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« Nous sommes toutes et tous dans le même bateau » : l’action de Uganda Young Positives contre la COVID-19
25 mai 2020
25 mai 2020 25 mai 2020Kuraish Mubiru se lève tous les jours à l’aube pour se rendre dans différents établissements de santé. Il va y chercher des renouvellements de thérapie antirétrovirale qu’il livre ensuite à des connaissances et à d’autres membres de la communauté vivant avec le VIH. Voilà ce qu’est devenu son quotidien depuis ces sept dernières semaines.
M. Mubiru est directeur exécutif de l’Uganda Young Positives (UYP), une organisation communautaire qui rassemble des jeunes vivant avec le VIH et tirant leur subsistance principalement du secteur informel. L’UYP concentre son action sur le renforcement des services de prévention, de soin et d’aide liés au VIH à destination de ses quelque 50 000 membres.
Lors de son discours à la nation du 18 mars à propos de la pandémie mondiale de COVID-19, le président ougandais Yoweri Museveni a annoncé la mise en place de mesures comme des restrictions s’appliquant aux grands rassemblements, la fermeture de la plupart des magasins et l’arrêt des transports publics. Depuis lors, les personnes vivant avec le VIH et la tuberculose éprouvent des difficultés à accéder à leurs soins habituels ou aux renouvellements de leurs médicaments vitaux.
Suite à ces mesures, M. Mubiru s’est mis à recevoir des appels de jeunes dont la subsistance et le traitement du VIH dépendaient d’établissements fermés. L’impact des restrictions commençait à se faire sentir. Des jeunes ne pouvaient plus se rendre dans leurs établissements de santé afin d’accéder à des soins et à leur traitement ou encore s’offrir un repas.
Même si les centres de santé et des organisations issues de la société civile ont fait des efforts pour rapprocher les antirétroviraux de la population, les groupes communautaires de soutien et les établissements de santé signalent qu’une partie non négligeable de la population ne reçoit toujours pas d’antirétroviraux. Ces personnes ont peur de la stigmatisation et de la discrimination qu’elles pourraient rencontrer au sein de leur communauté et de leur famille.
« Cela a été une période difficile pour la communauté et notre résilience a été mise à rude épreuve, car nos membres avaient plus que jamais besoin de nous », explique M. Mubiru. « Nous avons dû quitter notre zone de confort, réfléchir et agir vite afin que la riposte nationale au VIH ne perde pas tous ses acquis à cause de la COVID-19. »
M. Mubiru s’est porté volontaire et a mis sa voiture à disposition pour aider les personnes dans sa situation à obtenir leur traitement contre le VIH. Au début, il a payé l’essence et acheté de la nourriture sur ses fonds propres, mais il a rapidement épuisé ses économies.
L'une de ses principales difficultés en commençant a été de faire le plein de sa voiture pour continuer ses livraisons quotidiennes de médicaments, puis ces dernières ont été menacées par le durcissement des restrictions s’appliquant aux moyens de transport privés. Grâce au soutien de l’ONUSIDA, de l’Infectious Disease Institute et du ministère de la Santé, M. Mubiru a obtenu une autorisation lui permettant de poursuivre son action pour sa communauté.
Au cours d’une de ses livraisons quotidiennes, la police a saisi la voiture de M. Mubiru pendant plus de quatre heures et l’a fait attendre. Il a fallu que la hiérarchie de la police s’en mêle pour que M. Mubiru retrouve sa liberté et sa voiture. La police l’a arrêté plus d’une fois pour savoir où il allait, ce qui le mettait en retard et l’obligeait à rentrer chez lui après 19 h, l’heure du couvre-feu.
La volonté de M. Mubiru pour aider sa communauté est toutefois inébranlable. Il sait que certaines personnes auraient du mal à se rendre dans l’établissement de santé le plus proche pour renouveler leur ordonnance d’antirétroviraux, à avouer aux autorités locales la raison pour laquelle elles ont besoin d’une autorisation de déplacement ou à avoir une voiture arborant le nom d’une organisation communautaire garée devant leur porte.
« Ce sont de telles situations qui me motivent à me lever tous les matins. Nous sommes toutes et tous dans le même bateau. La COVID-19 passera et la vie reprendra son cours », continue-t-il.
M. Mubiru livre en moyenne huit traitements par jour environ à des membres de sa communauté. Outre les longues distances et les endroits difficiles d’accès où il doit se rendre, la nourriture est l’une des plus grandes problématiques, car les gens peuvent avoir plus de mal à suivre leur traitement s’ils sont faim. La stigmatisation et la non-divulgation du statut sérologique posent aussi un sérieux problème aux personnes souhaitant obtenir des antirétroviraux dans un établissement à proximité de leur domicile.
« L’épidémie de COVID-19 est en train d’avoir un impact considérable sur les personnes vivant avec le VIH », souligne la directrice pays de l’ONUSIDA pour l’Ouganda, Karusa Kiragu. « Nous devons garantir qu’elle n’aura pas d’incidence sur l’adhésion au traitement du VIH. La solution pour cela consiste à fournir des antirétroviraux pour plusieurs mois tout en confiant une riposte solide aux communautés », conclut-elle.
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Modéliser les situations extrêmes : COVID-19 et mortalité liée au sida
25 mai 2020
25 mai 2020 25 mai 2020Kimberly Marsh travaille depuis six ans pour l’ONUSIDA en tant que conseillère senior en modélisation et en épidémiologie. Elle aide les pays à évaluer l’impact de l’épidémie du VIH aussi bien au niveau mondial que régional.
Pouvez-vous m’en dire plus sur votre dernier rapport de modélisation ? Si je ne me trompe pas, vous vous êtes penchée sur des scénarios possibles en Afrique subsaharienne à l’heure de la COVID-19.
Les modèles portaient sur différentes perturbations possibles des services de lutte contre le VIH en Afrique subsaharienne dues à la pandémie de COVID-19. Ces perturbations peuvent avoir un impact sur l’incidence du VIH (le nombre de nouvelles infections au VIH) et sur le nombre de décès supplémentaires liés au sida par rapport à ce que nous aurions recensé si la pandémie de COVID-19 ne s’était pas déclarée.
Ces questions nous intéressent tout particulièrement, car nous savons que plus des deux tiers des personnes vivant avec le VIH dans le monde se trouvent en Afrique subsaharienne. On parle pour 2018 de 25,7 millions de personnes séropositives, de 1,1 million de nouvelles infections et de 470 000 décès de causes liées au sida environ. Parmi toutes les personnes vivant avec le VIH dans la région, 64 % suivent une thérapie antirétrovirale indispensable à leur survie et qui les empêche aussi de transmettre le virus.
Pour nous, il est vraiment important de pouvoir garantir qu’elles auront accès aux services. Les modèles actuels portaient sur différentes perturbations : un arrêt total de tous les services liés au VIH sur une période de trois et six mois. Et nous avons regardé les conséquences à un an et à cinq ans. Gardez toutefois à l’esprit qu’il ne s’agit que de scénarios poussés à l’extrême. Nous ne nous attendons pas à ce qu’ils se produisent, mais ils nous permettent de répondre à deux questions. La première : quels sont les services essentiels liés au VIH pour éviter des décès et de nouvelles infections supplémentaires ? La deuxième : que pourrait-il se passer si nous ne limitons pas ces perturbations ou si nous ne luttons pas contre.
Quelles sont les deux grandes idées à tirer de cette masse gigantesque de travail ?
Cette modélisation prédit qu’un arrêt de six mois du traitement au VIH pourrait se traduire par 500 000 décès supplémentaires en Afrique subsaharienne. Ainsi, lorsque l’on compare avec les estimations de l’ONUSIDA concernant l’évolution de la mortalité du sida au cours des ans, cela nous ramènerait au niveau de 2008 où nous avions près d’un million de décès.
Le traitement du VIH est essentiel, c’est indubitable. Garantir la disponibilité du traitement du VIH pendant les trois à six mois à venir aux personnes qui en ont besoin, telle doit être la priorité des pays qui veulent éviter une recrudescence des décès et de l’incidence du VIH. Tous les pays devraient s’assurer que leurs chaînes d’approvisionnement leur fournissent suffisamment de médicaments à distribuer et que les personnes aient assez de médicaments pour traverser les prochains mois.
La seconde chose à dire est qu’il s’agit de projections. Il est toujours temps de garantir que les personnes reçoivent les services de traitement du VIH dont elles ont besoin.
