Caribbean

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Renforcer la riposte au VIH à Haïti grâce à la surveillance par la communauté

03 décembre 2021

« Cela fait sept mois que je ne prends pas mes médicaments », explique Carla Joseph (nous avons changé son nom), une femme transgenre vivant avec le VIH à Haïti. « Pour reprendre mon traitement... j’ai besoin d’aller uniquement à un seul endroit de confiance et qui ne me demande pas de lettre de recommandation. »

Voici ce qu’elle a déclaré à l’un des membres sur le terrain de l’équipe haïtienne de surveillance par la communauté de l’Observatoire du Forum de la société civile, qui, au cours de l’année dernière, a travaillé pour savoir comment établir le lien entre les personnes diagnostiquées et le traitement, mais aussi comment améliorer les services pour les personnes déjà prises en charge.

« Au cours de l’étude, nous avons rencontré de nombreuses personnes qui attendaient leur tour pour se faire consulter et renouveler leur ordonnance », a déclaré Élisabeth Jacques, coordinatrice sur le terrain du suivi par les communautés. « Ne serait-il pas logique que les services soient disponibles les jours et aux heures qui conviennent le mieux aux personnes qui en ont besoin ? »

L’ONUSIDA soutient les travaux de surveillance par la communauté de l’Observatoire du Forum de la société civile d’Haïti. La surveillance menée par la communauté est un mécanisme de responsabilisation destiné à améliorer l’accès des personnes aux services anti-VIH et la qualité des soins qu’elles reçoivent. Le processus est mené et mis en œuvre par les communautés de personnes vivant avec le VIH, les populations clés et d’autres groupes vulnérables.

Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’un effort coordonné des partenaires, notamment le ministère de la Santé publique et de la Population, ainsi que le gouvernement des États-Unis par le biais du Plan d’urgence du Président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR). Elle vise à maintenir et à élargir l’accès aux services anti-VIH pour les 150 000 personnes séropositives que l’on estime vivre à Haïti, dont 30 000 qui ne connaissent pas encore leur état sérologique.

Dans son premier rapport, l’Observatoire du Forum de la société civile a attiré l’attention sur la nécessité d’améliorer les services centrés sur les bénéficiaires en prolongeant les heures d’ouverture et en réduisant les délais d’attente Il a également recommandé d’allonger les ordonnances à six mois de traitement antirétroviral pour les personnes séropositives dont l’état est stable. Par ailleurs, ce suivi par les communautés a révélé la nécessité de mieux informer sur le concept de traitement de I = I (indétectable = intransmissible).

« Nous devrions renforcer la capacité de la société civile à faire ce travail de sensibilisation. Elle connaît mieux les personnes concernées. Lorsqu’une personne ne vient plus aux rendez-vous de suivi, les membres de la communauté savent comment lui parler pour l’encourager à revenir. Si nous responsabilisons la communauté par le biais d’une surveillance par elle-même, alors nous serons en mesure de mieux gérer ce qui se passe », a déclaré Sœurette Policar, coordonnatrice de l’Observatoire du Forum de la société civile.

Steve Mc Allan Smith, directeur de la prévention du VIH auprès du ministère de la Santé publique et de la Population, a salué les recommandations. « La surveillance par la communauté nous renseignera sur la mise en place des services dans la communauté et sur la manière dont les bénéficiaires les perçoivent. Cette approche nous indiquera comment adapter les interventions aux besoins spécifiques des patients et patientes. Elle nous aidera également à résoudre les problèmes liés au dépistage. Mais surtout, elle nous aidera à garder les personnes sous traitement. C’est très gratifiant d’atteindre les objectifs », a-t-il déclaré. « Mais notre but est de les respecter sur le long terme. »

Au cours de l’année écoulée, le pays a dû faire face à des crises à répétition. Un mois après l’assassinat de son président, Haïti a subi un séisme dévastateur, suivi d’une tempête tropicale. Par ailleurs, l’aggravation du crime organisé et la vague d’enlèvements ont des conséquences désastreuses sur la vie quotidienne de la population. Ces derniers mois, une pénurie de carburant a encore alourdi le quotidien des personnes et des organisations. Et tout cela sous la menace de la COVID-19.

La pauvreté, la violence sexiste et la discrimination auxquelles sont confrontées les personnes vivant avec le VIH et les communautés de populations clés empêchent des personnes de poursuivre leur traitement. Le contexte socio-économique et sécuritaire difficile ne fait qu’empirer les choses. Selon les données du PEPFAR, près de 8 000 personnes sous traitement à Haïti ont abandonné leur thérapie l’année dernière.

Toutefois, comme l’a souligné Christian Mouala, directeur pays de l’ONUSIDA pour Haïti, le pays a réussi pendant la COVID-19 à mettre en œuvre la délivrance de médicaments antirétroviraux pour plusieurs mois de traitement à 88 % des personnes suivant une thérapie anti-VIH. Cette réussite est due aux efforts coordonnés accomplis sous l’égide du ministère de la Santé publique et de la Population et grâce à la collaboration de nombreuses parties prenantes, y compris la société civile haïtienne.

