À la mi-mars, le cyclone Idai a frappé le Mozambique et l’est du Zimbabwe au plus mauvais moment possible. Un mois plus tôt, le Zimbabwe avait lancé un appel d’urgence pour les 5,3 millions de personnes touchées par la crise économique en cours. En outre, la sécheresse avait détruit les récoltes. L’arrivée soudaine de précipitations abondantes et du vent a précipité la région dans le chaos. Trois cents personnes ont péri, des centaines d’autres ont disparu et 40 000 ont perdu leur foyer. L’insécurité alimentaire, à laquelle s’ajoute une absence de services fondamentaux dont les soins de santé, a pris des proportions alarmantes dans le Manicaland, la province la plus sévèrement touchée.
Pour Mumtaz Mia, Directrice pays par intérim de l’ONUSIDA au Zimbabwe au moment de la catastrophe, la priorité était d’assurer l’accès au traitement contre le VIH pour les personnes vivant avec le virus, notamment les femmes enceintes impliquées dans des programmes de protection de la transmission de la mère à l’enfant.
« Les situations d’urgence ne sont pas une nouveauté au Zimbabwe, mais cette fois-ci les personnes vivant avec le VIH se sont retrouvées livrées à elles-mêmes lorsque les inondations ont emporté leurs médicaments », explique-t-elle.
Pour elle, il est essentiel d’être toujours prêts. « Dans le cadre de la riposte au sida, nous devons anticiper toute interruption des services causée par une situation d’urgence. »
Mme Mia, elle-même originaire du Malawi, a déjà eu à gérer des sécheresses et à des inondations dans toute l’Afrique orientale et australe. Elle est également intervenue au Kenya dans le cadre d’un conflit qui a éclaté après des élections. Elle a aussi travaillé cinq ans pour l’ONUSIDA au Sud-Soudan avant d’arriver au Zimbabwe.
Elle se rappelle que le bureau national de l'ONUSIDA a rencontré le gouvernement, la société civile, les donataires et d’autres parties prenantes cruciales afin de discuter des actions à prendre immédiatement. Ils ont intégré très rapidement les besoins spécifiques au VIH dans la riposte à cette crise. En coopération avec les coparrainants de l’ONUSIDA, le ministère de la Santé et des Soins aux enfants ainsi que le Conseil national du sida, il s’agissait de coordonner la distribution de thérapie antirétrovirale et de préservatifs, le soutien alimentaire aux personnes vivant avec le VIH et de permettre aux femmes enceintes d’accoucher sans danger. Ces partenaires ont également évalué les besoins supplémentaires liés à la santé et au VIH suite à la catastrophe.
Près de 150 000 personnes vivant avec le VIH se trouvaient dans les zones touchées par le cyclone, dont 83 % suivaient une thérapie antirétrovirale qu’elles ont bien souvent dû interrompre au cours de la crise.
« Sans un plan et des consignes clairs sur les actions à prendre dans une situation d’urgence, il est très facile de perdre des jours, voire des semaines, à essayer de savoir quoi faire », explique Mme Mia.
Elle est également convaincue qu’il serait possible d’accélérer la riposte grâce à des plans d’urgence interagences organisant spécifiquement leurs actions. « Lorsqu’une crise nécessite d’accompagner les bureaux et les directions locales, les actions requises par l’ONUSIDA dans les situations d’urgence et leur impact potentiel sur le VIH doivent suivre des règles simples et claires », continue-t-elle. « Il est important de réserver des ressources financières disponibles immédiatement. »
Mme Mia pratique le yoga pour traverser les périodes de stress et elle apprécie le soutien de son mari. « Nous essayons de préserver un semblant de normalité chez nous lorsque les temps sont durs », déclare-t-elle avant d’admettre que souvent c’est difficile. Elle concentre ses pensées vers les personnes dans le besoin. « Ma porte leur est toujours ouverte. J’écoute leur histoire et cela m'ouvre des perspectives pour poursuivre mon travail. » C’est pourquoi elle a rappelé qu’on ne peut pas laisser les gens livrés à eux-mêmes en période de crise. « La rapidité est essentielle. »
La Directrice pays de l’ONUSIDA dans la République bolivarienne du Venezuela, Regina Lopez de Khalek, abonde en ce sens. « Une crise humanitaire vous oblige à agir rapidement afin de sauver des vies. Vous devez revoir vos tâches quotidiennes afin de porter toute votre attention sur la situation d’urgence », indique-t-elle.
