir la disponibilité des traitements essentiels pour toute leur population et obtenir de nouvelles règles du jeu qui accordent la priorité à la santé collective sur les profits privés. Un consensus international préalable doit régner sur le fait que tout vaccin ou traitement découvert pour la COVID-19 doit être mis à disposition de tous les pays. La proposition du Costa Rica en faveur d’un « regroupement mondial des brevets » permettrait à toutes les technologies mises au point pour la détection, la prévention, le contrôle et le traitement de la COVID-19 d’être librement disponible. Ainsi, aucune entreprise ni aucun pays ne pourrait s’arroger un monopole. Les pays en voie de développement ne doivent pas être exclus à cause des prix pratiqués ou être relégués en queue de peloton pour obtenir les solutions.

La coopération internationale doit faire peau neuve et elle a besoin pour cela de leadership. La crise de la COVID-19 révèle que notre système multilatéral est injuste, dépassé et incapable de répondre aux défis d’aujourd’hui. À l’avenir, nous affronterons des menaces encore plus terribles que cette pandémie. Seul un multilatéralisme inclusif et juste nous permettra de les surmonter.

Tout le monde a besoin de tout le monde

La pandémie de COVID-19 est simultanément une crise qui aggrave les inégalités existantes et un miroir qui les révèle au grand jour.

La riposte au VIH prouve que seule une approche prenant en compte les droits et l’égalité universelle permettra aux sociétés de dépasser la menace existentielle des pandémies. La couverture sanitaire universelle n’est pas un cadeau que font les riches aux pauvres, mais un droit universel, ainsi qu’un investissement partagé pour notre sécurité et notre bien-être communs.

Mettre à jour

Le recul des nouvelles infections au VIH chez les enfants pâtira peut-être beaucoup de la COVID-19

19 mai 2020

Une modélisation inédite révèle que la pandémie de COVID-19 pourrait avoir un impact considérable sur les nouvelles infections au VIH chez les enfants vivant en Afrique subsaharienne.

Depuis 2010, les nouvelles infections chez les enfants vivant en Afrique subsaharienne ont reculé de 43 %, passant de 250 000 en 2010 à 140 000 en 2018. Cette amélioration est imputable à la bonne couverture des services du VIH à destination des mères et de leurs enfants dans cette région. Toutefois, si la riposte à la COVID-19 venait à gêner ces services, la tendance pourrait s'inverser. Une limitation de ces services pendant six mois s’accompagnerait ainsi d’une hausse brutale des nouvelles infections au VIH chez les enfants, par exemple de 83 % au Mozambique, de 106 % au Zimbabwe, de 139 % en Ouganda et de 162 % au Malawi.

Dans les années 1990 et au début des années 2000, on recensait 30 000 nouvelles infections annuelles au VIH chez les enfants (de 0 à 14 ans) en Ouganda. La distribution d’antirétroviraux pour empêcher la transmission de la mère à l’enfant est passée de tout juste 9 % des mères enceintes vivant avec le VIH en 2004 à plus de 95 % en 2014 et ce niveau élevé de couverture est resté constant depuis lors. Les nouvelles infections au VIH chez les enfants (de 0 à 14 ans) ont atteint un pic en 2014 avec 11 000 contaminations estimées. Elles ont depuis décliné jusqu'à 7 500 cas en 2018. Cependant, la COVID-19 pourrait réduire ces progrès à néant.

 

Risque d'augmentation importante des nouvelles infections au VIH chez les enfants vivant en Afrique subsaharienne
Augmentation du taux de nouvelles infections au VIH chez les enfants

 

Impact possible de la COVID-19 sur les infections infantiles au VIH en Ouganda
Nombre de nouvelles infections au VIH chez les enfants, Ouganda, 1990-2018

Press Statement

L’ONUSIDA enjoint aux gouvernements de garantir la reconnaissance des organisations communautaires fournissant des services liés au VIH en tant que prestataires de services essentiels à l’heure de la COVID-19

GENÈVE, le 18 mai 2020—La crise de la COVID-19 a rendu plus important que jamais l'un des piliers de la riposte au VIH : la prestation de services de santé par les communautés. Alors que les besoins des membres des communautés marginalisées et la charge de travail du secteur de la santé s’accroissent, il est primordial d'assurer la continuité des services de santé liés au VIH, à la tuberculose et à d’autres infections.  Dans le monde entier, les organisations communautaires sont une bouée de sauvetage pour les populations défavorisées, marginalisées et avec lesquelles il est difficile d’établir un contact.

Les restrictions liées à la distanciation sociale compliquent considérablement la vie des personnes ayant besoin d’accéder à des services essentiels, ce qui augmente la charge incombant aux organisations communautaires qui sont au cœur de la fourniture de services.

L’ONUSIDA reconnaît que les organisations communautaires disposent d’une expérience inégalée pour ce qui est d’élaborer et de fournir une réponse à des crises sanitaires et concernant les droits humains au sein de leurs communautés. Les nombreux réseaux et groupes dirigés par une communauté qui ont vu le jour pour lutter contre le VIH disposent d’une profonde expérience pratique, de capacités organisationnelles et d’un accès irremplaçable à leur communauté. Ils sont ainsi en mesure d’apporter plus facilement une aide vitale et d’influencer les comportements au quotidien de leurs membres en matière de protection de la santé.

Les réseaux et les organisations communautaires ont également instauré des relations de travail importantes et assurent des fonctions au sein des systèmes communautaires et de santé en endossant par exemple un rôle de coordination et en acceptant des tâches déléguées. Comme la situation le montre dans de nombreux pays, ces compétences peuvent être utilisées, en leur apportant un soutien adapté, afin de fournir plus aisément des informations, des formes de prévention et un dépistage, ou de renvoyer vers des soins pour la COVID-19. Mais, sans reconnaissance officielle de la nature essentielle de leur travail, ces organisations sont confrontées à des obstacles considérables lorsqu’elles cherchent à poursuivre leur activité. L’ONUSIDA juge indispensable pour la riposte à la COVID-19 et pour la limitation des impacts sanitaires au sens large de la pandémie que les organisations communautaires ne soient pas laissées pour compte lorsqu’elles cherchent à assurer sans interruption leur mission de fournir des services essentiels. Elles doivent obtenir des équipements de protection et un cadre légal solide nécessaires à leur action. 

Le rôle de ces organisations doit être reconnu à sa juste valeur et leur activité doit être soutenue à l’heure de la COVID-19. Elles doivent être prises en compte dans tous les aspects de la planification, de la conception et de la mise en œuvre des interventions visant aussi bien à lutter contre la COVID-19 qu’à réduire l’impact du coronavirus pour d’autres problématiques de santé, y compris le VIH et la tuberculose. L’ONUSIDA demande aux cellules de crise à la COVID-19 au niveau national et local de prendre en particulier et en priorité les décisions suivantes :