« Ici, les personnes et le système de santé sont résilients et savent s’adapter », a déclaré M. Mouala. « À l’heure actuelle, l’importance du leadership communautaire doit se renforcer dans le développement et la mise en œuvre de stratégies afin de s’assurer que les personnes bénéficient de meilleurs services anti-VIH, de santé et d’assistance sociale. »

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Kingston fait de la Journée mondiale de lutte contre le sida une journée commémorative d’intérêt public

10 novembre 2021

Le conseil municipal a adopté à l’unanimité une résolution appelant la Kingston and Saint Andrew Municipal Corporation à faire de la Journée mondiale de lutte contre le sida une journée commémorative pour la ville de Kingston.

Ce vote réaffirme l’engagement de la Jamaïque en faveur des Objectifs de développement durable, de l’initiative Les villes s’engagent et de la Déclaration politique de 2021 sur le VIH et le sida : Mettre fin aux inégalités et agir pour vaincre le sida d’ici à 2030. Il entérine le fait que la ville de Kingston, en partenariat avec le secteur public et privé et les communautés touchées, commémorera chaque 1er décembre la Journée mondiale de lutte contre le sida.

Le maire de Kingston, Senator Councilor Delroy Williams, a félicité cette décision qui marque une étape importante vers la transformation de Kingston en une ville zéro stigmatisation. « Cette résolution est le fruit de l’engagement ininterrompu de la municipalité en faveur de l’éradication du sida. Cela ne sera toutefois possible que si nous nous attaquons efficacement aux racines du mal, notamment la stigmatisation, la discrimination et la violence qui exposent les Jamaïcains et Jamaïcaines à un risque d’infection au VIH, mais aussi le non-respect du traitement », a déclaré M. Williams. 

La résolution reconnait que « mettre fin à la discrimination, à la stigmatisation et à la marginalisation va permettre à davantage de personnes de se faire dépister, d’accéder à un traitement et de réduire le VIH dans la ville », et stipule par ailleurs que « des manifestations seront organisées chaque année au sein de la municipalité de Kingston et St Andrew pour sensibiliser et mettre fin à la discrimination, à la stigmatisation, ainsi qu’à la violence liée au VIH. »

Selon l’étude la plus récente People Living with HIV Stigma Index réalisée en Jamaïque en 2020, un tiers des personnes vivant avec le VIH ont connu au moins une forme de stigmatisation ou de discrimination en raison de leur statut sérologique au cours des 12 derniers mois. En outre, plus de la moitié des participantes et participants a signalé s’être déjà autostigmatisée et la majorité a déclaré avoir des difficultés à révéler son statut sérologique à d’autres personnes.

« Des partenariats solides et des engagements de la part des gouvernements locaux sont essentiels pour renforcer nos efforts afin de mettre un terme à la discrimination. Alors que nous œuvrons toujours en faveur d’une Jamaïque équitable et ouverte à nos frères et sœurs vivant avec le VIH qui continuent de subit la marginalisation, je salue sincèrement cette initiative de la municipalité placée sous l’égide de son maire. Ce vote sensibilise la population et suscite l’adhésion au niveau local », a déclaré Jumoke Patrick, directeur exécutif de JN+.

La directrice pays de l’ONUSIDA, Manoela Manova, a souligné que ces engagements allaient dans la bonne direction. « Il nous reste beaucoup à faire pour mettre fin aux inégalités, à la discrimination et au sida. Cette décision, preuve de l’engagement de la ville et du conseil municipal, est un geste solidaire de volonté politique qui doit faire l'objet d'un suivi attentif et être déployé à tous les niveaux de gouvernance. » 

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Aider Haïti à construire une riposte durable au VIH

11 octobre 2021

À la clinique GHESKIO (Groupe Haïtien d’Étude du Sarcome de Kaposi et des Infections Opportunistes) de Port-au-Prince, en Haïti, une jeune femme apprend sa séropositivité. L’équipe la conseille et lui propose immédiatement de s’inscrire à un programme de traitement dans l’établissement.

La mise en place d’une thérapie le même jour figure parmi les approches utilisées par Haïti pour inverser la tendance de son épidémie de VIH. La prévalence du VIH chez les adultes est désormais de 1,9 %, contre 3,2 % au milieu des années 1990. Selon les statistiques gouvernementales, sur les 154 000 personnes vivant avec le VIH, 89 % connaissent leur état sérologique. 93 % des personnes diagnostiquées suivent une thérapie antirétrovirale et 87 % des personnes sous thérapie antirétrovirale ont une charge virale indétectable. Au cours des dix dernières années, les décès dus à des maladies opportunistes ont chuté de 63 % dans ce pays des Caraïbes.

Ces progrès sont le résultat de la collaboration entre le gouvernement haïtien, la société civile et les partenaires de développement internationaux.

Elles sont également dues à des investissements considérables de la part de donateurs. De fait, l’argent consacré au VIH en Haïti provient en très grande partie de sources internationales.

Le Bureau pays de l’ONUSIDA pour Haïti apporte en ce moment son aide au Plan d’urgence du président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR) et au ministère de la Santé publique et de la Population pour actualiser l’Indice et le tableau de bord de durabilité (Sustainability Index and Dashboard, SID) en Haïti. Cet exercice est réalisé tous les deux ans. Cet outil cherche à mieux comprendre les visages de la durabilité dans les pays et à apporter des informations pour les décisions d’investissement en matière de VIH. À travers cet exercice, les parties prenantes évaluent les ripostes nationales au VIH du point de vue de la pérennité et de quatre thématiques. Il s’agit du quatrième SID pour Haïti. 