Évitons les prévisions de ce modèle et fournissons aux personnes séropositives les médicaments contre le VIH.
Qu’en est-il de la prévention du VIH ? Assurer la disponibilité de préservatifs a-t-elle un impact ?
Lorsque l’on regarde les services de prévention de plus près, nos modèles révèlent que la disponibilité des préservatifs influe sur les résultats. Il est important de dire que le traitement est primordial, mais que des aspects comme l’accès aux préservatifs jouent un rôle primordial. Nous avons constaté une augmentation relative de l’incidence du VIH de 20 à 30 % sur un an si les préservatifs manquent pendant six mois. Ils doivent donc véritablement figurer dans nos priorités.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l’évolution de la transmission de la mère à l’enfant du VIH dans vos scénarios ?
Dans nos scénarios, nous avons regardé l’impact d’une interruption des services de dépistage du VIH, ainsi que des perturbations empêchant les femmes d’obtenir leur traitement pour protéger leurs enfants de la transmission du VIH. Depuis cinq à dix ans, ces médicaments ont notablement réduit les nouvelles infections du VIH chez les enfants. Les différents modèles ont révélé que leur suppression provoquerait une augmentation des nouvelles infections du VIH chez les enfants pouvant atteindre 162 % dans les pays que nous avons étudiés. Il est donc vraiment essentiel de maintenir les services de prévention de la transmission de la mère à l’enfant du VIH.
Vous avez dit qu’il s’agit d’un scénario extrême, pas d’une prophétie, mais vous continuez de croire en la modélisation ?
Les modèles sont très importants pour explorer les questions que les pays posent régulièrement à l’ONUSIDA et à l’Organisation mondiale de la Santé lorsqu’ils réfléchissent à des approches stratégiques concernant leur riposte au VIH. Les modèles ne sont pas parfaits, mais ils ont beaucoup à nous apprendre. Je pense que cette modélisation met vraiment en avant des stratégies qui deviendront importantes dans les prochains mois alors que la COVID-19 s’abattra véritablement ou potentiellement sur l’Afrique subsaharienne.
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31 octobre 2024




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Reconnaître l’action des personnes transgenres
14 mai 2020
14 mai 2020 14 mai 2020En temps normal, l’Humsafar Trust n’apporte pas d’aide humanitaire, mais la COVID-19 a changé la donne.
Quelques jours après l’entrée en vigueur des mesures de confinement en Inde, les équipes de l’Humsafar Trust ont commencé à recevoir des appels désespérés de personnes qui n’avaient nulle part où aller et aucun revenu, explique Vivek Anand, le directeur exécutif de cette organisation non gouvernementale indienne de Mumbai qui soutient la communauté lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre et intersexuée (LGBTI). L’équipe s’est alors réunie de toute urgence pour décider de la marche à suivre. « Après avoir cherché pendant longtemps à évaluer les besoins d’une manière ou d’une autre, nous sommes tombés d’accord sur une chose : commencer par fournir une aide alimentaire », continue-t-il.
Les membres de l’ONG ont mis de l’argent en commun pour acheter de la nourriture et d’autres produits de première nécessité.
Ils se sont ensuite rendus au sein de leurs communautés et ont annoncé que l’Humsafar Trust avait lancé un fonds d’urgence pour la COVID-19. En trois jours, plus de 700 personnes ont demandé de l’aide. « Grâce aux dons venant de communautés, d’alliés, d’entreprises et de certains organismes donateurs, nous avons aidé plus de 2 000 personnes en leur fournissant de la nourriture, un accès à des soins médicaux, comme des antirétroviraux, une aide financière et en leur permettant de faire une demande d’aide au gouvernement », indique fièrement M. Anand alors que son climatiseur souffle des vagues d’air frais à travers le petit bureau à son domicile.
Il a l’impression que la riposte à la pandémie oublie la communauté LGBTI. « La situation socioéconomique de 70 % des membres de notre communauté est précaire sans aucune épargne », poursuit-il.
L’Humsafar Trust dédie son action en particulier aux personnes transgenres, qui, selon M. Anand, sont les plus touchées. « Non seulement elles disposent en temps normal de faibles revenus pour assurer leur subsistance, mais beaucoup d’entre elles n’ont pas de papiers d’identité, si bien qu’elles n’existent pas aux yeux des autorités qui distribuent des aides », continue M. Anand.
Le confinement est source de difficultés financières et se traduit également par du stress psychologique. M. Anand raconte qu’un des membres de son équipe transgenre au sein de l’Humsafar Trust ne peut pas dire son nom lors des actions sur le terrain, car elle vit avec ses parents qui considèrent qu’elle est un garçon. D’autres sont soumis à des pressions pour se marier, ou encore sont victimes de mauvais traitements et de violences.
Debout devant un magasin de légumes afin que son téléphone capte mieux, Shreya Reddy déclare avoir toujours voulu être femme. Elle n’a jamais renoncé malgré le fait d’être née garçon et d’être la cible constante de brimades et de moqueries. À 13 ans, elle fugue pour rejoindre une communauté hijra composée en majorité de personnes transgenres. Quatre ans plus tard, elle commence sa transition sexuelle grâce à l’argent qu’elle gagne en tant que professionnelle du sexe. Plus tard, continue Mme Reddy, elle se rend compte qu’elle doit étudier si elle veut s’en sortir. Son diplôme de travailleuse sociale et son expérience la mènent à l’Humsafar Trust où elle devient éducatrice et travailleuse de proximité auprès des personnes dans sa situation. La COVID-19 a eu un impact sur sa vie à plusieurs titres.
« C’était horrible, je ne pouvais plus obtenir mes hormones, j’ai perdu du poids et je saignais », explique-t-elle avant d’ajouter que le confinement empêche de faire les visites de contrôle régulières chez les gynécologues. « Et ma communauté n’arrive pas à comprendre toutes les règles et le jargon scientifique. Pour faire simple, beaucoup de personnes comme moi rencontrent d’énormes difficultés que ce soit pour payer leur loyer ou acheter le strict minimum », dit Mme Reddy.
Et d’ajouter en parlant de plus en plus vite : « ces personnes n’ont pas reçu une grande éducation, elles ont peur et la méfiance règne. »
L’état de santé de Mme Reddy s’est amélioré depuis et elle indique s’impliquer totalement dans son action sur le terrain. Une femme transgenre de sa communauté lui a dit après avoir perdu tous ses revenus : « mieux vaut mourir. » « Je m’émancipe en parlant aux gens », déclare-t-elle. « Nous sommes toutes et tous si vulnérables et, comme nous sommes une population à faible revenu, nous avons besoin d’aide. »
Le rapport Vulnerability amplified: the impact of the COVID-19 pandemic on LGBTIQ people publié récemment par OutRight Action International révèle que les répercussions du virus et des mesures de confinement sont amplifiées chez les personnes LGBTI dans le monde par rapport au reste de la population. Jessica Stern, la directrice exécutive d’OutRight, a déclaré : « Pour nous, la situation est grave. Je crains la mort de nombreux membres de la communauté LGBTI parce que nous affrontons davantage de vulnérabilité. »
Montrant derrière elle les vendeuses et vendeurs sur le marché, Mme Reddy raconte : « Je les aide aussi à comprendre comment utiliser les masques et les désinfectants. J’aide tout le monde, mais j’ai peur de l’avenir. »
M. Anand abonde en son sens. Il doit prolonger le fonds d’urgence jusqu’au mois d'août.
« Chaque jour apporte un nouveau défi », soupire-t-il. Toutes ses équipes qui sillonnent habituellement les rues ne peuvent pas travailler en ligne. En plus, il souligne qu’un nombre croissant de personnes choisit la clandestinité, ce qui ne facilite pas la prise de contact.
Se souvenant de sa jeunesse, il explique qu’il s’est assumé sur le tard. « Je ne connaissais personne qui était gay », se rappelle-t-il. Lorsque sa relation secrète a pris fin au bout de neuf ans, il n’avait personne à qui parler. Il s’est alors senti seul et abandonné. « À partir de cet instant, l’Humsafar Trust est devenu ma maison et ma famille. » Il ajoute qu’il ne souhaite juger personne au cours de cette période difficile et il répète que son devoir consiste en priorité à aider les autres.
Mais ce qu’il veut vraiment, c’est que l’action de la communauté transgenre dans la riposte à la COVID-19 ne reste pas dans l’ombre. « Il faut lui donner une voix, la rendre visible et lui accorder la place qui lui revient », conclut-il.