Dans la République bolivarienne du Venezuela où la crise économique et politique touche plus de 80 % de la population, son travail consiste à gérer l’impact sur les personnes vivant avec le VIH ou concernées. L’inflation a explosé provoquant une flambée des prix des produits alimentaires de base. Les pénuries à tous les niveaux, y compris de médicaments, gangrènent le pays. En mai 2019, la République a reconnu rencontrer certaines « difficultés humanitaires » et a facilité la livraison de médicaments et de tests rapides pour le VIH et la syphilis. Le soutien d’organisations non gouvernementales internationales a permis d’apporter près de 60 tonnes de médicaments de première nécessité. L’ONUSIDA s’est engagée pour que le pays reçoive des fonds d’urgence d’organisations partenaires.
Plus récemment, l’ONUSIDA, le Fonds des Nations unies pour la population et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ont concentré leurs efforts afin d’aider les personnes touchées par la stigmatisation, la discrimination et les violences sexuelles. Cela se traduit par la distribution de kits de prévention post-exposition, une riposte médicale d’urgence pour les personnes exposées au VIH, des services de santé et le lancement de tests du VIH dans les maternités, ainsi qu’un soutien apporté à la société civile.
Pour Mme Lopez de Khalek, coopérer avec d’autres agences des Nations unies et des partenaires sur place fait toute la différence. « Travailler main dans la main est non seulement une approche sensée, mais cela assure la pérennité de la riposte au sida même dans une situation de crise humanitaire », explique-t-elle.
Elle recommande de suivre les directives du groupe d’étude du comité permanent inter-organisations sur le VIH dans des situations d’urgence, sans pour autant perdre de vue la réalité locale et nationale. « Il est essentiel de connaître et de comprendre la situation du pays où l’on se trouve », continue-t-elle, « car même si une situation d’urgence reste partout une situation d’urgence, la réalité diffère selon chaque pays. » Et il faut être proactif. « Il est nécessaire d’agir correctement en amont, afin de ne pas toujours être dans la réaction », indique-t-elle. Selon elle, il est essentiel de nouer des liens, de collaborer et de s’engager avec d’autres, mais aussi d’élaborer une riposte sur tous les plans afin que ni les personnes apportant de l’aide ni les personnes aidées ne soient laissées pour compte.
Simone Salem a le même sentiment. « Les contacts que j’établis dans les différents pays ainsi que les bonnes relations avec les personnes pouvant aider m’ont toujours sauvée pour apporter une réponse aux situations d’urgence », déclare la Conseillère pour la mobilisation de la communauté de l’ONUSIDA au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Et d’ajouter que la population se met à vous faire confiance et à chercher votre soutien lorsque vous commencez à agir et à apporter une aide concrète.
Mme Salem indique que son travail en Iraq, en Libye et en République arabe de Syrie a changé sa vie. « Chaque personne que j’aide me fait comprendre l'importance de mon travail et combien je dois rester à l’écoute des besoins des autres », continue cette ressortissante égyptienne.
Elle a récemment aidé des personnes à migrer ou à fuir leur foyer afin d’accéder à un traitement et à des conseils liés au VIH. Avec l’aide d'activistes et de réseaux régionaux, elle a permis l’évacuation de personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) victimes de violences.
Elle admire les formes de solidarité qui surgissent à tous les niveaux en temps de crise. On a vu récemment des Tunisiens donner leur surplus de médicaments contre le VIH à des Libyens, par exemple. La même chose s’est passée au plus fort du conflit syrien, cette fois-ci avec des dons venant du Liban.
Mme Salem a par ailleurs vu ses compétences décisionnelles s’améliorer avec le temps. Son secret ? « Toujours écouter ce qui est dit et ce qui n’est pas dit lorsqu’il s’agit d’analyser une situation complexe », explique-t-elle.
Pour elle, ce n’est pas une question de sexe, mais de personnalité. Elle reconnaît cependant que des femmes et des personnes vulnérables avec qui elle avait travaillé l’ont contactée parce qu’elles avaient l’impression qu’elle serait plus à l’écoute que d’autres. Ne pas réussir à aider quelqu’un est la seule ombre au tableau. « C’est vraiment dur. »
Elle explique qu’elle utilise son cœur pour écouter les gens. Elle a été émue lorsque de jeunes LGBT sont venus la voir pour lui dire que ses encouragements leur avaient donné espoir.
« Cela m’a mis du baume au cœur et m’aide à avancer », poursuit Mme Salem. « Je m’engage sans arrêt pour que les gens reçoivent un accueil correct et de la compassion. »