  • Inclure le personnel des services de santé dirigés par des communautés dans les listes de prestataires de services essentiels et ne pas faire de distinction avec les autres prestataires de santé.
  • Penser les restrictions et les règles de distanciation sociale de manière à ce qu’elles n’empêchent pas les services dirigés par des communautés de continuer de fonctionner sans danger. Les services essentiels comprennent, sans s’y limiter, la fourniture en personne de services de santé pour le VIH, la tuberculose, la COVID-19 et autre. Cela inclut des produits de prévention comme : les préservatifs, les lubrifiants, les aiguilles stériles et le traitement de substitution aux opiacés, les moyens de contraception, les kits d’hygiène et de dépistage, les médicaments, le triage et le renvoi vers des soins, l’aide au suivi d’un traitement, les rations alimentaires et autres produits de première nécessité, la fourniture de services juridiques et la protection des survivant-es de violences basées sur le genre ou d’autres formes de violences et de discriminations. Accorder une attention particulière aux personnes ayant un handicap.
  • Délivrer une autorisation spéciale aux prestataires de services communautaires en question, ainsi que les équipements de protection individuelle adaptés, afin qu’ils puissent apporter leurs services là et quand ils sont demandés.
  • Garantir que les organisations, réseaux et groupes dirigés par une communauté obtiennent des équipements de protection individuelle et une formation afin d’assurer leur protection et celle de leur clientèle.
  • Prendre des mesures urgentes pour garantir la sécurité et le renforcement des financements existants destinés aux organisations dirigées par des communautés afin qu’elles puissent continuer à fournir leurs services.
  • Garantir la gouvernance inclusive et transparente des ripostes à la COVID-19, avec des organes décisionnaires qui réservent une place aux représentant-es d’organisations communautaires, y compris celles se concentrant sur les problématiques du genre, de l’égalité et des droits humains, afin de garantir que les décisions prises concernant la COVID-19 sont pensées pour aider les prestataires et les activités nécessaires dans toute leur diversité en vue d’apporter une riposte efficace et juste.

Notre action

Feature Story

Reconnaître l’action des personnes transgenres

14 mai 2020

En temps normal, l’Humsafar Trust n’apporte pas d’aide humanitaire, mais la COVID-19 a changé la donne.

Quelques jours après l’entrée en vigueur des mesures de confinement en Inde, les équipes de l’Humsafar Trust ont commencé à recevoir des appels désespérés de personnes qui n’avaient nulle part où aller et aucun revenu, explique Vivek Anand, le directeur exécutif de cette organisation non gouvernementale indienne de Mumbai qui soutient la communauté lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre et intersexuée (LGBTI). L’équipe s’est alors réunie de toute urgence pour décider de la marche à suivre. « Après avoir cherché pendant longtemps à évaluer les besoins d’une manière ou d’une autre, nous sommes tombés d’accord sur une chose : commencer par fournir une aide alimentaire », continue-t-il.

Les membres de l’ONG ont mis de l’argent en commun pour acheter de la nourriture et d’autres produits de première nécessité.

Ils se sont ensuite rendus au sein de leurs communautés et ont annoncé que l’Humsafar Trust avait lancé un fonds d’urgence pour la COVID-19. En trois jours, plus de 700 personnes ont demandé de l’aide. « Grâce aux dons venant de communautés, d’alliés, d’entreprises et de certains organismes donateurs, nous avons aidé plus de 2 000 personnes en leur fournissant de la nourriture, un accès à des soins médicaux, comme des antirétroviraux, une aide financière et en leur permettant de faire une demande d’aide au gouvernement », indique fièrement M. Anand alors que son climatiseur souffle des vagues d’air frais à travers le petit bureau à son domicile.

Il a l’impression que la riposte à la pandémie oublie la communauté LGBTI. « La situation socioéconomique de 70 % des membres de notre communauté est précaire sans aucune épargne », poursuit-il.

L’Humsafar Trust dédie son action en particulier aux personnes transgenres, qui, selon M. Anand, sont les plus touchées. « Non seulement elles disposent en temps normal de faibles revenus pour assurer leur subsistance, mais beaucoup d’entre elles n’ont pas de papiers d’identité, si bien qu’elles n’existent pas aux yeux des autorités qui distribuent des aides », continue M. Anand.

Le confinement est source de difficultés financières et se traduit également par du stress psychologique. M. Anand raconte qu’un des membres de son équipe transgenre au sein de l’Humsafar Trust ne peut pas dire son nom lors des actions sur le terrain, car elle vit avec ses parents qui considèrent qu’elle est un garçon. D’autres sont soumis à des pressions pour se marier, ou encore sont victimes de mauvais traitements et de violences.

Debout devant un magasin de légumes afin que son téléphone capte mieux, Shreya Reddy déclare avoir toujours voulu être femme. Elle n’a jamais renoncé malgré le fait d’être née garçon et d’être la cible constante de brimades et de moqueries. À 13 ans, elle fugue pour rejoindre une communauté hijra composée en majorité de personnes transgenres. Quatre ans plus tard, elle commence sa transition sexuelle grâce à l’argent qu’elle gagne en tant que professionnelle du sexe. Plus tard, continue Mme Reddy, elle se rend compte qu’elle doit étudier si elle veut s’en sortir. Son diplôme de travailleuse sociale et son expérience la mènent à l’Humsafar Trust où elle devient éducatrice et travailleuse de proximité auprès des personnes dans sa situation. La COVID-19 a eu un impact sur sa vie à plusieurs titres.

« C’était horrible, je ne pouvais plus obtenir mes hormones, j’ai perdu du poids et je saignais », explique-t-elle avant d’ajouter que le confinement empêche de faire les visites de contrôle régulières chez les gynécologues. « Et ma communauté n’arrive pas à comprendre toutes les règles et le jargon scientifique. Pour faire simple, beaucoup de personnes comme moi rencontrent d’énormes difficultés que ce soit pour payer leur loyer ou acheter le strict minimum », dit Mme Reddy.

Et d’ajouter en parlant de plus en plus vite : « ces personnes n’ont pas reçu une grande éducation, elles ont peur et la méfiance règne. »

L’état de santé de Mme Reddy s’est amélioré depuis et elle indique s’impliquer totalement dans son action sur le terrain. Une femme transgenre de sa communauté lui a dit après avoir perdu tous ses revenus : « mieux vaut mourir. » « Je m’émancipe en parlant aux gens », déclare-t-elle. « Nous sommes toutes et tous si vulnérables et, comme nous sommes une population à faible revenu, nous avons besoin d’aide. »

Le rapport Vulnerability amplified: the impact of the COVID-19 pandemic on LGBTIQ people publié récemment par OutRight Action International révèle que les répercussions du virus et des mesures de confinement sont amplifiées chez les personnes LGBTI dans le monde par rapport au reste de la population. Jessica Stern, la directrice exécutive d’OutRight, a déclaré : « Pour nous, la situation est grave. Je crains la mort de nombreux membres de la communauté LGBTI parce que nous affrontons davantage de vulnérabilité. »

Montrant derrière elle les vendeuses et vendeurs sur le marché, Mme Reddy raconte : « Je les aide aussi à comprendre comment utiliser les masques et les désinfectants. J’aide tout le monde, mais j’ai peur de l’avenir. »

M. Anand abonde en son sens. Il doit prolonger le fonds d’urgence jusqu’au mois d'août.

« Chaque jour apporte un nouveau défi », soupire-t-il. Toutes ses équipes qui sillonnent habituellement les rues ne peuvent pas travailler en ligne. En plus, il souligne qu’un nombre croissant de personnes choisit la clandestinité, ce qui ne facilite pas la prise de contact.

Se souvenant de sa jeunesse, il explique qu’il s’est assumé sur le tard. « Je ne connaissais personne qui était gay », se rappelle-t-il. Lorsque sa relation secrète a pris fin au bout de neuf ans, il n’avait personne à qui parler. Il s’est alors senti seul et abandonné. « À partir de cet instant, l’Humsafar Trust est devenu ma maison et ma famille. » Il ajoute qu’il ne souhaite juger personne au cours de cette période difficile et il répète que son devoir consiste en priorité à aider les autres.