Notre action
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Hommage à Charles Domingo Noubissi
01 mai 2020
01 mai 2020 01 mai 2020« Le baobab est tombé. » Voilà le message écrit sur un fond noir qu’a publié Francine Nganhale sur sa page Facebook le 30 avril 2020.
Son mari, Charles Domingo Noubissi, venait de s’éteindre.
La nouvelle en a surpris plus d’un, car M. Noubissi était habité d’un tel esprit combattif. Il avait des problèmes de santé, mais il manquait rarement une réunion pour militer en faveur de la riposte au VIH.
En tant que président du conseil d’administration du réseau camerounais des associations de personnes vivant avec le VIH, il était un pilier de la riposte au sida dans son pays et dans la région.
Il nous manquera beaucoup et nous le remercions pour toutes ces années de leadership et d’engagement et pour avoir été un champion de la riposte dirigée par les communautés.
L’ONUSIDA a eu le plaisir d’interviewer Charles Noubissi et sa femme en 2019. Cet entretien a révélé deux personnes vivant avec le VIH qui gardaient la tête haute. Vous trouvez ici cet article :
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S’unir pour un vaccin pour tou-te-s contre le COVID-19
14 mai 2020
14 mai 2020 14 mai 2020L'humanité d'aujourd'hui, vulnérable face à ce virus, est à la recherche d'un vaccin efficace et sûr contre le COVID-19. C'est notre meilleur espoir de mettre un terme à cette douloureuse pandémie mondiale.
Nous demandons aux ministres de la santé réunis à l'Assemblée mondiale de la santé de se rallier d'urgence à la cause d'un vaccin pour tou-te-s contre cette maladie. Les gouvernements et les partenaires internationaux doivent s’engager : lorsqu'un vaccin sûr et efficace sera développé, il devra être produit rapidement à grande échelle et mis gratuitement à la disposition de tous, dans tous les pays. Il en va de même pour tous les traitements, diagnostics et autres technologies contre le COVID-19.
Nous reconnaissons que de nombreux pays et organisations internationales progressent vers cet objectif, en coopérant multilatéralement en matière de recherche et de développement, de financement et d'accès, y compris les 7,4 milliards d’euros annoncés le 4 mai dernier, dont il faut se féliciter. Grâce aux efforts inlassables des secteurs public et privés, et à des milliards de dollars de recherche financée par les pouvoirs publics, la découverte d’un vaccin potentiel progresse à une vitesse sans précédent et plusieurs essais cliniques ont déjà commencé.
Notre monde sera plus sûr que lorsque tout le monde pourra bénéficier de la science et avoir accès à un vaccin – ce qui est un défi politique. L'Assemblée mondiale de la santé doit parvenir à un accord mondial qui garantisse un accès universel rapide à des vaccins et à des traitements de qualité, les besoins étant prioritaires sur la capacité de payer.
Il est temps que les ministres de la Santé renouvellent les engagements pris lors de la création de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), où tous les États ont convenu d'assurer "le meilleur état de santé possible en tant que droit fondamental de tout être humain".
Ce n'est pas le moment de favoriser les intérêts des entreprises et des gouvernements les plus riches, au détriment de la nécessité universelle de sauver des vies, ou de laisser cette tâche importante et morale aux forces du marché. L'accès aux vaccins et aux traitements en tant que biens publics mondiaux est dans l'intérêt de toute l'humanité. Nous ne pouvons pas laisser des monopoles, une concurrence grossière et un nationalisme myope faire obstacle à cet accès à la santé.
Nous devons tenir compte de l'avertissement selon lequel "ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le répéter". Nous devons tirer les douloureuses leçons d'une histoire d'inégalité d'accès face à des maladies telles que le VIH et le virus Ebola. Mais nous devons également nous souvenir des victoires révolutionnaires des mouvements de santé, notamment des militants et des défenseurs de la lutte contre le sida qui se sont battus pour l'accès de tou-te-s à des médicaments abordables.
En appliquant ces leçons, nous appelons à un accord mondial sur les vaccins, les diagnostics et les traitements COVID-19 - mis en œuvre sous la direction de l'Organisation mondiale de la Santé - qui :
- Garantit le partage mondial obligatoire de toutes les connaissances, données et technologies liées au COVID-19 avec un ensemble de licences COVID-19 librement accessibles à tous les pays. Les pays devraient être habilités et autorisés à utiliser pleinement les sauvegardes et les flexibilités convenues dans la déclaration de Doha sur l'accord sur les ADPIC et la santé publique afin de protéger l'accès aux médicaments pour tous.
- Établit un plan mondial et équitable de fabrication et de distribution rapide - entièrement financé par les pays riches - pour le vaccin et tous les produits et technologies COVID-19, qui garantit la transparence "au prix coûtant réel" et l'approvisionnement en fonction des besoins. Il est urgent d'agir pour renforcer massivement les capacités mondiales de fabrication de milliards de doses de vaccins et pour former et recruter les millions d'agents de santé rémunérés et protégés nécessaires pour les administrer.
- Garantit que les vaccins, diagnostics, tests et traitements COVID-19 sont fournis gratuitement à tous, partout. L'accès doit être prioritairement réservé aux travailleurs de première ligne, aux personnes les plus vulnérables et aux pays pauvres les moins à même de sauver des vies.
Ce faisant, personne ne peut être laissé pour compte. Une gouvernance démocratique et transparente doit être mise en place par l'OMS, avec la participation d'experts indépendants et de partenaires de la société civile, ce qui est essentiel pour garantir la redevabilité de cet accord.
Ce faisant, nous reconnaissons également le besoin urgent de réformer et de renforcer les systèmes de santé publics dans le monde entier, en supprimant tous les obstacles afin que les riches comme les pauvres puissent accéder aux soins de santé, aux technologies et aux médicaments dont ils ont besoin, gratuitement au moment où ils en ont besoin.
Seul un vaccin pour tous - dont l'égalité et la solidarité sont la base - peut protéger toute l'humanité et permettre à nos sociétés de fonctionner à nouveau en toute sécurité. Un accord international audacieux ne peut pas attendre.