« Les progrès impressionnants réalisés par Haïti au cours de la dernière décennie peuvent être fragilisés par une dépendance excessive aux financements extérieurs. L’ONUSIDA est heureuse d’apporter son soutien au ministère de la Santé publique et de la Population, ainsi qu’au PEPFAR et au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme par le biais de cet exercice visant à construire une riposte plus durable », a déclaré Christian Mouala, Directeur pays de l’ONUSIDA pour Haïti.

L’ONUSIDA continuera de travailler en collaboration avec les responsables nationaux, le PEPFAR, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, la société civile et d’autres partenaires clés de la riposte au VIH pour garantir des interventions nationales justes. L’accent est mis sur l’accès aux communautés les plus vulnérables grâce à une programmation et une mise en œuvre coordonnées, ainsi qu’une intégration cohérente des personnes vivant avec le VIH et des populations clés, y compris dans les contextes humanitaires.

Le directeur exécutif de l’Unité de contrôle des maladies infectieuses et transmissibles (UCMIT), Pavel Desrosiers, a indiqué que le SID est crucial pour identifier les faiblesses de la riposte actuelle au VIH.

Selon Hamfrey Sanhokwe, coordonnateur du PEPFAR pour l’Haïti, le SID aide également les donateurs à « mesurer les progrès accomplis en matière de durabilité programmatique et financière, et à concentrer les efforts pour une riposte nationale optimale au VIH ».

La participation ad hoc de toutes les parties prenantes du VIH est essentielle au processus. « Les personnes vivant avec le VIH étaient représentées et ont apporté leur contribution à toutes les réunions thématiques au cours de la semaine et les échanges ont été productifs », a déclaré Maria Malia Jean, représentante de la Fédération haïtienne des associations de personnes vivant avec le VIH (AFHIAVIH).

Les résultats du SID Haïti 2021 seront finalisés et validés par toutes les parties prenantes d’ici la fin du mois d’octobre. Elles pourront alors visualiser et se concentrer sur les domaines qui nécessitent des efforts supplémentaires, tout en notant les succès accomplis par leur travail acharné.

« Haïti enregistre un très net progrès dans la lutte contre le VIH ; cependant, les efforts doivent continuer et s’intensifier pour garantir d’atteindre les objectifs d’ici 2030 », a déclaré le directeur général du ministère de la Santé publique et de la Population, Lauré Adrien.

Press Statement

L’ONUSIDA est choquée et attristée par l’assassinat du président d’Haïti, Jovenel Moïse

GENÈVE, le 8 juillet 2021—L’ONUSIDA est choquée et attristée par l’assassinat du président d’Haïti, Jovenel Moïse, au cours de la prise d’assaut de sa résidence privée par des hommes armés. Elle envoie aussi tous ses bons vœux de rétablissement à la Première dame, Martine Moïse, qui a été blessée pendant la prise d'assaut.

« Mes pensées vont à la famille du président Moïse en cette période incroyablement difficile », a déclaré la Directrice exécutive de l’ONUSIDA, Winnie Byanyima. « J’espère sincèrement que la Première dame se rétablira de ses blessures. Elle est une amie fidèle de l’ONUSIDA et une fervente défenseuse de la riposte à l’épidémie de VIH, tant en Haïti que dans toute la région. »

Mme Moïse, ci-dessus à gauche, préside depuis 2017 le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme en Haïti et est une alliée étroite de l’ONUSIDA. Elle est également membre du Réseau d’action des épouses et époux de leaders caribéens et défend son action liée à l’initiative Every Woman, Every Child en Haïti. Parmi les priorités de Mme Moïse figure la lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles, les grossesses adolescentes et le trafic d’êtres humains. Elle soutient également l’agenda pour prévenir et éliminer la transmission du VIH de la mère à l’enfant.

En juin, Mme Moïse s’est exprimée au nom de la Communauté caribéenne lors de la Réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le VIH/sida.

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Dominique : l’intégration des services et l’inclusion sont essentielles pour éliminer la transmission du VIH de la mère à l’enfant

19 mai 2021

Pour la quatrième année consécutive, aucun enfant n’est né avec le VIH en Dominique, y compris en 2017, lorsque cette île située dans l’est des Caraïbes a bravé plusieurs ouragans en deux semaines qui ont endommagé 90 % de ses infrastructures.

La Dominique a reçu la validation de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) concernant l’élimination de la transmission du VIH et de la syphilis de la mère à l’enfant. Il s’agit du huitième pays ou territoire des Caraïbes à atteindre ce double objectif. L’île rejoint ainsi Cuba qui l’a atteint en 2015, et Anguilla, Antigua-et-Barbuda, les Bermudes, les îles Caïmans, Montserrat et Saint-Kitts-et-Nevis qui l’ont réalisé en 2017.

Lors d’une cérémonie virtuelle, les partenaires ont parlé de la nécessité de combiner les considérations politiques, de santé et communautaires afin d’instaurer un cadre durable pour la prévention du VIH et d’autres maladies dans le contexte de la santé maternelle et infantile.

Roosevelt Skerrit, Premier ministre de la Dominique, a rappelé l’importance de l’engagement du gouvernement dans le programme sur la santé des Objectifs de développement durable. Il a indiqué que les investissements réalisés dans les infrastructures et les systèmes de santé permettront à la Dominique d’atteindre d’autres objectifs, notamment une « réduction de la mortalité maternelle et infantile, un accès universel aux services de santé sexuelle et reproductive et une couverture santé universelle. »

« Le parcours de la Dominique pour atteindre cet objectif ambitieux repose sur un renforcement continu, depuis plusieurs années, de la capacité de ses services de soins primaires pour lutter contre les maladies transmissibles, ainsi que sur la mise en place d’approches harmonisées et intégrées afin d’améliorer les résultats en matière de santé pour les femmes et leurs enfants au sein des services de santé maternelle et infantile », a déclaré Carissa Etienne, Directrice régionale de l’OMS pour l’Amérique et Directrice de l’Organisation panaméricaine de la Santé.