Mais ce qu’il veut vraiment, c’est que l’action de la communauté transgenre dans la riposte à la COVID-19 ne reste pas dans l’ombre. « Il faut lui donner une voix, la rendre visible et lui accorder la place qui lui revient », conclut-il.

Notre action

Region/country

Press Release

Des dirigeant-e-s du monde entier s’unissent pour réclamer un vaccin universel contre le COVID-19

Plus de 140 dirigeant-e-s et expert-e-s du monde entier, dont le Président de l’Afrique du Sud et Président de l’Union africaine, Cyril Ramaphosa, le Premier Ministre du Pakistan, Imran Khan, le Président de la République du Sénégal, Macky Sall et le Président de la République du Ghana, Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, ont signé une lettre ouverte appelant tous les gouvernements à s’unir en faveur d’un vaccin universel contre le COVID-19. Cet appel a été lancé quelques jours seulement avant la réunion virtuelle des ministres de la Santé à l’occasion de l’Assemblée mondiale de la santé, qui se tiendra le 18 mai.

Dans cette lettre, qui constitue la prise de la position politique la plus ambitieuse à ce jour sur un vaccin contre le COVID-19, les dirigeant-e-s exigent que tous les vaccins, traitements et tests soient produits en masse, libres de brevet, distribués sur un pied d’égalité et mis gratuitement à la disposition de toute la population, et ce dans tous les pays.

Parmi les autres signataires figurent l’ancienne Présidente du Libéria, Ellen Johnson Sirleaf, l’ancien Premier Ministre du Royaume-Uni, Gordon Brown, l’ancien Président du Mexique, Ernesto Zedillo, ainsi que l’ancienne administratrice du Programme des Nations Unies pour le développement et ancienne Première Ministre de la Nouvelle-Zélande, Helen Clark.

Ces personnalités se joignent à d’éminent-e-s économistes, défenseur-e-s de la santé et autres dignitaires, comme Mary Robinson, présidente du groupe des « Global Elders » et ancienne Présidente de l’Irlande, Joseph Stiglitz, lauréat du prix Nobel, Moussa Faki, Président de la Commission de l'Union africaine, John Nkengasong, directeur des Centres africains de contrôle et de prévention des maladies, et Dainius Pūras, Rapporteur Spécial des Nations Unies sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible.

« À l’heure actuelle, des milliards de personnes attendent un vaccin, qui est notre plus grand espoir de mettre fin à cette pandémie », a déclaré Cyril Ramaphosa, président de l’Afrique du Sud. « En tant que pays d’Afrique, nous sommes déterminés à faire en sorte que le vaccin contre le COVID-19 soit mis au point et distribué rapidement, exempt de brevets et gratuit pour tou-te-s. Toutes les avancées scientifiques doivent être partagées entre les gouvernements. Personne ne doit se voir relégué au dernier rang de la file d’attente pour le vaccin du fait de son lieu de résidence ou de ses revenus ».

« Il nous faut travailler ensemble pour vaincre ce virus. Nous devons mettre en commun toutes les connaissances, l’expérience et les ressources à notre disposition pour le bien de l’humanité toute entière », a déclaré Imran Khan, Premier Ministre du Pakistan. « Les dirigeant-e-s du monde ne sauraient trouver le repos tant que chaque individu, dans chaque pays, n’est pas en mesure de bénéficier rapidement et gratuitement d’un vaccin ».

Cette lettre, coordonnée par ONUSIDA et Oxfam, met en garde contre le fait que le monde ne peut se permettre d’ériger des barrières (comme les monopoles et la concurrence) faisant obstacle à la nécessité universelle de sauver des vies.

« Nous sommes confronté-e-s à une crise sans précédent qui exige une réponse sans précédent », a déclaré l’ancienne Présidente du Liberia, Ellen Johnson Sirleaf. « En tirant des leçons de la lutte contre le virus Ebola, les gouvernements doivent lever tous les obstacles à la mise au point et au déploiement rapide des vaccins et des traitements. Aucun intérêt n’est plus grand que le besoin universel de sauver des vies. »

Les dirigeant-e-s ont noté que des progrès sont faits et qu’une coopération multilatérale s’est instaurée entre de nombreux pays et organisations internationales en matière de recherche et de développement, de financement et d’accès. Citons notamment les 8 milliards de dollars US recueillis par l’Union européenne en promesses de dons, à l’occasion de son appel international lancé le 4 mai.

Toutefois, alors que de nombreux pays et entreprises avancent à un rythme sans précédent vers la mise au point d’un vaccin efficace, les dirigeant-e-s demandent des engagements concrets pour faire en sorte que ce futur vaccin soit abordable et disponible pour tou-te-s dans les plus brefs délais. Ces engagements sont les suivants :

  • Une mise en commun obligatoire au niveau mondial des brevets et le partage de la totalité des connaissances, des données et des technologies en relation avec le COVID-19, afin de garantir que tout pays puisse produire ou acheter à un prix abordable des doses de vaccins, des traitements et des tests.
  • La mise en place rapide d’un plan mondial de fabrication et de distribution équitable de tous les vaccins, traitements et tests, entièrement financé par les pays riches et garantissant des « prix coûtants réels » en toute transparence ainsi qu’un approvisionnement fondé sur les besoins, plutôt que sur la capacité à payer.
    • Cela impliquerait de prendre des mesures urgentes pour accroître considérablement les capacités de fabrication afin de produire les vaccins en quantité suffisante, ainsi que de former et recruter des millions de professionnel-le-s de la santé pour les distribuer.
  • La garantie que les vaccins, les traitements et les tests du COVID-19 seront mis gratuitement à la disposition de toute la population, partout dans le monde, en accordant la priorité aux travailleurs/ses les plus exposé-e-s, aux personnes vulnérables et aux pays pauvres qui ont des capacités moindres pour sauver des vies.

« Face à cette crise, nous ne pouvons pas continuer comme si de rien n’était. La santé de chacun-e d’entre nous dépend de celle de tou-te-s les autres », a déclaré Helen Clark, ancienne Première Ministre de Nouvelle-Zélande. « Le vaccin contre le COVID-19 ne doit appartenir à personne et doit être gratuit pour tout le monde. Sur le plan diplomatique, les formules creuses ne suffisent pas : nous avons besoin de garanties juridiques, et ce sans attendre ».

« Les solutions du marché ne sont pas appropriées pour lutter contre une pandémie », a déclaré Nelson Barbosa, ancien ministre des Finances du Brésil. « Un système de santé publique, comprenant une vaccination et une prise en charge gratuites dès qu’elles sont disponibles, est essentiel pour faire face au problème, comme le montre l’expérience brésilienne en matière de licences obligatoires pour les médicaments antirétroviraux dans le cas du VIH ».

Ensemble pour un vaccin universel contre le COVID-19 — lettre ouverte et liste complète de signataires.

Contact

UNAIDS Geneva
Sophie Barton-Knott
tel. +41 79 514 68 96
bartonknotts@unaids.org
Oxfam
Anna Ratcliff
tel. +44 7796 993288
anna.ratcliff@oxfam.org
Oxfam
Annie Theriault
tel. +51 936 307 990
annie.theriault@oxfam.org

S’unir pour un vaccin pour tou-te-s contre le COVID-19

Feature Story

La COVID-19 dans les prisons, une bombe à retardement

13 mai 2020

Avec plus de 11 millions de personnes incarcérées dans le monde et 30 millions entrant et sortant de détention chaque année, la menace de la COVID-19 pour les individus en prison est une réalité. L’éloignement physique n’est tout bonnement pas une option dans la vaste majorité des prisons et des centres de détention du monde qui sont confrontés à la surpopulation et à un manque de financements. La population carcérale et le personnel vivent dans une peur constante de l’arrivée de la COVID-19 dans les milieux où la promiscuité, le partage d’équipements et d’espaces, mais aussi le manque d’hygiène sont monnaie courante.