Signé,
Nana Addo Dankwa Akufo-Addo – President of the Republic of Ghana
Imran Khan - Prime Minister of the Islamic Republic of Pakistan
Cyril Ramaphosa - President of the Republic of South Africa and Chairperson of the African Union
Macky Sall - President of the Republic of Senegal
Karen Koning Abuzayd - Commissioner of the Independent International Commission of Inquiry for Syria, Under Secretary-General as UNRWA Commissioner-General (2005-2010)
Maria Elena Agüero - Secretary General, World Leadership Alliance-Club de Madrid
Esko Aho - Prime Minister of Finland (1991-1995)¹
Dr. Shamshad Akhtar - Former UN Under-Secretary-General and Executive Secretary of the Economic and Social Commission for Asia and the Pacific
Rashid Alimov - Secretary General, Shanghai Cooperation Organization (2016-2019), Minister of Foreign Affairs of Tajikistan (1992-1994)²
Amat Alsoswa - Former Yemen’s Minister for Human Rights, Former United Nations Assistant Secretary General, UNDP Assistant Administrator and Regional Director/ Arab States Bureau
Philip Alston - John Norton Pomeroy Professor of Law, New York University School of Law and Former UN Special Rapporteur on extreme poverty and human rights
Baroness Valerie Amos - United Nations Undersecretary General for Humanitarian Affairs and Emergency Relief Coordinator (2010-2015)
Rosalia Arteaga Serrano - President of Ecuador (1997)²
Maria Eugenia Brizuela de Avila - Minister of Foreign Affairs of Salvador (1999-2004)
Shaukat Aziz - Prime Minister of Pakistan (2004-2007), former VP of the Citibank²
Jan Peter Balkenende - Prime Minister of The Netherlands (2002-2010)¹
Joyce Banda - President of the Republic of Malawi (2012-2014) and Champion for an AIDS- Free Generation¹
Nelson Barbosa - Professor, FGV and the University of Brasilia, and former Finance Minister of Brazil
José Manuel Barroso - Prime Minister of Portugal (2002-2004), President of the European Commission (2004-2014)¹
Carol Bellamy - Former Executive Director, UNICEF (1995-2005)
Valdis Birkavs - Prime Minister of Latvia (1993-1994)¹
Irina Bokova - Director-General of UNESCO (2009-2017)
Gordon Brown - Prime Minister of the United Kingdom (2007-2010)
Sharan Burrow - General Secretary of the International Trade Union Confederation (ITUC)*
Winnie Byanyima - Executive Director of UNAIDS and UN Under-Secretary General
Kathy Calvin - Former Chief Executive Officer of the United Nations Foundation
Kim Campbell - Prime Minister of Canada (1993)¹
Fernando Henrique Cardoso - President of Brazil (1995-2003)¹
Gina Casar - Senior Advisor to the Executive Director, World Food Programme
Hikmet Cetin - Minister of Foreign Affairs of Turkey (1991-1994), former Speaker of the Parliament²
Ha-Joon Chang - Director, Centre of Development Studies, University of Cambridge
Judy Cheng-Hopkins - Former Assistant Secretary-General, Peacebuilding Support, United Nations
Laura Chinchilla - President of Costa Rica (2010-2014)¹
Joaquim Chissano - President of the Republic of Mozambique (1986-2005) and Champion for an AIDS- Free Generation¹
Helen Clark - Prime Minister of New Zealand (1999-2008), UNDP Administrator (2009-2017)¹²
Emil Constantinescu - President of Romania (1996-2000)²
Radhika Coomaraswamy - former UN Under Secretary General and The Special Representative on Children and Armed Conflict
Ertharin Cousin - Executive Director of the United Nations World Food Programme (2012-2017)
Paula A. Cox - Premier of Bermuda (2010-2012)
Herman De Croo - Minister of State of Belgium; Honorary Speaker of the House²
Olivier De Schutter - Special Rapporteur on extreme poverty and human rights
Danny Dorling - Professor of Human Geography at Oxford University
Ruth Dreifuss - President of Switzerland (1999) and Federal Councillor (1993-2002)
Diane Elson - Emeritus Professor University of Essex, Member of UN Committee for Development Policy
Maria Fernanda Espinosa - President of the United Nations General Assembly (2018-2019), Minister of Foreign Affairs of Ecuador (2007-2009, 2017-2018) and Member of the Political Advisory Panel of UHC2030
Moussa Faki - Chairperson of the African Union Commission
Christiana Figueres - Executive Secretary of UNFCCC (2010-2016)
Vigdís Finnbogadóttir - President of Iceland (1980-1996)¹
Louise Fréchette - UN Deputy Secretary-General (1998-2006)
Sakiko Fukuda-Parr - Director of the Julien J. Studley Graduate Programs in International Affairs and Professor of International Affairs at The New School
Patrick Gaspard - Former United States Ambassador to South Africa, President of the Open Society Foundations
Jayati Ghosh - Professor of Economics at Jawaharlal Nehru University
Felipe González - President of the Government of Spain (1982-1996)¹
Rebeca Grynspan - Vice President of Costa Rica (1994-1998), Ibero-American Secretary General
Alfred Gusenbauer - Chancellor of Austria (2007-2008)¹
Tarja Halonen - President of Finland 2000-2012, BoT Member NGIC*
Han Seung-Soo - Prime Minister of the Republic of Korea (2008-2009)¹
Noeleen Heyzer - Member of the UN Secretary-General's High Level Advisory Board on Medication²
Mladen Ivanic - President of Bosnia and Herzegovina (2014-2018)²
Devaki Jain - Feminist economist, Honorary Fellow at St Anne’s College, Oxford and member of the erstwhile South Commission (1987-90)
Arjun Jayadev - Professor of Economics at Azim Premji University
Rob Johnson - President of the Institute for New Economic Thinking
Ellen Johnson Sirleaf - President of the Republic of Liberia (2006-2018)¹
Mehdi Jomaa - Prime Minister of Tunisia (2014-2015)¹
Anthony T. Jones - Vice-President and Executive Director of Gorbachev Foundation of North America (GFNA)¹
Ivo Josipovic - President of Croatia (2010-2015)²
Naila Kabeer - Professor of Gender and International Development at the London School of Economics
Michel Kazatchkine - Special Advisor to the Joint United Nations Programme on AIDS (UNAIDS) in Eastern Europe and Central Asia, and Senior Fellow, Global Health Center, the Graduate Institute of International and Development Studies, Geneva
Kerry Kennedy - President Robert F. Kennedy Human Rights, BoT Member NGIC*
Rima Khalaf - President of the Global Organization against Racial Discrimination and Segregation, and Executive Secretary of the United Nations Economic and Social Commission for Western Asia (2010-2017)
Jakaya Mrisho Kikwete - President of Tanzania (2005-2015)*
Horst Köhler - President of Germany (2004-2010)¹
Jadranka Kosor - Prime Minister of Croatia (2009-2011)²
Bernard Kouchner - Minister of Health of France (1992-1993, 1997-1999, 2001-2002), Minister of Foreign affairs of France (2007-2010); founder of Médecins sans frontiers / Doctors Without Borders (MSF) and Médecins du Monde / Doctors of the World (MdM)
Chandrika Kumaratunga - President of Sri Lanka (1994-2005)¹
Aleksander Kwaśniewski - President of Poland (1995-2005)¹²
Rachel Kyte CMG - Dean of The Fletcher School of Law and Diplomacy, Tufts University
Luis Alberto Lacalle Herrera - President of Uruguay (1990-1995)¹
Ricardo Lagos - President of Chile (2000-2006)¹
Zlatko Lagumdzija - Prime Minister of Bosnia and Herzegovina (2001-2002)¹²
Laura Liswood - Secretary General of the Council of Women World Leaders
Nora Lustig - President Emerita of the Latin American and Caribbean Economic Association, Professor of Latin American Economics, Tulane University
Jessie Rose Mabutas - Executive Board Member, African Capacity Building Foundation, Expert Member, Accreditation Panel of the UN Adaptation Fund, and Executive Board Member, Section on African Public Administration of the American Society for Public Administration
Graça Machel - Founder, The Graça Machel Trust and Foundation for Community Development
Susana Malcorra - Minister of Foreign Affairs of Argentina (2015-2017)
Isabel Saint Malo - Vice President of Panama (2014-2019)
Purnima Mane - Global expert on gender, HIV and sexual and reproductive health issues, President of Pathfinder International (2012-2016)
Retno Lestari Priansari Marsudi - Minister for Foreign Affairs of the Republic of Indonesia*
Mariana Mazzucato - Professor at University College London and Founding Director of the UCL Institute for Innovation and Public Purpose (IIPP)
Mary McAleese - President of Ireland (1997-2011)
Rexhep Meidani - President of Albania (1997-2002)¹²
Carlos Mesa - President of Bolivia (2003-2005)¹
Branko Milanovic - Visiting Presidential Professor at the Graduate Center City University of New York
Aïchatou Mindaoudou - United Nations' Special Representative for Côte d'Ivoire and Head of the United Nations Operation in Côte d'Ivoire (2013-2017)
Festus Mogae - President of the Republic of Botswana (1998-2008) and Champion for an AIDS- Free Generation¹
Mario Monti - Prime Minister of Italy (2011-2013)¹
Mireya Moscoso - President of Panama (1999-2004)*
Kgalema Motlanthe - President of the Republic of South Africa (2008-2009) and Champion for an AIDS- Free Generation
Rovshan Muradov - Secretary General, Nizami Ganjavi International Center
Cristina Narbona - First Vice President of the Spaniard Senate and former Minister of the Environment of Spain
Bujar Nishani - President of Albania (2012-2017)²
Dr. John Nkengasong - Director of African Centres for Disease Control and Prevention