Toutes les femmes enceintes en Dominique se voient proposer un dépistage du VIH et de la syphilis lorsqu’elles s’inscrivent à des soins prénataux. Lorsque le résultat est positif, un traitement leur est fourni gratuitement. Les services de santé sont accessibles à toutes, quelle que soit leur nationalité. De plus, la Dominique fournit désormais un diagnostic précoce aux nourrissons dans le pays, garantissant ainsi des soins adaptés et rapides aux nourrissons exposés au VIH.

Les professionnels de santé, notamment une équipe d’infirmier-ères issus de communautés et le personnel de la National HIV and AIDS Response Unit qui a coordonné l’assistance psychosociale et les services de soins, ont été décisifs pour le succès de la stratégie.

La Dominique a surtout déployé des efforts pour améliorer son système d’information sur la santé afin d’être en mesure de fournir des preuves concernant la couverture et l’impact des services de soins prénataux, de dépistage et de traitement. Le processus de validation comprenait également des évaluations des droits humains, de l’égalité des sexes et de l’implication des communautés.    

Par ailleurs, plusieurs autres pays des Caraïbes ont déjà réalisé des progrès remarquables dans la prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant. Ils doivent maintenant répondre aux exigences rigoureuses en matière de données et de rapports afin d’obtenir la certification de leurs efforts dans le domaine. Depuis 2010, dans la région, la proportion de femmes séropositives enceintes recevant un traitement antirétroviral afin d’empêcher la transmission du VIH à leurs bébés a doublé. 

James Guwani, Directeur du Bureau sous-régional de l’ONUSIDA pour les Caraïbes, a souligné lors de la cérémonie que le monde adoptera une nouvelle déclaration politique des Nations Unies sur le VIH/sida le mois prochain.

« L’une des preuves les plus fortes de notre capacité à mettre fin à l’épidémie du sida est de réussir à éviter que des enfants naissent avec le VIH. Mais le travail ne s’arrête pas là », a déclaré M. Guwani. « Nous devons changer les attitudes et les préjugés qui empêchent les familles touchées par le VIH de vivre, d’apprendre, de travailler et de jouer librement. Nous devons offrir à tous les jeunes l’éducation, l’autonomie et l’accès aux services nécessaires pour éviter une contamination au VIH tout au long de leur vie. Enfin, nous devons fournir un meilleur travail pour prévenir les infections au VIH dans toutes les tranches d’âge et au sein de toutes les communautés. En mettant l’accent sur les personnes, nous pouvons mettre fin à l’épidémie du sida. »

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Caraïbes : de grandes disparités au niveau de l’accès au dépistage du VIH chez les bébés

12 avril 2021

Les nourrissons ayant été infectés verticalement au VIH (par leur mère) doivent être diagnostiqués rapidement pour vivre. Un test précoce des bébés exposés au VIH et le démarrage immédiat d’une thérapie antirétrovirale suite à un diagnostic positif peuvent en effet garantir leur survie. Sans un diagnostic et un traitement précoces, près de la moitié des nourrissons séropositifs meurent avant l'âge de deux ans, mais beaucoup de bébés exposés au VIH dans les pays à revenu faible et intermédiaire n’ont pas accès au diagnostic précoce.In the Caribbean, coverage of virological testing for early infant diagnosis varies from 21% in Jamaica to 99% in Cuba.

Dans les Caraïbes, la couverture du test virologique pour le diagnostic précoce des nourrissons varie entre 21 % en Jamaïque et 99 % à Cuba.

Notre action

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In Your Hands : dans les Caraïbes, les partenaires encouragent l’autodépistage du VIH au cours de la COVID-19

22 mars 2021

Dans les Caraïbes, les acteurs de la riposte au VIH ont lancé la campagne « In Your Hands » (Dans tes mains) en faveur de l’autodépistage du VIH. Elle vise à encourager l’élaboration et la mise en œuvre de politiques adaptées dans le cadre d’une stratégie complète afin de garantir que la pandémie de COVID-19 ne soit pas à l’origine d’un recul du diagnostic du VIH.

Toutefois, même avant l’arrivée du coronavirus, la région était en retard pour atteindre l’objectif 2020 de 90 % de dépistage. De fait, en 2019, 77 % des personnes vivant avec le VIH connaissaient leur statut sérologique. Une enquête menée par le Pan Caribbean Partnership against HIV and AIDS (PANCAP) et la Pan American Health Organization (PAHO) a révélé qu’en 2020 les services de dépistage du VIH dans les établissements de santé et au sein des communautés ont reculé dans 69 % des pays à cause de la COVID-19.

« Cette évolution signifie que les personnes ignorant leur séropositivité n'accèdent pas à un traitement antirétroviral vital. Par ailleurs, comme elles continuent de ne pas connaître leur statut sérologique, elles risquent ainsi de transmettre le virus », a expliqué Sandra Jones, conseillère technique pour le VIH/IST, la tuberculose et l’hépatite virale aux Caraïbes pour la PAHO.

