Reportage
S’opposer à une application trop large du droit pénal en matière de transmission du VIH
14 novembre 2008
14 novembre 200814 novembre 2008Au cours de ces dernières années, on a constaté un accroissement du nombre des personnes poursuiv
Au cours de ces dernières années, on a constaté un accroissement du nombre des personnes poursuivies pour avoir transmis le VIH, en particulier en Europe et en Amérique du Nord – les cas se chiffrant désormais en centaines dans le seul monde anglo-saxon. On assiste aussi à une multiplication des lois qui criminalisent la transmission du VIH et l’exposition au virus, d’après les rapports émanant d’Afrique subsaharienne, d’Asie, et d’Amérique latine et des Caraïbes.
Dès 1996 déjà, l’ONUSIDA et le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ont fait part de leur préoccupation à propos de l’application inappropriée et trop large du droit pénal à la transmission du VIH et ont fourni des orientations à ce propos dans les Directives internationales sur le VIH/sida et les droits de l’homme. En 2002, l’ONUSIDA a publié un document plus détaillé sur les politiques possibles à cet égard. Toutefois, à la lumière des préoccupations croissantes concernant la multiplication de ces lois, l’ONUSIDA et le PNUD ont estimé nécessaire de publier récemment un document d’orientation politique intitulé « Criminalisation de la transmission du VIH ».
La transmission intentionnelle du VIH
Le document d’orientation politique formule des recommandations spécifiques à l’intention des gouvernements, de la société civile et des partenaires internationaux et préconise que la criminalisation se limite aux cas de transmission intentionnelle du VIH. Si l’ONUSIDA et le PNUD reconnaissent que l’utilisation du droit pénal peut se justifier dans des circonstances limitées – par exemple lorsqu’une personne, se sachant séropositive, agit dans l’intention de transmettre le VIH, et qu’elle le transmet effectivement – ils craignent qu’au-delà de ces cas des sanctions pénales risquent d’être appliquées à des gens qui ne sont en fait pas à blâmer, stigmatisent davantage les personnes vivant avec le VIH, et aient un effet dissuasif en ce qui concerne le partage de la responsabilité en matière de santé sexuelle et le fait de chercher à connaître son statut VIH.
Le document d’orientation politique souligne les préoccupations au sujet des répercussions potentiellement négatives sur une prévention efficace de la transmission du virus, les problèmes liés à la révélation du statut VIH aux partenaires, les erreurs judiciaires, ainsi que les retombées néfastes possibles sur les femmes et les filles.
Consultation internationale sur la criminalisation de la transmission du VIH
En novembre 2007, le Secrétariat de l’ONUSIDA et le PNUD ont organisé une « Consultation internationale sur la criminalisation de la transmission du VIH » afin de passer en revue les développements récents dans ce domaine. La réunion a rassemblé divers points de vue mais a également fait part de sa préoccupation croissante au sujet de la tendance visant à criminaliser la transmission du VIH. Un rapport circonstancié émanant de cette réunion de trois jours a été rendu public. Il offre une vue d’ensemble sur les discussions, un résumé des principaux thèmes abordés et des conclusions des participants, qui comportaient des parlementaires, des membres du pouvoir judiciaire, des experts en droit pénal, des représentants de la société civile et des personnes vivant avec le VIH, aux côtés de représentants de l’OMS, de l’OIT et du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.
Le rapport comprend également le résumé fourni par Edwin Cameron, juge à la Cour suprême d’appel en Afrique du Sud.
« Ce qu’ont souligné les participants à la réunion, c’est le fait que les lois qui criminalisent l’exposition au VIH et la transmission du virus sont simplement de la ‘poudre aux yeux’, et qu’elles sont dangereuses et inefficaces pour la riposte au sida, » a déclaré Susan Timberlake, Conseillère principale pour le droit et les droits de l’homme, Secrétariat de l’ONUSIDA.
« Le droit pénal ne remplacera jamais les programmes exhaustifs et fondés sur des preuves pour la prévention du VIH. En fait, une large criminalisation pourrait faire reculer les efforts de prévention en dissuadant les gens de connaître leur statut VIH, de le révéler à leurs partenaires, et d’accéder au traitement. »
Il n’est pas prouvé que l’utilisation du droit pénal réduise la transmission du VIH
Les principales raisons invoquées pour l’application du droit pénal sont soit de punir quiconque a causé un tort soit d’empêcher les comportements risqués menant à la transmission du VIH.
Il n’est toutefois pas prouvé que l’utilisation du droit pénal soit une mesure efficace pour réduire la transmission du VIH, et les experts s’inquiètent du fait que la criminalisation soit susceptible d’avoir des répercussions négatives sur la riposte globale au VIH, notamment la prévention du VIH.
Les effets potentiellement négatifs de l’utilisation du droit pénal
De crainte d’être poursuivis, les gens risquent d’être plus réticents à se faire tester et à chercher à connaître leur statut VIH, qui sont perçus comme un moyen de « défense juridique ». Ces lois, ainsi que l’évocation des cas dans les médias, risquent de saper le message de santé publique, à savoir qu’il est préférable de prendre la responsabilité de sa propre protection plutôt que de compter sur l’obligation juridique qu’ont les personnes séropositives au VIH de révéler leur statut.
La criminalisation peut aussi provoquer la méfiance dans les relations avec les dispensateurs de soins car les tribunaux pourraient citer des dossiers médicaux au cours des procès. Enfin, bien que beaucoup de ces lois aient été adoptées comme une « mesure pour protéger les femmes », nombreux sont les experts qui craignent qu’elles ne soient appliquées de manière disproportionnée aux femmes vivant avec le VIH. Les femmes sont souvent les premières à apprendre leur séropositivité et ne peuvent pas en parler à leurs partenaires de peur d’être confrontées à la violence ou d’être abandonnées. Elles sont aussi moins susceptibles que les hommes d’avoir accès au conseil juridique.
Pour ces raisons, entre autres, un grand nombre d’experts craignent que les conséquences potentiellement néfastes tant pour la santé publique que pour les droits de l’homme ne l’emportent de loin sur les avantages possibles qui pourraient découler d’une application accrue et trop large du droit pénal à la transmission du VIH. .