Olusegun Obasanjo - President of the Federal Republic of Nigeria (1999-2007) and Champion for an AIDS- Free Generation¹
Djoomart Otorbayev - Prime Minister of Kyrgyzstan (2014-2015)²
Roza Otunbayeva - President of Kyrgyzstan (2010-2011)¹
Ana Palacio - Minister of Foreign Affairs of Spain (2002-2004)
Dr. David Pan - Executive Dean, Steve Scwarcman College, Tsinghua University China²
Flavia Pansieri - Deputy High Commissioner for Human Rights (2013-2015)
Elsa Papademetriou - former Vice President of the Hellenic Republic (2007-2009)²
Andres Pastrana - President of Colombia (1998-2002)¹
Muhammad Ali Pate - Global Director, Health, Nutrition and Population Global Practice of the World Bank and Director of Global Financing Facility for Women, Children and Adolescents
Kate Pickett - Professor of Epidemiology at the University of York
Thomas Piketty - Professor of Economics at the Paris School of Economics and a co-director of the World Inequality Database
Rosen Plevneliev - President of Bulgaria (2012-2017)²
Hifikepunye Pohamba - President of the Republic of Namibia (2005-2015) and Champion for an AIDS- Free Generation
Karin Sham Pòo - Deputy Executive Director of UNICEF (1987-2004)
Achal Prabhala - Coordinator of the AccessIBSA project
Dainius Puras - Special Rapporteur on the right of everyone to the enjoyment of the highest attainable standard of physical and mental health
Iveta Radicova - Prime Minister of Slovakia (2010-2012)¹
José Manuel Ramos-Horta - President of Timor Leste (2007-2012)¹
J.V.R. Prasada Rao - Special Envoy to the Secretary General of the UN on AIDS (2012-2017) and Health Secretary of the Government of India (2002-2004)
Geeta Rao Gupta - Executive Director of the 3D Program for Girls and Women and Senior Fellow at the United Nations Foundation
Oscar Ribas - Prime Minister of Andorra (1982-84; 1990-94)¹²
Mary Robinson - President of Ireland (1990-1997), UN High Commissioner for Human Rights, Chair of the Elders
Dani Rodrik - President-Elect of the International Economic Association, Professor of International Political Economy, Harvard University
Petre Roman - Prime Minister of Romania (1989-1991)¹
Juan Manuel Santos - President of Colombia (2010-2018), 2016 Nobel Peace Prize Laureate, Member of the Elders and Conservation International Arnhold Distinguished Fellow
Kailash Satyarthi - Nobel Peace Prize Laureate (2014) and Child Rights Activist
Ismail Serageldin - Co-Chair Nizami Ganjavi International Center, Senior VP of the World Bank (1992-2000)²
Fatiha Serour - Africa Group for Justice & Accountability
Michel Sidibé - Minister of Health and Social Affairs of Mali
Mari Simonen - Former Assistant Secretary General of the UN and Deputy Executive Director of UNFPA
Pierre Somse - Minister of Health and Population of Central Africa Republic
Vera Songwe - Under-Secretary-General of the United Nations and Executive Secretary, United Nations Economic Commission for Africa
Michael Spence - Nobel Laureate for Economic Sciences (2001), William R. Berkley Professor in Economics & Business, NYU
Joseph E. Stiglitz - a Nobel laureate in economics and University Professor at Columbia University
Eka Tkeshelashvili - Deputy Prime Minister of Georgia (2010-2012)²
Aminata Touré - Prime Minister of Senegal (2013-2014)¹
Danilo Türk - President of Slovenia (2007-2012)¹
Cassam Uteem - President of Mauritius (1992-2002)¹
Marianna V. Vardinoyannis - Goodwill Ambassador of UNESCO²
Ann Veneman - Executive Director of UNICEF (2005-2010)
Chema Vera - Executive Director (Interim) of Oxfam International
Melanne Verveer - United States Ambassador-at-Large for Global Women's Issues (2009-2013), Executive Director of the Georgetown Institute for Women, Peace and Security at Georgetown University
Vaira Vike-Freiberga - President of Latvia (1999-2007), Co-Chair Nizami Ganjavi International Center
Filip Vujanovic - President of Montenegro (2003-2018)²
Margot Wallström - Minister of Foreign Affairs of Sweden (2014-2019)
Richard Wilkinson - Emeritus Professor of Social Epidemiology, University of Nottingham Medical School
Jelta Wong - Minister for Health and HIV/AIDS, Papua New Guinea*
Kateryna Yushchenko - First Lady of Ukraine (2005-2010)²
Viktor Yushchenko - President of Ukraine (2005-2010)²
José Luis Rodríguez Zapatero - President of the Government of Spain (2004-2011)¹
Valdis Zatlers - President of Latvia (2007-2011)²
Ernesto Zedillo - President of Mexico (1994-2000)¹
Gabriel Zucman - Professor of Economics at UC Berkeley
¹ Member of WLA Club de Madrid
² Member of Nizami Ganjavi International Center (NGIC)
* Signatory to the letter after 14 May, and before the 18 May World Health Assembly
Notre action


Feature Story
La COVID-19 dans les prisons, une bombe à retardement
13 mai 2020
13 mai 2020 13 mai 2020Avec plus de 11 millions de personnes incarcérées dans le monde et 30 millions entrant et sortant de détention chaque année, la menace de la COVID-19 pour les individus en prison est une réalité. L’éloignement physique n’est tout bonnement pas une option dans la vaste majorité des prisons et des centres de détention du monde qui sont confrontés à la surpopulation et à un manque de financements. La population carcérale et le personnel vivent dans une peur constante de l’arrivée de la COVID-19 dans les milieux où la promiscuité, le partage d’équipements et d’espaces, mais aussi le manque d’hygiène sont monnaie courante.
« Une riposte sanitaire à la COVID-19 dans les prisons ne suffit pas. Cette situation d’urgence mondiale sans précédent nécessite une riposte fondée sur les droits humains », a déclaré Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l’ONUSIDA. « Les pays doivent garantir à tout moment non seulement la sécurité, mais aussi la santé, la protection et la dignité humaine des personnes privées de leur liberté, indépendamment du niveau de l’état d’urgence. »
L’ONUSIDA, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, l’Organisation mondiale de la Santé et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime appellent les autorités à utiliser la détention en dernier recours, à fermer les centres de rééducation des toxicomanes et à dépénaliser le commerce du sexe, les relations sexuelles entre personnes du même sexe et la consommation de drogues. Ces institutions enjoignent aux pays de libérer les individus pouvant l’être et de prendre en compte la fragilité face à la COVID-19, comme c'est le cas des personnes âgées ou présentant des problèmes de santé. Par ailleurs, les gouvernements devraient réfléchir à libérer d’autres groupes, dont les condamné(e)s pour des délits mineurs ou n’impliquant pas de violence, les femmes enceintes et allaitantes ainsi que les enfants.
Des pays commencent toutefois à prendre des actions alors que nous entendons parler de personnes incarcérées terrifiées cousant des masques de fortune. Le gouvernement éthiopien, par exemple, a libéré plus de 30 000 individus de ses prisons et a renforcé les mesures d’hygiène. L’Indonésie est en train de remettre en liberté plus de 50 000 personnes, notamment 15 000 qui étaient derrière les barreaux pour des délits liés aux drogues. La République islamique d’Iran, quant à elle, libère actuellement 40 % de sa population carcérale, soit 100 000 personnes, alors que le Chili est prêt à en relâcher 50 000 environ.
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Gérer l’épidémie de COVID-19 au Cameroun
11 mai 2020
11 mai 2020 11 mai 2020Entretien avec la directrice pays de l’ONUSIDA, Savina Ammassari
Savina Ammassari est devenue directrice pays de l’ONUSIDA pour le Cameroun en 2018. Elle a travaillé auparavant pour l’ONUSIDA en Inde, au Myanmar et au Cambodge en tant que conseillère en informations stratégiques. Elle a soutenu des initiatives en faveur du développement durable, de l’égalité et des droits humains dans plus de 20 pays.
Son expérience personnelle et professionnelle dans de nombreux pays et ses vastes connaissances linguistiques lui font penser qu’elle s’adapte facilement, mais la COVID-19 se révèle être une véritable épreuve pour elle.
Savina, avez-vous eu l’impression que la COVID-19 était un tsunami qui avait mis le cap sur vous ?
Oui, en effet, j’ai vu le tsunami s’approcher. J’ai suivi l’apparition de la COVID-19 en Chine, puis sa propagation rapide en Italie, mon pays d’origine, où l’épidémie a déjà fait plus de 24 000 victimes. J’étais bien consciente que de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, dont le Cameroun, seraient mal préparés pour affronter l’effet dévastateur de la COVID-19 sur les secteurs de la santé et de l’économie. Les systèmes de santé fragiles et la pauvreté endémique représentent des défis considérables pour les ripostes gouvernementales, communautaires et du système des Nations Unies à la pandémie.
J’ai fait l’amère expérience dans ma famille des réalités de la crise enserrant le monde lorsque mon beau-frère, un chirurgien travaillant à Brescia dans l’épicentre de l’épidémie italienne, a développé des symptômes graves de la COVID-19 qui ont entraîné une pneumonie bilatérale. Heureusement, il a été branché sur un respirateur artificiel et a reçu des traitements expérimentaux, qui lui ont sauvé la vie. Mais je sais que ce ne sera pas le cas pour tout le monde, en particulier dans les pays disposant d’un système de santé moins solide.