« La pandémie de COVID-19 est l’occasion pour nous de chercher de nouvelles approches innovantes et efficaces », a ajouté le directeur du PANCAP, Rosmond Adams.

Selon James Guwani, le directeur du sous-bureau régional de l’ONUSIDA dans les Caraïbes, la priorité consiste à augmenter l’adoption du dépistage parmi la population masculine qui tend à être diagnostiquée plus tardivement. En 2019, 85 % des femmes vivant avec le VIH aux Caraïbes connaissaient leur statut sérologique, contre tout juste 72 % chez les hommes. Il est également nécessaire d’étendre la couverture du dépistage auprès des membres des populations clés qui peinent à accéder aux services anti-VIH à cause de la stigmatisation et de la discrimination. 

L’Organisation mondiale de la Santé recommande de proposer l’autodépistage du VIH en tant que mesure complémentaire aux services fournis par des établissements de santé et des communautés. La précision et innocuité de l’autodépistage ont été prouvées et cette solution permet d’améliorer le taux de dépistage parmi les populations qui ne se feraient sinon pas tester.

Avec cette campagne, les partenaires militent pour que les politiques nationales pensent aussi à la communication en intégrant des informations permettant de renvoyer les utilisateurs et utilisatrices vers des services de prévention et de traitement du VIH, mais aussi luttent en faveur de normes minimums concernant l’approvisionnement et la distribution de kits d’autodépistage du VIH dans le secteur privé et public.

« Nous avons la conviction que l’autodépistage du VIH permettra de combler le retard pour atteindre le premier 90. Il peut cibler des personnes qui passent à travers les mailles du filet des services existants de dépistage du VIH, en particulier les populations où la couverture est faible et où le risque de contamination élevé. Il ne vient pas remplacer tous les services de dépistage, mais il devrait être intégré aux outils à disposition », a indiqué Victoria Nibarger, coordonnatrice du programme régional pour les Caraïbes du Plan d’urgence du Président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR).

Sous l’égide d’un projet régional du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, une analyse de vérification et de faisabilité est en cours concernant l’introduction de l’autodépistage du VIH dans ces pays. Le Guyana a dès à présent annoncé des programmes pour mettre en place l’autodépistage cette année, et plusieurs autres pays se sont engagés à instaurer une politique adaptée ou ont déjà entamé la procédure. 

L’ONUSIDA soutient la coordination de la campagne aux Caraïbes en mettant l’accent sur une stratégie de gestion des connaissances garantissant à tous les acteurs d’avoir les informations, les messages et les outils nécessaires pour effectuer des mesures efficaces de lobbying au niveau national. Une priorité essentielle consiste à garantir l’implication de la société civile et de répondre aux inquiétudes des communautés concernant la mise en œuvre des politiques d’autodépistage.  

Des responsables de communautés de personnes vivant avec le VIH et de populations clés relaient actuellement l’appel en faveur de l’autodépistage. Tous et toutes recommandent d’augmenter les investissements dédiés aux activités de conseil consécutives au test et concernant le suivi du traitement tout au long de la riposte au VIH.

Deneen Moore, représentante aux Caraïbes de l’International Community of Positive Women, a déclaré : « Nous avons besoin de mieux aiguiller nos pairs afin que les personnes découvrant leur séropositivité aient quelqu’un vers qui se tourner. Nous avons également besoin de davantage de contrats sociaux afin que les organisations de la société civile puissent faciliter la prise de contact avec les personnes ayant un résultat positif. Notre implication dans le processus est primordiale. »

L’ONUSIDA, la PAHO, le PANCAP, le PEPFAR et la Caribbean Med Labs Foundation défendent ensemble cette action de sensibilisation.

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Le cheminement du Guyana vers la PPrE

19 janvier 2021

Le Guyana a prévu de déployer cette année un programme complet de prophylaxie pré-exposition (PPrE). Le ministre de la Santé guyanais, Frank Anthony, a annoncé que cette stratégie nationale allait être mise en place en collaboration avec des cliniques dans tout le pays, ainsi qu’avec des organisations non gouvernementales.

« Nous voulons déployer [cette thérapie] afin de garantir que toute personne exposée au VIH puisse y avoir accès », explique M. Anthony. « Nous sommes persuadés qu’un programme complet de PPrE permettra d’éviter de nombreuses infections. »

Cette décision marque l’aboutissement d’années de lutte et d’une mise en œuvre partielle de la PPrE. La politique en place réserve la thérapie PPrE aux couples sérodifférents, à savoir ceux où seul un partenaire vit avec le VIH. Le partenaire séronégatif accède à ce traitement auprès du système de santé public afin d'éviter une contamination au VIH.  

Depuis 2015, l’Organisation mondiale de la Santé recommande de proposer la PPrE aux « personnes exposées à un risque élevé d’infection au VIH. » Plusieurs programmes nationaux de PPrE se concentrent sur les populations clés, notamment les gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les travailleurs et travailleuses du sexe et les personnes transgenres. Au Guyana, la prévalence du VIH est également plus élevée au sein de ces groupes avec 8 % de personnes séropositives chez les femmes transgenres, 6 % chez les travailleurs et travailleuses du sexe et 5 % chez les gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes.

L’année dernière, après avoir milité pour des programmes plus inclusifs, l’association guyanaise Society against Sexual Orientation Discrimination (SASOD Guyana) a changé son fusil d’épaule en proposant elle-même la PPrE. Elle s’est jointe pour cela au Midway Specialty Care Centre pour combler cette lacune au sein de la prévention nationale du VIH.