« Une riposte sanitaire à la COVID-19 dans les prisons ne suffit pas. Cette situation d’urgence mondiale sans précédent nécessite une riposte fondée sur les droits humains », a déclaré Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l’ONUSIDA. « Les pays doivent garantir à tout moment non seulement la sécurité, mais aussi la santé, la protection et la dignité humaine des personnes privées de leur liberté, indépendamment du niveau de l’état d’urgence. »

L’ONUSIDA, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, l’Organisation mondiale de la Santé et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime appellent les autorités à utiliser la détention en dernier recours, à fermer les centres de rééducation des toxicomanes et à dépénaliser le commerce du sexe, les relations sexuelles entre personnes du même sexe et la consommation de drogues. Ces institutions enjoignent aux pays de libérer les individus pouvant l’être et de prendre en compte la fragilité face à la COVID-19, comme c'est le cas des personnes âgées ou présentant des problèmes de santé. Par ailleurs, les gouvernements devraient réfléchir à libérer d’autres groupes, dont les condamné(e)s pour des délits mineurs ou n’impliquant pas de violence, les femmes enceintes et allaitantes ainsi que les enfants.

Des pays commencent toutefois à prendre des actions alors que nous entendons parler de personnes incarcérées terrifiées cousant des masques de fortune. Le gouvernement éthiopien, par exemple, a libéré plus de 30 000 individus de ses prisons et a renforcé les mesures d’hygiène. L’Indonésie est en train de remettre en liberté plus de 50 000 personnes, notamment 15 000 qui étaient derrière les barreaux pour des délits liés aux drogues. La République islamique d’Iran, quant à elle, libère actuellement 40 % de sa population carcérale, soit 100 000 personnes, alors que le Chili est prêt à en relâcher 50 000 environ.

Déclaration commune de l’ONUDC, de l’OMS, de l’ONUSIDA et du HCDH sur la COVID-19 dans les prisons et autres milieux fermés

Notre action

Press Statement

Déclaration commune de l’ONUDC, de l’OMS, de l’ONUSIDA et du HCDH sur la COVID-19 dans les prisons et autres milieux fermés*

Ghada Fathi Waly, Directrice exécutive, ONUDC; Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général, OMS; Winnie Byanyima, Directrice exécutive, ONUSIDA; Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. — * Nous remercions le PNUD pour sa contribution à cette déclaration.

D'une seule voix, nous, dirigeantes et dirigeants d’institutions mondiales de la santé, des droits humains et du développement, attirons l’attention des responsables politiques sur l'urgence de la vulnérabilité accrue des personnes incarcérées et autres personnes privées de liberté face à la pandémie de COVID-19. Nous les exhortons à prendre toutes les mesures de santé publique adaptées en respectant cette population vulnérable qui fait partie de nos communautés.

Nous avons conscience que le risque de voir la COVID-19 pénétrer dans les prisons ou d’autres places de détention varie selon les pays, mais nous soulignons le besoin de minimiser l’apparition de la maladie dans ces milieux et de garantir la mise en place de mesures préventives adéquates selon une approche tenant compte du genre et empêchant des épidémies à grande échelle de la COVID-19. Nous insistons de même sur le besoin d’instaurer un système de coordination moderne qui rassemble les secteurs de la santé et de la justice, garantit que le personnel carcéral soit suffisamment informé et assure le respect des droits humains dans ces milieux.

Réduire la surpopulation carcérale

Une riposte sanitaire portant uniquement sur la COVID-19 dans des environnements clos ne suffit pas au vu de la surpopulation carcérale qui règne dans beaucoup de prisons et d’autres milieux carcéraux. Cette situation nuit à l’hygiène, à la santé, à la sécurité, ainsi qu’à la dignité humaine. La surpopulation constitue un obstacle insurmontable pour prévenir, anticiper ou riposter à la COVID-19.

Nous enjoignons aux responsables politiques de réfléchir à limiter la privation de la liberté, y compris la détention provisoire, uniquement en cas d’extrême nécessité, en particulier en cas de surpopulation carcérale, et de renforcer les efforts pour recourir à des mesures ne se traduisant pas par la privation de liberté. Ces efforts devraient comprendre des mécanismes de libération des personnes exposées à un risque spécial face à la COVID-19, comme les personnes âgées et celles ayant déjà des problèmes de santé, ainsi que toutes les autres personnes qui pourraient être relâchées sans mettre en danger la sécurité publique, comme celles condamnées pour des délits mineurs ou n’ayant pas impliqué de violence, en accordant une attention particulière aux femmes et aux enfants.

Une riposte rapide et ferme visant à garantir une incarcération saine et sans danger et à réduire la surpopulation s'impose pour limiter le risque de pénétration et de propagation de la COVID-19 dans les prisons et autres milieux de privation de liberté. Il est d’une importance capitale d’améliorer la propreté et l’hygiène dans les milieux de privation de liberté afin d’empêcher la pénétration ou de limiter la propagation du virus.

Il faudrait fermer les centres de détention et de rééducation obligatoires où sont détenues, sans aucune forme de procès, pour des soins ou une réinsertion, les personnes suspectées de consommer de la drogue ou d’être impliquées dans le commerce du sexe. Aucune preuve n’existe de l’efficacité de tels centres pour soigner une forme de toxicomanie ou pour réinsérer des personnes. Par ailleurs, la détention de personnes dans de tels établissements pose des questions sur le respect des droits humains et menace la santé des personnes détenues, ce qui augmente les risques d’épidémie de COVID-19.

Garantir la santé, la sécurité et la dignité humaine

Nous demandons à tous les États de garantir sans discontinuer non seulement la sécurité, mais aussi la santé, la sécurité et la dignité humaine des personnes privées de liberté et de celles travaillant dans l’univers carcéral. Cette obligation s’applique quel que soit le niveau d’état d’urgence et implique également des conditions de vie et de travail décentes ainsi que l’accès gratuit aux services de santé nécessaires. Aucune discrimination motivée par le statut légal ou autre des personnes privées de liberté n'est tolérable. Les soins de santé en prison, notamment les soins préventifs, de soutien et curatifs, doivent être de la meilleure qualité possible et au moins correspondre à ceux fournis au sein de la population. Les ripostes prioritaires à la COVID-19 mises actuellement en place dans la population, comme l’hygiène des mains et l’éloignement physique, sont souvent fortement entravées ou impossibles à respecter dans les milieux fermés.

Garantir la continuité des services de santé

Au sein des populations carcérales, les personnes ayant des problèmes de drogue, vivant avec le VIH, la tuberculose et l’hépatite B et C sont surreprésentées par rapport au reste de la population. Le taux d’infection aux maladies est ainsi beaucoup élevé au sein d’une telle population confinée que parmi la population générale. Outre l’infectivité normale de la pandémie de COVID-19, les personnes ayant des problèmes de drogue, vivant avec le VIH, une hépatite et la tuberculose sont plus exposées à des complications liées au coronavirus.

Afin de préserver l’amélioration de la santé par un traitement commencé avant ou pendant l’incarcération, des précautions doivent être prises, en collaboration étroite avec les autorités de santé publique, en vue de permettre aux personnes de continuer leur traitement sans interruption à toutes les étapes de leur détention et après leur libération. Nous recommandons que les pays suivent une approche de système de santé qui ne sépare pas les prisons du parcours de continuité des soins, mais les intègrent aux services de santé fournis à la population.