Le Cameroun est devenu l’épicentre de la COVID-19 en Afrique occidentale et centrale. Les premiers cas ont été détectés à l’aéroport de la capitale, Yaoundé. D’autres ont suivi très rapidement à Douala, la plus grande ville du pays. Malgré les mesures prises rapidement par le gouvernement pour isoler les cas initiaux, dépister et tracer les contacts, la transmission au sein de la communauté s’est emparée du pays. Il est difficile de connaître l’ampleur des transmissions à cause de l’accès limité aux services de test.
La riposte du Cameroun est confrontée à des contraintes considérables, en particulier pour ce qui est d’élargir le dépistage et le traçage des contacts, de fournir des unités de soins intensifs/des respirateurs artificiels pour les personnes gravement atteintes, ainsi que des équipements de protection individuelle adaptés destinés au personnel médical. La mise en place rapide de programmes d’éducation des communautés mettant l’accent sur l’hygiène des mains et l’éloignement physique est une problématique actuelle, en particulier dans les zones urbaines pauvres et souvent surpeuplées.
Quels ont été les préparatifs au Cameroun ? Au début, un sentiment d’optimisme régnait au Cameroun. On pensait que d’une manière ou d’une autre, l’Afrique, contrairement à d’autres régions, allait réussir à éviter les conséquences catastrophiques de la pandémie. Peu de personnes avaient conscience que la pandémie avait juste quelques semaines de retard avant d'atteindre le Cameroun.
Aujourd’hui, le Cameroun est le pays le plus touché de la région et le deuxième d’Afrique subsaharienne. Il voit son taux d’infections augmenter rapidement. La rareté des kits de test masque toutefois très certainement le nombre réel d’infections. Le recensement des infections individuelles, des guérisons et des victimes ne permet pas de révéler la situation dans son intégralité. L’ONUSIDA a milité pour une modélisation de l’épidémie permettant de quantifier les besoins et l’approvisionnement en soins de santé.
Lorsque les premiers cas de COVID-19 ont été détectés à Yaoundé, un groupe restreint de personnalités du secteur de la santé s’est rassemblé au ministère de la Santé pour discuter et planifier des mesures d’endiguement de l’épidémie et de minimisation de son impact. J’ai été invitée parmi d'autres représentant(e)s des Nations Unies du fait de l’expérience de l’Onusida dans la gestion des épidémies. J’ai souligné qu’il était nécessaire d'exploiter les systèmes existants et d’utiliser les efforts dirigés par des communautés au cours de la riposte nationale au sida. J’ai plaidé pour des investissements initiaux dans la communication et la mobilisation des communautés afin de prévenir les infections à la COVID-19, en utilisant une approche multisectorielle.
Cette riposte multisectorielle a été mise en place en impliquant directement la coordonnatrice résidente des Nations Unies (CRNU) avec mon soutien. J’ai facilité les efforts de la CRNU pour établir des liens entre le ministère de la Santé et des partenaires de développement au cours de téléconférences hebdomadaires. Les partenaires, volontaires pour aider, manquaient d’informations sur les priorités immédiates.
L’ONUSIDA a aidé le ministère de la Santé à modéliser l’épidémie de COVID-19 afin de mieux comprendre et quantifier les besoins. Pour cela, des téléconférences ont réuni des partenaires techniques et financiers. La démarche a permis de hiérarchiser les besoins et de quantifier et estimer le coût des fournitures et équipements nécessaires de toute urgence. Les partenaires volontaires pour soutenir cet effort, avaient toutefois besoin non seulement d’une stratégie nationale et modélisée de riposte à la COVID-19 avec une estimation des coûts, mais également d’un calendrier d’approvisionnement clair et précis reposant sur cette stratégie. Par ailleurs, l’ONUSIDA a plaidé avec succès pour la création d’un groupe d’information stratégique. Ses tâches consistent à analyser en détail les données de suivi, à modéliser l’épidémie, ainsi qu’à surveiller et à évaluer la riposte à la COVID-19.
La communication est en effet cruciale. Mais comment gérer des problèmes fondamentaux comme l’absence d’eau courante dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne qui rend difficile la recommandation de se laver les mains. Comment la population gère-t-elle cela et d’autres mesures, comme l’éloignement physique ?
C’est en effet un problème essentiel au Cameroun à cause de l’absence d’alimentation continue en eau dans de nombreuses communautés rurales et urbaines. Utiliser des solutions hydroalcooliques n’est pas une option envisageable pour la plupart des gens. Quant aux produits fabriqués localement, leur qualité et la sécurité de leur utilisation ne sont pas obligatoirement au rendez-vous.
De même, l’éloignement physique et le confinement volontaire sont souvent des options peu viables et souvent irréalistes au sein de communautés où, d’une manière générale, un grand nombre de personnes partage des espaces communs à domicile et dans leur communauté. Le gouvernement a mis en place une batterie de mesures strictes pour endiguer la propagation de la COVID-19 (fermeture des écoles et établissements d’éducation ou de formation, interdiction de tous rassemblements, obligation de porter un masque dans les transports publics), mais un confinement généralisé n’a pas été promulgué jusqu’à présent. Il est légitime de se poser la question de l’impact qu’aurait un confinement total sur la majorité de la population, alors que 80 % des personnes travaillent dans le secteur informel et vivent au jour le jour. Mais, du point de vue de la santé publique, les confinements sont indispensables. L’un des défis consiste à jongler entre ces préoccupations.
Savina, vous n’avez jamais eu peur des défis. D’après vous, s’agit-il du plus grand défi auquel vous avez été confrontée jusqu’à présent et pourquoi ?
Oui, cette crise n’a pas son pareil dans l’histoire et elle est imprévisible. Je suis inquiète de la manière dont la pandémie de COVID-19 affectera non seulement notre équipe et nos proches, mais aussi les personnes vivant avec le VIH qui ont besoin d’obtenir sans interruption leur thérapie antirétrovirale et les services liés au virus, ainsi que les personnes qui sont déjà victimes de stigmatisations, qui sont vulnérables ou déjà marginalisées dans la société et dans l’économie.
Nous constatons déjà une augmentation préoccupante de la stigmatisation et de la discrimination à l’encontre des membres de populations clés au Cameroun et nous assurons que l’équipe de pays des Nations Unies et les partenaires continuent d’accorder leur priorité aux problématiques liées aux droits humains dans leur stratégie.
Notre travail est déjà difficile en temps normal parce que le Cameroun est confronté à des difficultés humanitaires et de développement énormes. L’attention internationale ne se porte déjà pas suffisamment sur les crises humanitaires qui touchent le Cameroun sur trois fronts. Il s’agit de la crise humanitaire la moins financée au monde. L’épidémie de la COVID-19 multiplie ces défis.
L’ONUSIDA mobilise les communautés et les réseaux dans les travaux de prévention à la COVID-19 et s’assure que la société civile est suffisamment consultée et impliquée dans la riposte nationale au nouveau virus.
Comment relâchez-vous la pression le soir ? Comment rechargez-vous vos batteries ?
Je crains de ne pas accorder suffisamment de temps pour me détendre, car je travaille jour et nuit, ce qui n’est pas sain. Peut-être qu’un des défis posés par la COVID-19 est de trouver de nouveaux centres d’intérêt en dehors du travail qui peuvent perdurer et continuer à faire plaisir.
Quels ont été les enseignements tirés ? Allez-vous faire certaines choses différemment à partir de maintenant ?
J’ai réappris que l’union fait la force. Dans des situations d’urgence sans précédent comme aujourd’hui où personne n’a ni la réponse ni la formule magique, nous avons besoin des compétences et de l’expérience de chacune et de chacun. Mettre les acteurs en contact, fournir des ressources, garantir la transparence des échanges, voici la stratégie gagnante. Cela nécessite un leadership fort et une cohésion de l’équipe dans l'effort.
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31 octobre 2024


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« J’ai sauvé des vies en étant en première ligne de la pandémie de COVID-19 en Chine »
28 avril 2020
28 avril 2020 28 avril 2020Xiao Yang n’oubliera jamais l’hiver 2019/2020 qu’il a passé dans la ville chinoise de Wuhan où il a travaillé en tant qu’infirmier aux urgences d’un hôpital de fortune pendant 60 jours. Il y a été témoin de la vie et de la mort, du bonheur et du chagrin, de pleurs et des rires.
M. Xiao s’est porté volontaire dans sa ville natale, Beijing, pour aller sauver des vies à Wuhan. « La responsabilité de tout personnel médical est de sauver des vies », explique-t-il. Cet engagement est une tradition familiale. 17 ans auparavant, son père, médecin, s’est trouvé en première ligne de l’épidémie de SRAS.