« Nous souhaitons faire de la prévention combinée une priorité », déclare Joel Simpson, directeur exécutif de SASOD Guyana. Au Guyana, ce partenariat société civile/privé a permis pour la première fois à n’importe quel membre de la population de décider de prendre la PPrE. Le médicament était vendu à prix coûtant et les personnes renvoyées vers ce service par des organisations non gouvernementales ne payaient pas les consultations.  

Une enquête menée en 2018 auprès des gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et des personnes transgenres par SASOD Guyana en collaboration avec l’International HIV and AIDS Alliance (aujourd’hui Frontline AIDS) a révélé que ces populations étaient très intéressées par la prise de la PPrE lorsqu’elles étaient informées. Toutefois, seulement 60 % environ des participants et participantes aux groupes de discussion étaient d'accord pour payer pour ce service.

« Nous avons besoin que la classe politique et le personnel technique prennent des décisions reposant sur la science et la recherche. Nous avons vu par le passé des approches moralistes s’immiscer lors de l’élaboration de politiques publiques », se souvient M. Simpson. « Il ne s’agit pas de savoir à quel groupe de la population vous appartenez, mais plutôt de réagir à une réalité et de réduire les risques. »

La stratégie anti-VIH du Guyana place le pays parmi les bons élèves dans la région des Caraïbes. Le pays a dépassé l’objectif de dépistage pour 2020 avec 94 % des personnes vivant avec le VIH diagnostiquées en 2019. 73 % des personnes connaissant leur statut sérologique suivaient un traitement. Parmi elles, 87 % avaient une charge virale indétectable. Cette nation d’Amérique du Sud a réduit de moitié le nombre de nouvelles infections au VIH au cours des 20 dernières années.

« Le traitement du VIH a déjà fait beaucoup de chemin et pas uniquement pour les personnes vivant avec le VIH. Il est toutefois essentiel de mettre totalement en place les bonnes pratiques de prévention et de traitement afin de combler les lacunes et de s’assurer de n’oublier personne », déclare Michel de Groulard, directeur pays de l’ONUSIDA par intérim pour le Guyana et le Suriname. « C’est pourquoi nous saluons cette année la décision du ministère de la Santé visant à garantir la mise à disposition de la PPrE à toute personne en ayant besoin. Nous disposons des outils pour en finir avec le sida. Il est temps de les utiliser. »

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La première stratégie jamaïcaine à destination de la population transgenre va au-delà des questions de santé

08 janvier 2021

Imaginez que vous utilisez un système de santé qui ne sait rien sur vous en tant que personne ou sur vos besoins spécifiques. Les infirmiers et infirmières risquent de ne pas poser les bonnes questions. Les médecins risquent de ne pas penser aux solutions dont vous avez vraiment besoin. Vous pouvez avoir l’impression de ne pas être à votre place.

Voilà à quoi ressemble la vie des personnes transgenres en Jamaïque. Une nouvelle stratégie souhaite toutefois changer cela.

Avec le soutien de l’ONUSIDA et du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), TransWave Jamaica a lancé la Trans and Gender Non-Conforming National Health Strategy, la première stratégie de ce type dans les pays anglophones des Caraïbes. Ce plan quinquennal est une feuille de route visant à améliorer la santé et le bien-être des personnes transgenres tout en respectant leurs droits. Il contient des recommandations concernant le système de santé, ainsi que des changements structurels et sociétaux nécessaires pour parvenir à l’égalité d’accès aux services et aux chances pour la communauté transgenre.

« Trop souvent, les personnes transgenres souffrent chez elles ou endossent un rôle pour se rendre dans les espaces de santé publique », explique Renae Green, responsable adjointe pour les réglementations et la sensibilisation auprès de TransWave. « Nous avons besoin d’une amélioration des services de base, y compris de l’assistance psychosociale. Il faut que les personnes transgenres puissent accéder aux services de santé publique en étant elles-mêmes. »

Par le biais de l’enveloppe allouée à la Jamaïque dans le Cadre unifié du budget, des résultats et des responsabilités, l’ONUSIDA a collaboré avec l’UNFPA pour soutenir une procédure poussée d’un an comprenant des recherches, l’implication de la communauté et l’élaboration de la stratégie, dont un cadre de suivi et d’évaluation. Un comité de coordination multisectoriel composé d’organisations de la société civile, de partenaires de coopération internationale et d’administrations gouvernementales a défini la procédure d’élaboration de la stratégie.

Le VIH est un problème majeur au sein de la communauté transgenre en Jamaïque. Près de 50 % des femmes transgenres ayant participé à deux études récentes vivaient avec le VIH. Mais d’autres thèmes sont tout aussi urgents. Deux enquêtes ont révélé que près de la moitié des participants et participantes transgenres était sans emploi. Un tiers n’avait pas à manger à chaque repas. Un dixième proposait des services sexuels payés pour survivre. Une étude menée en 2020 par TransWave a révélé que la moitié de ces personnes avait été victime de violences physiques au cours de l’année passée, et 20 % d'agressions sexuelles. Plus de 80 % ont été la cible d’injures.