Par conséquent, il est nécessaire d’améliorer les mesures de prévention et de contrôle en milieu fermé, ainsi que l’accès à des services de santé de qualité, ce qui comprend un accès ininterrompu à la prévention et au traitement du VIH, de la tuberculose, de l’hépatite et de la dépendance aux opiacés. Les autorités doivent ainsi garantir l’accès et l’approvisionnement ininterrompus de produits sanitaires de qualité dans les prisons et les autres établissements de détention. Le personnel carcéral et de santé ainsi que les prestataires de service travaillant dans des milieux fermés doivent être reconnus en tant que personnel essentiel à la riposte à la pandémie de COVID-19 et recevoir un équipement de protection individuelle adapté et l’aide nécessaire.

Respecter les droits humains

Dans leur riposte à la COVID-19 dans des milieux fermés, les États doivent respecter les droits humains des personnes privées de liberté. Les restrictions éventuellement promulguées doivent être nécessaires, étayées par des données probantes, proportionnées (autrement dit, choisir l’option la moins restrictive) et non arbitraires. Les perturbations engendrées par de telles mesures doivent être réduites activement. Il s’agira par exemple de faciliter l’accès aux téléphones et aux formes numériques de communication si les visites sont limitées. Par ailleurs, il faut continuer de respecter totalement certains droits fondamentaux des personnes privées de liberté et les protections correspondantes, y compris le droit à une représentation légale, ainsi que de permettre à des organismes externes d’inspection d’accéder aux établissements de privation de liberté.

Respecter les règles et les directives des Nations Unies

Nous appelons les responsables politiques à élaborer et mettre en place des mesures préparatoires et des ripostes à la COVID-19 dans les milieux fermés en respectant les droits humains fondamentaux. Ces mesures et ripostes doivent s’appuyer sur les directives et règles de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et ne doivent jamais autoriser la torture ou tout autre traitement ou châtiment cruel, inhumain ou dégradant. Dans les prisons, toutes les interventions devraient respecter l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenu(e)s (les Règles Nelson Mandela).

Les personnes privées de liberté présentant des symptômes de la COVID-19 ou qui ont été déclarées positives doivent faire l’objet d’un suivi et être soignées en respectant les dernières directives et les recommandations en vigueur émanant de l’OMS. Les prisons et les autres établissements de détention doivent être intégrés aux plans nationaux concernant la COVID-19 en impliquant spécialement les populations touchées. Tous les cas de COVID-19 en milieu fermé doivent être signalés aux autorités de santé publique responsables qui les répercuteront aux autorités nationales et internationales.

En vertu de nos mandats, nous affirmons notre disponibilité pour apporter de l’aide au déploiement rapide des recommandations énoncées ci-dessus.

Press Release

Le coût de l'inaction : la perturbation des services liée à la COVID-19 pourrait entraîner des centaines de milliers de décès supplémentaires dus au VIH

Les progrès réalisés en matière de prévention de la transmission mère-enfant du VIH pourraient être remis en cause, du fait de l’augmentation de 104 % des nouvelles infections par le VIH chez les enfants.

GENÈVE, 11 mai 2020 - Un groupe de modélisation convoqué par l'Organisation mondiale de la Santé et l'ONUSIDA a estimé que si des efforts ne sont pas déployés pour atténuer et surmonter les effets de la perturbation des services de santé et de l’approvisionnement en fournitures sanitaires pendant la pandémie de COVID-19, une interruption de six mois d’un traitement antirétroviral pourrait entraîner plus de 500 000 décès supplémentaires dus à des maladies liées au sida, y compris la tuberculose, en Afrique subsaharienne, en 2020-2021. Selon les estimations, en 2018, 470 000 décès dus à des maladies liées au sida avaient été enregistrés dans la région.

Il existe différentes raisons susceptibles d’entraîner une interruption des services. Cet exercice de modélisation montre clairement que les communautés et les partenaires doivent agir dès maintenant car l'impact d'une interruption de six mois d’un traitement antirétroviral pourrait effectivement provoquer un retour en arrière à l’année 2008 au cours de laquelle plus de 950 000 décès liés au sida ont été enregistrés dans la région. Par ailleurs, un grand nombre de décès continuerait à être observés du fait de cette interruption, et ce pendant au moins les cinq années suivantes, avec un nombre annuel moyen plus important de décès s’élevant à 40 % au cours des cinq prochaines années. En outre, l'interruption des services liés au VIH pourrait également avoir un certain impact sur l'incidence du VIH au cours de l'année prochaine.

« La terrible perspective de voir un demi-million de personnes supplémentaires en Afrique mourir de maladies liées au sida équivaut à un retour en arrière dans l'histoire », a déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l'Organisation mondiale de la Santé.

« Nous devons interpréter ceci comme un signal d’alarme à l’intention des pays afin qu'ils définissent des moyens de maintenir l’ensemble des services de santé vitaux. Concernant le VIH, certains pays prennent déjà des mesures importantes, par exemple en veillant à ce que les patients puissent retirer, aux points de dépôt, de grandes quantités de médicaments et d'autres produits essentiels, notamment des kits d'autodépistage, ce qui permet de réduire la pression exercée sur les services et personnels de santé. Nous devons également faire en sorte que l'offre mondiale de tests et de traitements continue d'affluer vers les pays qui en ont besoin », a ajouté le Dr Tedros.

En Afrique subsaharienne, on estime que 25,7 millions de personnes vivaient avec le VIH et que 16,4 millions (64 %) étaient sous traitement antirétroviral en 2018. Ces personnes risquent aujourd'hui de voir leur traitement interrompu car les services de lutte contre le VIH sont fermés ou dans l’incapacité de fournir des traitements antirétroviraux en raison des perturbations dans la chaîne d'approvisionnement ou tout simplement car les services sont submergés du fait des besoins concurrents en appui à la riposte à la COVID-19.

« La pandémie de COVID-19 ne doit pas être une excuse pour détourner les investissements de la lutte contre le VIH », a déclaré Mme Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l'ONUSIDA. « Ces acquis remportés de haute lutte contre le sida risquent d’être sacrifiés au profit de la lutte contre la COVID-19, mais le droit à la santé signifie qu'aucune maladie ne doit être combattue aux dépens d’une autre ».

Lorsque le traitement est observé, la charge virale du VIH baisse à un niveau indétectable, ce qui permet de maintenir les personnes atteintes en bonne santé et d’empêcher la transmission du virus. Lorsqu'une personne n’est pas en mesure de prendre régulièrement un traitement antirétroviral, la charge virale augmente, ce qui a une incidence sur la santé de la personne et peut au bout du compte entraîner la mort. Des interruptions de traitement relativement courtes peuvent aussi avoir un impact négatif majeur sur la santé d'une personne et sur la possibilité de transmission du VIH.

Dans le cadre de cette recherche, cinq équipes de spécialistes de la modélisation ont été réunis, et différents modèles mathématiques ont été utilisés pour analyser les effets de diverses perturbations possibles des services de dépistage, de prévention et de traitement du VIH causées par la COVID-19.

Chaque modèle a examiné l'impact potentiel d'une interruption de traitement d’une durée de trois ou six mois sur la mortalité due au sida et l'incidence du VIH en Afrique subsaharienne. Dans le scénario d’une interruption de six mois, les estimations du nombre de décès supplémentaires liés au sida qui seraient enregistrés en une année allaient de 471 000 à 673 000, par conséquent, de toute évidence, le monde n’atteindra pas la cible mondiale d’ici à 2020, consistant à parvenir à moins de 500 000 décès liés au sida à l’échelle mondiale

Des interruptions plus courtes, de trois mois, auraient un impact réduit mais toutefois significatif sur les décès dus au VIH. Des interruptions plus sporadiques de l'approvisionnement en traitements antirétroviraux entraîneraient une observation sporadique du traitement, et ainsi une propagation de la résistance aux médicaments contre le VIH, avec des conséquences à long terme concernant les futurs succès en matière de traitement dans la région.