M. Xiao a caché jusqu’à la dernière minute à son partenaire qu’il partait pour Wuhan. « Il ne voulait pas que j’y aille, mais il a respecté ma décision », indique-t-il.
En arrivant de nuit à Wuhan, les volontaires ont été répartis en deux groupes : soins intensifs et cas bénins.
M. Xiao a été envoyé aux soins intensifs. Pour sa propre protection, on lui a demandé de porter cinq paires de gants et deux masques. Toutefois, la plupart des gants étaient trop petits pour lui et lui faisaient mal au bout de 20 minutes. Il avait également du mal à respirer. « J’avais l’impression que quelqu’un me couvrait la bouche en permanence », raconte-t-il.
Le pire, c’est que M. Xiao est asthmatique. Si jamais il avait fait une crise, il n’aurait jamais eu le temps d’atteindre ses médicaments à cause de tout l’équipement de protection qu’il portait.
« Chaque membre du personnel médical a enregistré sur son téléphone ses derniers mots pour sa famille », continue-t-il.
Son partenaire, Lin Feng, est policier. La pandémie de COVID-19 a aussi augmenté sa charge de travail. Lorsque le coronavirus s’est déclaré à Beijing, il a passé de longues heures à patrouiller les autoroutes, les routes et les zones résidentielles.
À cause de la distance, les messages instantanés restaient le seul moyen de communication pour le couple. Après avoir envoyé une photo de lui couvert de neige à la fin de son service de nuit, M. Lin a reçu un message de M. Xiao lui rappelant de s’habiller plus chaudement. Il lui a répondu : « Prends soin de tes patients. Je prendrai soin de toi. »
Six jours après son arrivée à Wuhan, M. Xiao s’est rendu compte que la mort pouvait le saisir à tout moment.
Au cours d’une visite dans son service, il a vu un patient subir une baisse brutale du niveau d’oxygénation du sang et éprouver des difficultés respiratoires. Il s’est empressé de l’intuber, le meilleur moyen et le plus rapide pour maintenir le patient en vie. Mais il a agi trop énergiquement, ce que n’a pas supporté sa combinaison de protection qui s’est déchirée dans le dos. Un collègue a refermé le trou avec du scotch afin qu’il puisse continuer à travailler.
Une fois l’état de son patient stabilisé, M. Xiao pouvait à peine respirer et il ressentait des douleurs vives aux mains, aux oreilles et au visage. Il avait porté des masques, des gants et sa combinaison de protection pendant trop longtemps. La peur l’a assailli une fois les douleurs passées. Il aurait pu facilement attraper le nouveau coronavirus à cause de la déchirure. Elle lui a aussi rappelé les risques qu’il prenait tous les jours. « Je peux seulement espérer que tout ira bien », raconte-t-il. « Je m’étais préparé au pire en décidant de venir ici. »
Des personnes de la communauté lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre et intersexuée, comme M. Xiao et M. Lin, ont été nombreuses à travailler dur pour contenir le virus et sauver des vies pendant la pandémie. Au Wuhan Lesbian, Gay, Bisexual and Transgender Center, 26 bénévoles se sont engagés 24h/24 pour livrer des médicaments aux personnes vivant avec le VIH. L’ONUSIDA a soutenu fièrement leurs efforts en créant un lien entre le centre et les autorités sanitaires locales afin de faciliter la livraison de médicaments, en aidant à fournir leur thérapie aux Chinois vivant avec le VIH à l’étranger et en encourageant la création d’une ligne téléphonique délivrant des conseils aux personnes séropositives. Résultat : le centre a été en mesure de fournir des médicaments à plus de 2 600 personnes et l’assistance téléphonique a été utilisée par 5 500 personnes.
« J’avais prévu de rester une semaine, puis cela a été prolongé à trois semaines, puis encore plus longtemps », continue M. Xiao au bord des larmes.
Il a fini par partir fin avril, lorsque la pandémie de COVID-19 s’est calmée dans la ville. Il dit qu’il n’oubliera jamais rien, mais qu’il ne souhaite pas le revivre. Et personne ne le devrait.
Maintenant qu’il est revenu sain et sauf auprès de son partenaire à Beijing, il se souvient de l’annonce du capitaine de l’avion pour Wuhan : « Ce vol est de Beijing à Beijing avec une escale à Wuhan. Lorsque vous aurez gagné la bataille, nous vous ramènerons à la maison. »
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La riposte à la COVID-19 doit préserver et protéger les droits humains des professionnel(le)s du sexe
24 avril 2020
24 avril 2020 24 avril 2020Le Réseau mondial des projets sur le travail du sexe (NSWP) et l’ONUSIDA ont publié récemment une déclaration commune invitant les pays à prendre des actions fondamentales et immédiates en vue de protéger la santé et les droits des professionnel(le)s du sexe pendant la pandémie de COVID-19.
La pandémie de COVID-19, comme toute autre crise sanitaire, révèle au grand jour les inégalités existantes et touche de manière disproportionnée les populations déjà criminalisées, marginalisées, se trouvant dans une situation sanitaire et économique précaire, et qui souvent ne bénéficient pas des mécanismes de protection sociale.
Dans le monde entier, la riposte des gouvernements à la crise de la COVID-19 ne prend pas en compte les professionnel(le)s du sexe. Leur clientèle étant aussi confinée, les professionnel(le)s du sexe perdent toute protection, et leur vulnérabilité augmente au point de ne plus être en mesure de subvenir à leurs besoins ni à ceux de leur famille. En Équateur, le Colectivo Flor De Azalea (association des professionnelles du sexe) a souligné que leur communauté est soudainement confrontée à un manque de soutien et d’accès aux services fondamentaux. « Les professionnelles du sexe sont davantage touchées par la crise sanitaire. Nous descendons sur le trottoir la peur au ventre et nous craignons les violences. Nous n’avons pas d’argent ni pour acheter à manger ou des médicaments ni pour payer notre loyer. Les services de santé sont fermés. Nous n’avons pas accès aux préservatifs. Des collègues sont mortes de la COVID-19. »
« La législation sur les droits humains stipule qu’ils sont inaliénables, universels, interdépendants et indivisibles », a déclaré la Directrice exécutive de l’ONUSIDA, Winnie Byanyima. « Il est essentiel au cours de cette pandémie de garantir qu'ils s’appliquent sans exception, en particulier aux plus vulnérables d'entre nous. Cela permettra aussi de bâtir les communautés résilientes que nous souhaitons voir émerger de cette crise. »
Alors que des professionnel(le)s du sexe signalent, par endroit, ne plus pouvoir se fournir en préservatifs à cause de la pandémie, celles et ceux vivant avec le VIH indiquent être en train de perdre l'accès aux médicaments essentiels. En Eswatini, Voice of Our Voices rapporte que « les personnes qui suivent un traitement contre le VIH ont du mal à se rendre à leurs consultations faute de transports. Quant aux produits de prévention, ils sont difficiles à obtenir. »
Alors que le commerce du sexe est criminalisé dans pratiquement tous les pays, les professionnel(le)s du sexe souffrent également davantage des mesures punitives liées à l’application des règlements relatifs à la COVID-19. Une présence accrue des forces de l’ordre peut les exposer à une recrudescence d’abus et de violences. Cela s’est déjà traduit dans plusieurs pays par des razzias à leur domicile, un dépistage obligatoire de la COVID-19, mais aussi des arrestations et des menaces de reconduite à la frontière pour les professionnel(le)s du sexe migrant(e)s. Pour celles et ceux qui se retrouvent à la rue après avoir perdu leur toit, comme c’est le cas pour nombre de professionnel(le)s du sexe migrant(e)s et exerçant dans des maisons de passe, l’absence d’aide engendre une grande insécurité ou une insuffisance de moyens pour respecter les exigences gouvernementales.