« Les besoins ne se limitent pas au VIH et aux soins de santé. D’autres facteurs nuisent à la capacité des personnes à se protéger, à suivre un traitement ou à éviter une contamination au VIH. Nous devons prendre en compte la personne en entier, et pas uniquement certains aspects », déclare Denise Chevannes-Vogel, chargée du VIH et du sida pour le sous-bureau régional de l’UNFPA dans les Caraïbes

« Nous apprécions d’avoir pu amener la communauté à discuter de ses besoins au-delà du VIH », souligne Mme Green.

L’équipe de TransWave s’est occupée d’évaluer les besoins de la communauté. Certaines demandes, comme l’hormonothérapie substitutive ou la réassignation chirurgicale du genre, sont spécifiques, mais d’autres concernent tous les membres. Toutes et tous souhaitent avoir accès à la santé et au logement, à l’éducation, à la formation et à l’emploi, ou avoir des porte-paroles dans les espaces de la société civile où un grand nombre cherche un appui médico-social.

« Nous n’atteindrons aucun objectif relatif à la lutte contre le sida si nous n’accordons pas la priorité à la santé globale des personnes transgenres. Ces gens meurent de violences, vivent dans la rue, n’ont pas d’emploi ni d’avenir. Même les informations sur la prévention du VIH que la vaste majorité de la population est en mesure d’obtenir au cours de l’éducation officielle ne sont pas accessibles aux personnes transgenres lorsque le harcèlement les force à quitter l’école. Ainsi, cette procédure consistait à réfléchir sur les indicateurs d’impact. À se demander ce que faudrait-il faire pour leur offrir une meilleure existence plus longue », indique Ruben Pages, conseiller pour la mobilisation communautaire en Jamaïque pour l’ONUSIDA.

Toutefois, quelles sont les chances de réussite de cette stratégie exhaustive et tournée vers l’avenir dans un pays connu pour sa société conservatrice ? Les partenaires sont optimistes. D’une part, cette stratégie demande des objectifs à long terme, y compris des réformes juridiques sur des thèmes comme la reconnaissance de l’identité de genre et la décriminalisation des rapports sexuels entre partenaires de même sexe. D’autre part, elle sert de guide pratique pour intégrer les personnes transgenres dans les systèmes et les cadres déjà existants. Une action ciblée permettrait de marquer rapidement des points.

Manoela Manova, directrice pays de l’ONUSIDA pour la Jamaïque, explique que la stratégie permettra au pays de faire un grand pas en avant pour mettre un terme au sida.

« À l’avenir, l’accent sera à nouveau mis sur des résultats de prévention, de dépistage et de traitement de grande qualité dans toutes les communautés, y compris au sein des populations clés et vulnérables », conclut Mme Manova. « C’est l’occasion pour nous de respecter notre promesse de n’oublier personne. »

Feature Story

« Quelqu’un doit faire le premier pas » : une militante transgenre haïtienne donne espoir et un visage à sa communauté

09 novembre 2020

Le premier refuge pour personnes transgenres a ouvert ses portes la semaine dernière en Haïti. Le ruban rouge marquant l’inauguration de Kay Trans Ayiti a été coupé sous les vivats d’un groupe de militant-es et d’habitant-es. Le groupe s’est ensuite relayé pour prendre des photos entre les ballons rose et bleu accrochés à la véranda et flottant au vent.

Ce moment de triomphe a une période difficile en toile de fond. La fondatrice du refuge, Yaisah Val, est intarissable lorsqu’on lui demande comment les personnes transgenres en Haïti traversent la pandémie de COVID-19. « Lorsque le reste de la population s’enrhume, la communauté trans attrape une pneumonie. Ajoutez-y maintenant la faim, la pauvreté et les faibles ressources en Haïti, nous sommes toujours en marge de la société », explique-t-elle.

À plusieurs niveaux, Mme Val n’est pas aussi ostracisée que les personnes qu’elle aide. La première femme publiquement transgenre en Haïti se définit comme mère de deux enfants et épouse. Cette diplômée d’éducation et de psychologie clinique a travaillé en tant qu’enseignante et conseillère d’éducation avant de se consacrer à plein-temps à la mobilisation et à la lutte pour sa communauté et de devenir une porte-parole de l’identité de genre. Elle a été facilement acceptée en tant que femme au cours de ses années « de clandestinité ».

Née aux États-Unis d’Amérique de parents haïtiens, elle a grandi dans un environnement familial stable, a eu des enseignant-es qui l’ont soutenue, ainsi qu’une grand-mère qui l’aimait follement.

« Si tu deviens une fillette, tu seras la meilleure fillette, car tu seras la mienne », lui a déclaré un jour sa grand-mère alors qu’elle était encore un garçon prénommé Junior.

Mais elle demeure une exception. Selon le United Caribbean Trans Network, dans la région, les personnes transgenres sont beaucoup moins susceptibles de jouir du soutien de leur famille, de terminer leur éducation secondaire et de trouver un emploi. Elles ont plus de chance d’être sans abri, de vendre des prestations sexuelles pour survivre et d’être confrontées à des situations de violence extrême. Tous ces facteurs augmentent le risque d’infection au VIH au sein de la communauté. Une étude récente révèle que la prévalence du VIH parmi les femmes transgenres en Haïti est de 27,6 %, soit 14 fois plus que pour l’ensemble de la population.

Même si Mme Val a eu une vie « privilégiée » pendant 47 ans, cela n’a pas été un long fleuve tranquille.