Des services perturbés pourraient également inverser la tendance eu égard aux progrès accomplis en matière de prévention de la transmission mère-enfant du VIH. Depuis 2010, les nouvelles infections par le VIH chez les enfants en Afrique subsaharienne ont diminué de 43 %, passant de 250 000 en 2010 à 140 000 en 2018, grâce à la forte couverture par les services de lutte contre le VIH pour les mères et leurs enfants dans la région. Une diminution de la fourniture de ces services du fait de la COVID-19 pendant six mois pourrait entraîner une augmentation considérable des nouvelles infections par le VIH chez les enfants, jusqu'à 37 % au Mozambique, 78 % au Malawi, 78 % au Zimbabwe et 104 % en Ouganda.

Parmi les autres incidences significatives de la pandémie de COVID-19 sur la lutte contre le sida en Afrique subsaharienne susceptibles d’entraîner un taux de mortalité plus élevé, figurent notamment la baisse de la qualité des soins cliniques en raison de la surcharge de la capacité des établissements de santé et de la suspension des tests de dépistage de la charge virale, la réduction des services de conseils fournis en matière d’observation des traitements et les modifications des schémas thérapeutiques. Chaque modèle a également pris en compte la mesure dans laquelle une interruption des services de prévention, notamment la suspension de la circoncision masculine médicale volontaire, l'interruption de la disponibilité de préservatifs et la suspension des tests de dépistage du VIH, aurait un impact sur l'incidence du VIH dans la région.

Les résultats des travaux de recherche soulignent la nécessité de déployer des efforts urgents pour garantir la continuité des services de prévention et de traitement du VIH afin d'éviter une augmentation des décès dus au VIH et de prévenir une incidence accrue du VIH pendant la pandémie de COVID-19. Il sera important que les pays accordent la priorité au renforcement des chaînes d'approvisionnement, qu’ils veillent à ce que les personnes déjà sous traitement puissent continuer à en bénéficier, notamment grâce à l’adoption ou au renforcement de politiques telles que la délivrance sur plusieurs mois d’antirétroviraux afin de réduire les exigences en matière d'accès aux établissements de soins de santé, réduisant ainsi la charge qui pèse sur des systèmes de santé submergés.

« Chaque décès est une tragédie », a ajouté Mme Byanyima. « Nous ne pouvons pas rester les bras croisés et laisser des centaines de milliers de personnes, dont beaucoup de jeunes, mourir inutilement. Je prie instamment les gouvernements de veiller à ce que chaque homme, femme ou enfant vivant avec le VIH reçoive régulièrement un approvisionnement en traitements antirétroviraux, lesquels sont salvateurs », a déclaré Mme Byanyima.

 

Sources :

Jewell B, Mudimu E, Stover J, et al for the HIV Modelling consortium, Potential effects of disruption to HIV programmes in sub-Saharan Africa caused by COVID-19: results from multiple models. Pre-print, https://doi.org/10.6084/m9.figshare.12279914.v1, https://doi.org/10.6084/m9.figshare.12279932.v1.

 

Alexandra B. Hogan, Britta Jewell, Ellie Sherrard-Smith et al. The potential impact of the COVID-19 epidemic on HIV, TB and malaria in low- and middle-income countries. Imperial College London (01-05-2020). doi: https://doi.org/10.25561/78670.

 

ONUSIDA

Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) guide et mobilise la communauté internationale en vue de concrétiser sa vision commune : « Zéro nouvelle infection à VIH. Zéro discrimination. Zéro décès lié au sida ». L'ONUSIDA conjugue les efforts de 11 institutions des Nations Unies — le HCR, l'UNICEF, le PAM, le PNUD, l'UNFPA, l'UNODC, ONU Femmes, l'OIT, l'UNESCO, l'OMS et la Banque mondiale. Il collabore étroitement avec des partenaires mondiaux et nationaux pour mettre un terme à l'épidémie de sida à l'horizon 2030 dans le cadre des Objectifs de développement durable. Pour en savoir plus, consultez le site unaids.org, et suivez-nous sur Facebook, Twitter, Instagram et YouTube.

OMS

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) est l’autorité directrice dans le domaine de la santé publique au niveau mondial dans le cadre du système des Nations Unies. Fondée en 1948, l’OMS compte 194 États Membres dans six Régions et plus de 150 bureaux, et fait en sorte de promouvoir la santé, de préserver la sécurité mondiale et de servir les populations vulnérables. Notre objectif pour 2019-2023 est de faire en sorte qu’un milliard de personnes supplémentaires bénéficient de la couverture sanitaire universelle, qu’un milliard de personnes supplémentaires soient protégées face aux situations d’urgence sanitaire et qu’un milliard de personnes supplémentaires bénéficient d’un meilleur état de santé et d’un plus grand bien-être.

Contact

UNAIDS Media
tel. tel. +41 22 791 4237
communications@unaids.org
WHO Media
Tarik Jašarević
tel. tel. +41 79 367 6214
jasarevict@who.int
WHO Media
Sarah Russell
tel. tel. +41 79 598 6823
russellsa@who.int

Feature Story

Gérer l’épidémie de COVID-19 au Cameroun

11 mai 2020

Entretien avec la directrice pays de l’ONUSIDA, Savina Ammassari 

Savina Ammassari est devenue directrice pays de l’ONUSIDA pour le Cameroun en 2018. Elle a travaillé auparavant pour l’ONUSIDA en Inde, au Myanmar et au Cambodge en tant que conseillère en informations stratégiques. Elle a soutenu des initiatives en faveur du développement durable, de l’égalité et des droits humains dans plus de 20 pays. 

Son expérience personnelle et professionnelle dans de nombreux pays et ses vastes connaissances linguistiques lui font penser qu’elle s’adapte facilement, mais la COVID-19 se révèle être une véritable épreuve pour elle. 

 

Savina, avez-vous eu l’impression que la COVID-19 était un tsunami qui avait mis le cap sur vous ? 

Oui, en effet, j’ai vu le tsunami s’approcher. J’ai suivi l’apparition de la COVID-19 en Chine, puis sa propagation rapide en Italie, mon pays d’origine, où l’épidémie a déjà fait plus de 24 000 victimes. J’étais bien consciente que de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, dont le Cameroun, seraient mal préparés pour affronter l’effet dévastateur de la COVID-19 sur les secteurs de la santé et de l’économie. Les systèmes de santé fragiles et la pauvreté endémique représentent des défis considérables pour les ripostes gouvernementales, communautaires et du système des Nations Unies à la pandémie. 

J’ai fait l’amère expérience dans ma famille des réalités de la crise enserrant le monde lorsque mon beau-frère, un chirurgien travaillant à Brescia dans l’épicentre de l’épidémie italienne, a développé des symptômes graves de la COVID-19 qui ont entraîné une pneumonie bilatérale. Heureusement, il a été branché sur un respirateur artificiel et a reçu des traitements expérimentaux, qui lui ont sauvé la vie. Mais je sais que ce ne sera pas le cas pour tout le monde, en particulier dans les pays disposant d’un système de santé moins solide. 