La criminalisation du travail du sexe dans la plupart des pays dresse également des obstacles spécifiques à cette activité pour bénéficier des aides gouvernementales. Aux États-Unis d’Amérique, les porte-paroles de SWOP-Tucson (the Sex Workers Outreach Project) ont expliqué que beaucoup de ces programmes demandent de prouver la perte d’emploi ou d’une partie de l’activité à cause de la COVID-19. Vu que le travail du sexe est criminalisé, il n’est pas possible de fournir les documents et les justificatifs nécessaires concernant la perte d’activité ou une situation difficile. Par conséquent, les professionnel(le)s du sexe ne peuvent pas bénéficier de moratoires de paiement sur le loyer/les prêts immobiliers, des abattements sur leur facture d’eau et d’électricité ou des primes de chômage. »
Même dans les pays où le commerce du sexe est partiellement légalisé, nombre de professionnel(le)s du sexe font l’amère découverte que le système d’aides élargies au secteur formel ne s’applique pas à leur communauté. C’est le cas par exemple en Allemagne où des professionnel(le)s du sexe mettent en avant les difficultés à se faire aider que rencontrent celles et ceux vivant en dehors du système. « Alors que le gouvernement fournit un éventail d’aides pour les indépendant(e)s (déclaré(e)s), il ne prend pas en compte les professionnel(le)s du sexe de manière spécifique, et personne en situation irrégulière ici n’a aucune chance d’obtenir de l’argent du gouvernement. »
Alors que la crise mondiale s’intensifie, la pression s’accroît sur les professionnel(le)s du sexe qui doivent choisir entre s’isoler sans revenu ni aide ou travailler en mettant leur santé et leur sécurité en jeu. La fermeture de la majorité du parc d’hébergements à court terme abordables pose un autre problème à l’heure où les professionnel(le)s du sexe ont des difficultés à payer leur loyer ou leur chambre d’hôtel. La disparition de ce type de logements conjuguée à la fermeture brutale des lieux de travail se traduit par une perte de domicile soudaine pour les professionnel(le)s du sexe dans de nombreux pays. La situation est encore plus grave pour la partie migrante de cette communauté largement piégée par la fermeture des frontières.
Malgré leur exclusion systématique des groupes de planification d’urgence de la santé publique, la communauté des professionnel(le)s du sexe a commencé à coordonner sa propre riposte à la crise. Plusieurs campagnes de collecte de fonds d’urgence et d’entraide ont ainsi vu le jour, qui permettent aux communautés et à leurs membres d’accéder à des moyens financiers et à des produits de première nécessité et de les distribuer. And Soppeku, une organisation sénégalaise dirigée par des professionnel(le)s du sexe, a lancé une telle initiative. Elle distribue des rations alimentaires et des kits d’hygiène à ses membres dans trois régions (Dakar, Thies et Kaolack). En l’absence d’action et d’aide de la part des gouvernements, des initiatives similaires sont déployées dans le monde entier.
Toutefois, les organisations autogérées de personnes et de groupes ne doivent pas être considérées comme un substitut à un soutien gouvernemental nécessaire de toute urgence. La législation internationale sur les droits humains impose aux gouvernements de les faire respecter, protéger et mettre en oeuvre sans discrimination, y compris en situation d’urgence.
Les professionnel(le)s du sexe et leurs organisations demandent la même protection légale et et le même accès au soutien financier et aux soins de santé. L’ONUSIDA se rallie à cet appel. L’organisation souligne l’importance d’une approche basée sur les droits de l’homme aux ripostes à la COVID-19, une approche qui fait la part belle à l’autonomisation et à l’engagement des communautés.
Les témoignages cités dans cet article ont été recueillis au cours de l’étude COVID-19 Impact Survey du NSWP qui s’adresse aux professionnel(le)s du sexe et à leurs organisations. L’objectif de cette enquête est d’assurer un suivi de l’action des gouvernements en faveur de cette communauté
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Pakistan : garantir que le traitement contre le VIH reste disponible à l’heure de la COVID-19
15 avril 2020
15 avril 2020 15 avril 2020Assise à côté de sa fenêtre cassée, Ashee Malik (nous avons changé son nom), une femme transgenre vivant dans la province pakistanaise du Punjab, compte son argent pour constater que ses revenus ont sérieusement baissé. Son unique source de revenus consiste à danser, demander l’aumône et divertir ses clients, mais depuis le 20 mars, le jour où le confinement a été institué pour arrêter la COVID-19, elle n’a pas pu sortir de chez elle. Ses tenues chamarrées sont remisées dans son armoire avec son nécessaire de maquillage qu’elle n’a pas touché depuis des semaines. « Nous avons peur pour notre bien-être, car nous n’avons pas assez pour subvenir à nos besoins et à ceux de nos familles », explique-t-elle.
La vie de Mme Malik comme celle de la plupart des personnes transgenres au Pakistan est marquée par la stigmatisation, la discrimination et l’isolement social. L’accès aux services de santé, à l’éducation et à l’emploi est l’un des nombreux défis auxquels est confrontée cette communauté malgré l’adoption en 2018 du Transgender Persons Protection of Rights Act. La COVID-19 et le confinement qui l’accompagne ne font que tout compliquer. Au 15 avril, plus de 5 900 cas confirmés de COVID-19 et 107 décès avaient été signalés au Pakistan.
Il y a un véritable risque que les restrictions de déplacement auxquelles est soumise la population perturbent des services essentiels pour les personnes vivant avec le VIH, une infection qui touche de manière disproportionnée la communauté transgenre au Pakistan.
La Khawaja Sira Society (KSS), qui s’engage en faveur des personnes transgenres, s’est mise à fournir de l’aide en travaillant avec les plus marginalisées et en fournissant des informations sur la façon de se protéger contre le VIH et la COVID-19.
« La communauté transgenre est particulièrement vulnérable à cause des préjugés, de la stigmatisation et de la discrimination à son encontre. Nous devons mettre en place un modèle de prévention de la COVID-19 qui prenne en compte les dynamiques et les problèmes que rencontre cette communauté au cours de la pandémie », explique la responsable des programmes de la KSS, Mahnoor alias Moon Ali.
Certains problèmes ont été évoqués plusieurs fois au cours des discussions menées par la KSS auprès de 150 personnes transgenres, dont 30 % environ sont séropositives. Il s’agit par exemple de la perte totale de revenus et de la promiscuité au sein des Dheras, ces maisons communes où quatre ou cinq personnes transgenres cohabitent, ce qui complique la distanciation sociale. À cela s’ajoute que la plupart des personnes contactées sont analphabètes, si bien qu’elles passent à côté des campagnes de santé publique expliquant comment éviter une infection au coronavirus. La peur de tomber malade est importante, ce qui affecte aussi leur santé mentale. Le gouvernement pakistanais a annoncé vouloir apporter une aide alimentaire. Il n’est toutefois pas certain que les personnes transgenres pourront en profiter, car ce programme repose sur un contrôle de la carte nationale d’identité, un document dont ne dispose tout bonnement pas la majorité des membres de la communauté transgenre du pays.
Par ailleurs, on assiste à une utilisation renforcée des médias sociaux pendant le confinement. Avec l’aide de l’ONUSIDA au Pakistan, la KSS diffuse des informations sur l’hygiène, les mesures de prévention et la distanciation sociale sur les médias sociaux et elle aborde le thème de la COVID-19 avec la communauté. La KSS, en lien avec les administrations provinciales, s’engage également pour garantir que les personnes vivant avec le VIH puissent se faire livrer chez elles leur thérapie antirétrovirale en quantité suffisante pour plusieurs mois.
« Nous, les personnes transgenres vivant avec le VIH, avons l’impression que le fait de nous rendre dans les centres gérés par le gouvernement qui délivrent une thérapie antirétrovirale nous expose à un risque. Nous avons besoin de nous faire livrer la thérapie antirétrovirale directement chez nous », explique Guddi Khan, une femme transgenre séropositive.
Comme l’accès ininterrompu à une thérapie antirétrovirale est essentiel pour les personnes vivant avec le VIH, la Pakistan Common Management Unit for AIDS, TB and Malaria, en collaboration avec l’ONUSIDA et d’autres partenaires, a mis en place des plateformes virtuelles et des lignes d’assistance téléphonique afin de garantir la continuité de la coordination. Un stock d’urgence d’antirétroviraux a été mis à la disposition des personnes vivant avec le VIH pour les deux prochains mois. En outre, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme contribue à constituer un stock tampon afin d’éviter toute interruption du traitement en cas d’éventuelles difficultés d’importation de médicaments.
« Nous collaborons étroitement avec l’Association of People Living with HIV, les gouvernements fédéraux et provinciaux, ainsi qu’avec la famille de l’ONUSIDA afin de suivre la situation et d’apporter rapidement une aide pour surmonter les obstacles empêchant l’accès à des services vitaux du VIH en cette période extrêmement difficile marquée par la crise de la COVID-19, » explique Maria Elena Borromeo, la Directrice pays de l’ONUSIDA au Pakistan et en Afghanistan.