Elle a su vers deux ou trois ans qu’elle était une fille. Ses proches n’arrêtaient pas de la corriger pour qu’elle se comporte comme un garçon : « Il faut endurcir ce gamin. On ne peut pas le laisser continuer comme ça. » À sept ans, elle est admise au Washington Children’s Hospital après s’être mutilé les organes génitaux. La puberté a « été l’horreur,... une période pleine de confusion et de haine tournée vers moi-même. »

Il y a 20 ans environ, elle s'autorise à devenir elle-même pendant le Carnaval haïtien. Elle tresse ses cheveux, enfile une robe et monte avec ses amis dans un tap-tap, un taxi collectif, bruyant et bigarré. Un homme flirte avec elle. Il lui dit qu’elle est jolie et lui tient la porte. Elle a l’impression d’être Cendrillon.

« Ce garçon a fini par découvrir qui j’étais et a été à deux doigts de me tabasser à mort », se souvient Mme Val. « Que tu viennes des classes aisées, moyennes ou de la rue, tant que tu es trans, cela ne fait aucune différence. Une fois que cela se sait, tout respect disparaît... tu n’es plus que ce truc. Ce simple mot te prive de toute humanité dans le regard des autres. »

Sa transition a été une libération. « Je vivais et j’étais vue comme la personne que j’étais et que j’ai toujours été. » Mais son identité était un secret difficile à porter par peur des violences ou de l’exclusion. Ses anciens partenaires n’ont su qu’elle était transgenre que des années plus tard lorsqu’elle l’a rendu public. Elle n’a révélé son secret qu’à l’homme qui allait devenir son mari au bout d’un an de vie commune et à quelques jours de leur mariage.

« Je ne conseille à personne de faire comme moi », souligne inlassablement Mme Val à l’attention des personnes transgenres cachant leur identité sexuelle à leur partenaire intime. « Cela peut être violent. Cela peut être dangereux. »

Dans son cas, cela a fonctionné. Son partenaire a décidé qu’elle était la même personne qu’il connaissait et qu’il aimait. Il y a trois ans, l’histoire s’est répétée lorsqu’elle a avoué la vérité à ses enfants.

« Cela m’a juste surpris », raconte son fils, Cedrick. « Cela a été un choc, mais positif. Mes parents avaient commencé doucement à préparer le terrain pendant quelques années, donc j’ai compris la situation. Et depuis, notre relation mère-fils dans son ensemble est passée à l’étape supérieure pour nous deux. Toutes les pièces du puzzle ont trouvé leur place. Maintenant, tout est logique, comme ses souvenirs d’enfance. »

Son coming-out auprès des êtres qui lui étaient les plus chers a ouvert grand la voie au militantisme. En 2016, Mme Val est devenue la première personne dans l’histoire d’Haïti à s’identifier publiquement en tant que personne transgenre. Elle est une partenaire essentielle de l’ONUSIDA en Haïti et des organisations lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) de l’île. L’année dernière, elle a participé à des discussions au niveau national sur les droits de la communauté LGBTI. Avec son mari, elle a commencé à accueillir des sans-abris transgenres. Cela a marqué le début du processus qui a débouché sur l’ouverture de Kay Trans Ayiti, ce refuge qui accueille aujourd’hui 10 personnes transgenres. Une campagne de financement participatif est en cours pour lancer un programme de soutien psychosocial, de conseil juridique pour le traitement hormonal substitutif et de formation professionnelle. L'une de leurs initiatives pour l’emploi concerne un stand de nourriture. Certain-es des résident-es vivent avec le VIH. Tous-tes reçoivent de l’aide pour respecter leur traitement antirétroviral.

Mme Val sait pour l’avoir vécu qu’accéder en tant que femme transgenre à des soins de santé sexuelle et reproductive peut être une expérience traumatisante. Elle se souvient de sa visite de contrôle chez un gynécologue en Haïti pour sa vaginoplastie. Le docteur n’a pas compris ce que signifiait « transgenre ». À la fin de la visite, le gynécologue a appelé des collègues pour venir voir.

« J’étais une chaîne YouTube, une page Google,... mais pas du tout un être humain. J’étais bouleversée. Je pleurais. C’est bien pour cela que les personnes transgenres n’accèdent pas aux soins de santé ! Nous avons beaucoup d’hommes trans qui ont des problèmes gynécologiques et qui préfèrent préparer des traitements à base d’herbes plutôt que d’aller chez le médecin », raconte Mme Val.

Son groupe, Action Communautaire pour l’intégration des Femmes Vulnérables en Haïti ou ACIFVH, travaille avec deux établissements spécialisés dans le VIH afin de sensibiliser le personnel dispensant des soins. Combattre l’ignorance et le conservatisme n’est pas chose aisée. Même à l’issue de formations, des médecins et des infirmières des deux sexes ont essayé d’imposer leurs opinions religieuses aux intervenant-es.  

« J’ai eu de la chance de ne pas avoir été écrasée par la transphobie et la discrimination », se rend compte Mme Val. « Imaginez si je n’avais pas eu une grand-mère qui m’a soutenue, une éducation et des portes qui se sont ouvertes. Je n’aurais jamais pu être la personne que vous avez devant vous aujourd’hui. »

« Si vous jetez une graine sur du béton, elle ne va pas pousser. Être trans n’est pas le problème. Le problème, c'est la réaction des gens : jeter à la rue les personnes trans, ne pas leur offrir de travail, ne pas les accueillir dans les écoles. Nous avons besoin d’une place dans la société. C’est dur. Cela va prendre du temps. Mais quelqu’un doit faire le premier pas. »

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