Le Cameroun est devenu l’épicentre de la COVID-19 en Afrique occidentale et centrale. Les premiers cas ont été détectés à l’aéroport de la capitale, Yaoundé. D’autres ont suivi très rapidement à Douala, la plus grande ville du pays. Malgré les mesures prises rapidement par le gouvernement pour isoler les cas initiaux, dépister et tracer les contacts, la transmission au sein de la communauté s’est emparée du pays. Il est difficile de connaître l’ampleur des transmissions à cause de l’accès limité aux services de test.   

La riposte du Cameroun est confrontée à des contraintes considérables, en particulier pour ce qui est d’élargir le dépistage et le traçage des contacts, de fournir des unités de soins intensifs/des respirateurs artificiels pour les personnes gravement atteintes, ainsi que des équipements de protection individuelle adaptés destinés au personnel médical. La mise en place rapide de programmes d’éducation des communautés mettant l’accent sur l’hygiène des mains et l’éloignement physique est une problématique actuelle, en particulier dans les zones urbaines pauvres et souvent surpeuplées.  

 

Quels ont été les préparatifs au Cameroun ? Au début, un sentiment d’optimisme régnait au Cameroun. On pensait que d’une manière ou d’une autre, l’Afrique, contrairement à d’autres régions, allait réussir à éviter les conséquences catastrophiques de la pandémie. Peu de personnes avaient conscience que la pandémie avait juste quelques semaines de retard avant d'atteindre le Cameroun. 

Aujourd’hui, le Cameroun est le pays le plus touché de la région et le deuxième d’Afrique subsaharienne. Il voit son taux d’infections augmenter rapidement. La rareté des kits de test masque toutefois très certainement le nombre réel d’infections. Le recensement des infections individuelles, des guérisons et des victimes ne permet pas de révéler la situation dans son intégralité. L’ONUSIDA a milité pour une modélisation de l’épidémie permettant de quantifier les besoins et l’approvisionnement en soins de santé. 

Lorsque les premiers cas de COVID-19 ont été détectés à Yaoundé, un groupe restreint de personnalités du secteur de la santé s’est rassemblé au ministère de la Santé pour discuter et planifier des mesures d’endiguement de l’épidémie et de minimisation de son impact. J’ai été invitée parmi d'autres représentant(e)s des Nations Unies du fait de l’expérience de l’Onusida dans la gestion des épidémies. J’ai souligné qu’il était nécessaire d'exploiter les systèmes existants et d’utiliser les efforts dirigés par des communautés au cours de la riposte nationale au sida. J’ai plaidé pour des investissements initiaux dans la communication et la mobilisation des communautés afin de prévenir les infections à la COVID-19, en utilisant une approche multisectorielle. 

Cette riposte multisectorielle a été mise en place en impliquant directement la coordonnatrice résidente des Nations Unies (CRNU) avec mon soutien. J’ai facilité les efforts de la CRNU pour établir des liens entre le ministère de la Santé et des partenaires de développement au cours de téléconférences hebdomadaires. Les partenaires, volontaires pour aider, manquaient d’informations sur les priorités immédiates.  

L’ONUSIDA a aidé le ministère de la Santé à modéliser l’épidémie de COVID-19 afin de mieux comprendre et quantifier les besoins. Pour cela, des téléconférences ont réuni des partenaires techniques et financiers. La démarche a permis de hiérarchiser les besoins et de quantifier et estimer le coût des fournitures et équipements nécessaires de toute urgence. Les partenaires volontaires pour soutenir cet effort, avaient toutefois besoin non seulement d’une stratégie nationale et modélisée de riposte à la COVID-19 avec une estimation des coûts, mais également d’un calendrier d’approvisionnement clair et précis reposant sur cette stratégie. Par ailleurs, l’ONUSIDA a plaidé avec succès pour la création d’un groupe d’information stratégique. Ses tâches consistent à analyser en détail les données de suivi, à modéliser l’épidémie, ainsi qu’à surveiller et à évaluer la riposte à la COVID-19.  

 

La communication est en effet cruciale. Mais comment gérer des problèmes fondamentaux comme l’absence d’eau courante dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne qui rend difficile la recommandation de se laver les mains. Comment la population gère-t-elle cela et d’autres mesures, comme l’éloignement physique ? 

C’est en effet un problème essentiel au Cameroun à cause de l’absence d’alimentation continue en eau dans de nombreuses communautés rurales et urbaines. Utiliser des solutions hydroalcooliques n’est pas une option envisageable pour la plupart des gens. Quant aux produits fabriqués localement, leur qualité et la sécurité de leur utilisation ne sont pas obligatoirement au rendez-vous. 

De même, l’éloignement physique et le confinement volontaire sont souvent des options peu viables et souvent irréalistes au sein de communautés où, d’une manière générale, un grand nombre de personnes partage des espaces communs à domicile et dans leur communauté. Le gouvernement a mis en place une batterie de mesures strictes pour endiguer la propagation de la COVID-19 (fermeture des écoles et établissements d’éducation ou de formation, interdiction de tous rassemblements, obligation de porter un masque dans les transports publics), mais un confinement généralisé n’a pas été promulgué jusqu’à présent. Il est légitime de se poser la question de l’impact qu’aurait un confinement total sur la majorité de la population, alors que 80 % des personnes travaillent dans le secteur informel et vivent au jour le jour. Mais, du point de vue de la santé publique, les confinements sont indispensables. L’un des défis consiste à jongler entre ces préoccupations. 

Savina, vous n’avez jamais eu peur des défis. D’après vous, s’agit-il du plus grand défi auquel vous avez été confrontée jusqu’à présent et pourquoi ? 

Oui, cette crise n’a pas son pareil dans l’histoire et elle est imprévisible. Je suis inquiète de la manière dont la pandémie de COVID-19 affectera non seulement notre équipe et nos proches, mais aussi les personnes vivant avec le VIH qui ont besoin d’obtenir sans interruption leur thérapie antirétrovirale et les services liés au virus, ainsi que les personnes qui sont déjà victimes de stigmatisations, qui sont vulnérables ou déjà marginalisées dans la société et dans l’économie. 

Nous constatons déjà une augmentation préoccupante de la stigmatisation et de la discrimination à l’encontre des membres de populations clés au Cameroun et nous assurons que l’équipe de pays des Nations Unies et les partenaires continuent d’accorder leur priorité aux problématiques liées aux droits humains dans leur stratégie.  

Notre travail est déjà difficile en temps normal parce que le Cameroun est confronté à des difficultés humanitaires et de développement énormes. L’attention internationale ne se porte déjà pas suffisamment sur les crises humanitaires qui touchent le Cameroun sur trois fronts. Il s’agit de la crise humanitaire la moins financée au monde. L’épidémie de la COVID-19 multiplie ces défis. 

L’ONUSIDA mobilise les communautés et les réseaux dans les travaux de prévention à la COVID-19 et s’assure que la société civile est suffisamment consultée et impliquée dans la riposte nationale au nouveau virus. 

 

Comment relâchez-vous la pression le soir ? Comment rechargez-vous vos batteries ? 

Je crains de ne pas accorder suffisamment de temps pour me détendre, car je travaille jour et nuit, ce qui n’est pas sain. Peut-être qu’un des défis posés par la COVID-19 est de trouver de nouveaux centres d’intérêt en dehors du travail qui peuvent perdurer et continuer à faire plaisir. 

 

Quels ont été les enseignements tirés ? Allez-vous faire certaines choses différemment à partir de maintenant ?  

J’ai réappris que l’union fait la force. Dans des situations d’urgence sans précédent comme aujourd’hui où personne n’a ni la réponse ni la formule magique, nous avons besoin des compétences et de l’expérience de chacune et de chacun. Mettre les acteurs en contact, fournir des ressources, garantir la transparence des échanges, voici la stratégie gagnante. Cela nécessite un leadership fort et une cohésion de l’équipe dans l'effort. 

Press Release

L’ONUSIDA enjoint aux gouvernements de ne pas perdre de vue la prévention du VIH au cours de la pandémie de COVID-19

Systèmes de santé débordés, confinements, pertes de revenus, moins d'emplois... tout cela pourrait engendrer une augmentation des rapports sexuels non protégés, de la violence et de l’exploitation sexuelles, des relations sexuelles rémunérées et du commerce du sexe, entraînant ainsi une recrudescence des nouvelles infections au VIH

GENÈVE, le 6 mai 2020—Malgré les progrès faits dans le domaine de la prévention du VIH dans le monde, avec un recul de 40% des nouvelles infections depuis le pic de 1997, ces avancées chèrement acquises sont menacées par la pandémie de COVID-19 qui s’abat actuellement sur la planète.

À l’heure de l’épidémie de coronavirus, l’ONUSIDA enjoint aux gouvernements de ne pas faiblir dans leurs efforts de prévention du VIH et de garantir que les populations continuent d’avoir accès aux services nécessaires pour éviter toute infection, discrimination et violence, mais aussi pour être en mesure de jouir de leur santé sexuelle et de la reproduction ainsi que des droits afférents.

« Tous les pays et toutes les communautés pratiquement sans exception sont touchés par la COVID-19, mais l’épidémie mondiale de VIH n’a pas disparu pour autant », a déclaré Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l’ONUSIDA. « Des personnes continuent d’avoir des rapports sexuels. Des personnes continuent de consommer des drogues. Au cours de la pandémie de COVID-19, chacune et chacun doit avoir à sa disposition les outils nécessaires pour assurer sa protection et se protéger du VIH. Les droits humains forment une pierre angulaire de la prévention du VIH et doivent également l’être pour la riposte à la COVID-19. »

L’ONUSIDA et des partenaires de la Global HIV Prevention Coalition viennent de publier trois nouveaux documents relatifs à la prévention du VIH. Ils sont dédiés aux manières de maintenir les services de prévention du VIH et de leur donner la priorité à l’heure de la COVID-19. Ces documents se penchent sur les mesures essentielles pour garder en vie et en bonne santé les populations les plus vulnérables. Il s’agit notamment de mesures nécessaires pour prévenir la violence à l’égard des femmes et des enfants et de lutter contre elle, mais aussi de mesures permettant de garantir la disponibilité de l’approvisionnement en produits de première nécessité et d’assurer la subsistance des plus démunis à travers le monde.

Ces documents expliquent que la palette d’options de prévention du VIH n’a pas perdu de sa pertinence : préservatifs masculins et féminins, lubrifiants, aiguilles et seringues stériles ainsi que thérapies de substitution aux opiacés destinées aux personnes consommant des drogues injectables, prophylaxie pré- et post-exposition, ainsi que le traitement en tant que forme de prévention. Il faut néanmoins trouver des solutions innovantes pour apporter des produits de prévention du VIH aux personnes qui en ont besoin : distribution en quantité suffisante pour plusieurs mois, permettre aux centres de distribution de rester ouverts au cours des confinements, mais aussi protéger les points de distribution au sein des communautés, etc.

L’ONUSIDA s’inquiète du fait que l’épidémie de COVID-19 puisse augmenter la vulnérabilité face au VIH, en plus d’entraver les services de prévention et de traitement afférents. La perte à grande échelle de revenus et d'emplois pourrait se traduire par une augmentation des relations sexuelles rémunérées, du commerce du sexe et de l’exploitation sexuelle. Cela exposera des personnes à un risque accru de contracter le VIH sauf si elles disposent des moyens de se protéger.

À l’instar des produits de prévention du VIH, il est essentiel de maintenir la fourniture de services et de programmes de prévention du VIH, de prévention de la violence basée sur le genre, ainsi que de promotion de la santé et des droits de la reproduction et sexuels en tant que services fondamentaux. Les services de test et de conseil, le dépistage et le traitement d’infections sexuellement transmissibles, la continuité de l’accès aux services de santé de la reproduction et sexuelle, les services de proximité fournis par la communauté ou des pairs, les services d’assistance psychosociale, les centres d’accueil destinés aux populations clé et vulnérables, l’éducation sexuelle complète et la protection contre la violence sexuelle sont vitaux pour maintenir la riposte de la prévention du VIH. Les confinements imposés au cours de la riposte à la COVID-19 ont provoqué une augmentation alarmante des cas signalés de violence familiale et exercée par un partenaire intime à l’égard des femmes, mais aussi des violences à l’extérieur du foyer, ce qui demande de renforcer de toute urgence les services de prévention, de protection et de soutien liés à la violence sexuelle et basée sur le genre.

Alors que l’éloignement physique et les confinements interdisent à présent la fourniture de services en face à face, l’ONUSIDA appelle à lancer urgemment des solutions innovantes pour permettre d’y accéder. Les dangers liés aux réunions présentielles peuvent être réduits en utilisant des systèmes de prise de rendez-vous qui évitent toute concentration de personnes dans un établissement. Il est aussi possible d’organiser des réunions et des formations en ligne, quant aux lignes d’assistance téléphonique et aux services par SMS, ils ont aussi leur mot à dire pour protéger les populations du nouveau coronavirus tout en garantissant qu’elles puissent obtenir l’aide dont elles ont besoin pour éviter une infection au VIH. L’autodépistage du VIH est une méthode plus sure pour effectuer un test tout en réduisant les contacts avec d’autres personnes et en délestant les établissements de santé.

Les organisations et les réseaux communautaires sont depuis longtemps un pivot de la riposte au sida. Ils sont essentiels pour sensibiliser, informer, balayer les idées reçues et lutter contre les fausses informations, mais aussi pour fournir des services aux populations marginalisées et vulnérables. Aujourd’hui plus que jamais, il faut soutenir les acteurs communautaires dans leurs efforts pour innover, fournir des services et être reconnus en tant que prestataires essentiels aussi bien au sein de la riposte au VIH qu’au cours de la riposte à la COVID-19.

Quarante années de lutte contre le VIH nous ont fourni des enseignements précieux, notamment que la pandémie de COVID-19 n’affectera pas tout le monde de la même manière et que les plus défavorisés, y compris les populations clés, seront les plus touchés. Dans ces trois nouveaux documents, l’ONUSIDA enjoint aux gouvernements d'adopter une approche respectant les droits humains et de prioriser les besoins des populations les plus marginalisées au cours de l’épidémie de COVID-19, ce qui nécessite notamment de continuer à assurer les services fondamentaux de prévention du VIH.

Contact

UNAIDS Geneva
Sophie Barton-Knott
tel. +41 79 514 6896
bartonknotts@unaids.org
UNAIDS Media
tel. +41 22 791 4237
communications@unaids.org

Enseignements tirés de la prévention du VIH permettant d’empêcher la propagation de la COVID-19 dans les pays à revenu faible et intermédiaire

Préservatifs et lubrifiants à l’heure de la COVID-19 — Maintenir l’approvisionnement et les stratégies prenant en compte les personnes pour satisfaire les besoins dans les pays à revenu faible et intermédiaire — Quelques conseils pour agir, avril 2020

Maintenir les services de prévention du VIH et leur donner la priorité à l’heure de la COVID-19

S'abonner à COVID-19